La vidéo à la conquête du recrutement

La vidéo à la conquête du recrutement Plusieurs start-up proposent aux recruteurs de présélectionner leurs candidats grâce à de courtes vidéos. PME en croissance et grands groupes sont séduits.

Pour décrocher votre poste actuel, vous avez surement été confronté aux grands classiques du recrutement : pré sélection téléphonique, puis un ou plusieurs entretiens avec des responsables RH ou votre futur manager. Dans les années à venir, vous serez peut être amené à passer par une autre étape qui consiste à répondre à quelques questions via une vidéo de quelques minutes.

Un marché disputé

"Lorsque j'ai été diplômé et que j'ai commencé à chercher un emploi, les choses étaient plus difficiles que je l'imaginais. J'ai envoyé beaucoup de CV et de lettres de motivation. Mais il est difficile de se démarquer lorsque l'on dispose de peu d'expérience professionnelle. Ce qui est dommage car les jeunes qui entrent sur le marché du travail ont de l'énergie et de la détermination à revendre", se rappelle Louis Coulon, diplômé de Neoma Business School. Résultat, avec son ami Gonzague Lefebvre, il a créé en 2014 VisioTalent, start up spécialisée dans le recrutement par vidéo.

Les recruteurs peuvent visionner plusieurs vidéos (ici avec VisioTalent). © VisioTalent

Le concept, nommé entretien vidéo différé, fonctionne de manière simple. "Si un recruteur a repéré un profil qui lui plaît, il peut effectuer une présélection via un entretien téléphonique. Nous proposons d'effectuer cette étape par vidéo", explique l'entrepreneur. Concrètement, il lui suffit d'envoyer un mail au candidat avec quelques questions et un lien vers la plateforme. En cliquant sur le lien, le candidat tombe sur un didactiel qui lui permet de tourner et d'envoyer sa vidéo de trois minutes en moyenne à l'entreprise. "Il peut s’entraîner via des entretiens blancs, prendre le temps de configurer sa vidéo afin qu'elle tape dans l'œil du recruteur. Nous disposons également d'un blog qui aide le candidat à réussir sa vidéo sur le fond et sur la forme", poursuit Louis Coulon.

Licence annuelle, prix en fonction des options, rémunération à l'annonce : il existe plusieurs types de paiement

Pour monétiser sa plateforme, VisioTalent a adopté un système de licence : "Chaque entreprise qui souhaite recourir à notre solution paie une licence annuelle de 3 000 euros quelle que soit sa fréquence d'utilisation. Les chaînes telles que Décathlon ou Leroy Merlin, qui font partie de notre clientèle, s'acquittent d'une licence par magasin".

Et le modèle économique semble fonctionner. Employant désormais une vingtaine de salariés, l'entreprise basée à Lille compte 250 clients qui vont de start-up comme Frichtee aux grands groupes du Cac 40. Si l'activité était à l'origine conçue pour les stagiaires et les jeunes diplômés, les choses changent peu à peu. "Nous remarquons que nos clients sont en quête des profils de plus en plus qualifiés. Nous pourvoyons des stages, des contrats d'apprentissage, mais également de plus en plus de postes de cadres confirmés", constate Louis Coulon.

Les candidats répondent aux questions posées par les recruteurs via leur webcam (ici sur Pitch My Job). © Pitch My Job

Si les affaires sont florissantes, VisioTalent n'est pas le leader du secteur. La place échoit à un acteur qui compte 40 collaborateurs répartis en France mais aussi en Belgique, en Italie, en Espagne et au Royaume-Uni : Easyrecrue. "Nous existons depuis trois ans et nous avons réalisé 110 000 entretiens vidéos dont 70 000 sur l'année 2016. Nous comptons 300 clients en France qui vont des groupes du Cac 40 à des PME en forte croissance. Et bien évidemment nous nous occupons du montage, du son ou encore de la luminosité", se réjouit Priscilla Cavrois, marketing communication manager du groupe.

