Codage à l'École : l'histoire se répète
En constituant des "paires" associant des professeurs d’anglais et des intervenants extérieurs compétents, on pourrait à peu de frais envisager la mise en place d’un dispositif efficace.
Tout le monde ou presque peut apprendre la programmation. Quelques dizaines d'heures de cours et de pratique suffisent pour détecter ou créer des vocations. Un moyen donc de donner une chance aux jeunes en perdition du système scolaire. Quant aux "professeurs" : on pourrait exploiter le filon de l'or gris, ces ingénieurs retraités prêts à communiquer leur savoir.Dans les années soixante-dix, la Compagnie Internationale pour l’Informatique a été associée à un projet de l’Éducation Nationale concernant l’enseignement du langage informatique à l’École. Ce qu’aujourd’hui on appellerait le codage. C’est ainsi que pendant une année scolaire, des enseignants détachés à mi-temps par leur administration ont étudié la programmation dans l’entreprise.
Le petit groupe d’une dizaine de professeurs, tous volontaires, s’est vite passionné pour l’exercice, alternant rigueur de l’apprentissage et discussions à bâtons rompus sur le caractère formateur de la logique informatique. Il y avait parmi eux une majorité de littéraires, professeurs de langues et de Français, une linguiste, un professeur de sciences naturelles, mais seulement un ou deux professeurs de mathématiques. Il s’est vite révélé que l’ambition à-demi avouée du projet était précisément la substitution de l’informatique aux mathématiques dans l’enseignement.
Comme on sait, ce projet n’a pas vu le jour. Outre la résistance d’un possible « lobby des mathématiques», on peut imaginer la victoire d’une forme de bon sens. Déjà, à l’apparition de l’électricité, certains avaient plaidé pour la généralisation de l’enseignement du courant électrique à l’école.
Le nouveau projet de codage à l’école, annoncé ces temps-ci, pourrait prendre une autre dimension dans le contexte de l’échec scolaire massif des jeunes. Ce projet prendrait du sens car l’économie a et aura effectivement un grand besoin de codeurs.
Il faut savoir en effet que la réussite dans l’apprentissage du codage n’est pas corrélée avec la performance scolaire. En clair, les « mauvais » élèves ont tous leur chance dans ce domaine. La programmation informatique relève autant de l’esprit logique que d’une forme d’imagination, de capacité à inventer qu’on a ou qu’on n’a pas. Cela signifie donc pour les élèves en voie d’exclusion une possible deuxième chance, une possibilité d‘échapper à l’exclusion et à la marginalisation.
Comment mettre en place un tel projet ? Il paraîtrait important de combiner l’enseignement du codage et de l’anglais. On donnerait ainsi à ces jeunes exclus des opportunités d’emploi étendues au-delà des frontières de l’Hexagone. En constituant des « paires » associant des professeurs d’anglais et des intervenants extérieurs compétents, on pourrait à peu de frais envisager la mise en place d’un dispositif efficace. Quant à ces « intervenants extérieurs, entre les actifs et les retraités du système français, les volontaires ne manqueraient certainement pas à l’appel. Et pour ce qui est du matériel, un portable associé à un rétroprojecteur pourrait suffire, dans une phase initiale du moins.
Tous les jeunes ou presque baignent dans la culture des séries américaines pas toujours sous-titrées et beaucoup possèdent un smartphone. Apprendre le langage des « applis » dans un environnement anglophone serait pour beaucoup une opportunité motivante. Et peut-être le déclic pour renouer le fil avec l’école.
Ce dispositif compléterait sans leur faire concurrence les initiatives privées concernant la formation des codeurs. On peut penser que les meilleurs éléments auraient un jour à choisir entre une possibilité d’emploi immédiat, en entreprise, pourquoi pas aussi dans leur propre école, ou la perspective d’une formation plus poussée, dans l’établissement de Mr Niel par exemple.
Utopie ? Peut-être pas. Le codage s’apprend vite. Une trentaine d’heures suffisent pour l’assimilation des bases. Si l’on ajoute autant pour la pratique, on arrive à un total de soixante heures pouvant être aisément réparties sur une année scolaire. Assez pour favoriser l’émergence de vraies passions.
L’histoire est faite de répétitions. Celle-ci pourrait donner aux exclus d’aujourd’hui l’espoir de meilleurs lendemains.