L'offre proposée par Easyrecrue est similaire à celle de VisioTalent. En revanche la tarification est différente. Elle varie selon les options choisies : possibilité d'incorporer des tests de langues, de mener l'entretien en live etc. "Le tarif est d'environ 1 500 euros par mois par utilisateur et le panier moyen de 9 000 euros par entreprise", estime Priscilla Cavrois.

"Les clients utilisent la vidéo pour des profils de plus en plus qualifiés"

Derrière les deux champions du secteur, d'autres plus petits acteurs tels que Seeqle ou Pitch My Job tentent de tirer leur épingle du jeu. "Nous sommes une petite équipe de 5 salariés, mais nous proposons un concept que les autres concurrents n'ont pas. Sur notre site, ce sont les candidats eux-mêmes qui postent leurs vidéos, pas besoin d'une invitation des recruteurs. Mais les entreprises peuvent évidemment déposer des offres sur la plateforme. Il faut compter 49 euros pour un stage et 99 euros pour un CDI ou un CDD", explique Martial Dahan qui a cofondé cette jeune pousse de la e-RH avec Antoine Boudic en 2013. A l'origine spécialisée dans l'aide à la rédaction de CV et de lettres de motivation, elle s'est centrée sur le recrutement vidéo en 2015.

Pour 2017, Martial Dahan voit les choses en grand : "Notre objectif est double : atteindre les 100 000 entretiens vidéos et réaliser notre première levée de fonds". Le jeune entrepreneur se montre optimiste tant la vidéo différée semble répondre à un réel besoin de la part des recruteurs.

Des entreprises séduites

Master, parcours professionnel, années d'expérience… sont des éléments facilement résumables sur une page. Mais impossible de coucher sur papier des soft skills bien souvent indispensables à certains postes. "C'est le cas de la gestuelle ou de la persuasion. Dans les fonctions commerciales mais aussi marketing, ce sont des qualités primordiales que l'on peut déceler via la vidéo", souligne Amandine Lainé, Talent Acquisition manager chez Voyage Privé. L'agence de voyage en ligne a donc recours à EasyRecrue qui lui a permis de diversifier le recrutement en attirant des profils qui n'auraient peut-être pas eu leur chance via le recrutement traditionnel.

"La vidéo permet de diversifier le recrutement"

Même son de cloche du côté de Lyreco, groupe spécialisé dans la vente de fournitures de bureau. Dans cette entreprise de 2 000 salariés, depuis 2015, le processus de recrutement des commerciaux et des salariés du service marketing intègre la vidéo. "Nous avons réalisé une trentaine de recrutements avec VisioTalent", souligne Armeline Joly, chargée de recrutement. "Ce système nous permet rapidement de voir si un candidat arrive à se vendre, et in fine à vendre".

"Le format est apprécié des candidats"

Mais l'utilisation de la vidéo permet également aux recruteurs de gagner du temps et de s'assurer d'avoir en face à face des candidats qui correspondent à leurs attentes. Tel est notamment l'avis d'Albane Hussenet, Talent Acquisition Manager chez Blablacar, qui a recours aux services de VisioTalent : "Nous utilisons la vidéo pour poser 5 ou 6 questions aux candidats qui nous intéressent que ce soit pour des CDI, des CDD ou des stages. C'est un bon moyen de filtrer les candidatures et de nous assurer d'avoir des candidats motivés et anglophones", estime la spécialiste des ressources humaines, qui apprécie le format vidéo qui dure entre trois et dix minutes.

Les trois spécialistes des ressources humaines comptent tous utiliser davantage le recrutement vidéo à l'avenir. "Cela est utile dans le cadre de notre politique de recrutement, mais aussi de notre marque employeur et de notre expérience candidat. Nous remarquons en effet que les candidats apprécient ce format", observe Amandine Lainé.

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