Le projet de loi Lefebvre en faveur des consommateurs s'annonce décevant

Le secrétaire d’Etat à la consommation a déposé en juin 2011 un projet de loi visant à renforcer la protection des consommateurs dans les principaux secteurs de la vie courante et notamment le commerce électronique. Passage en revue des faiblesses d'un texte pourtant très attendu.

Les derniers secrétaires d’Etat à la Consommation ont chacun présenté un projet de loi (présenté comme une proposition de députés) et Frédéric Lefebvre n’a pas échappé à la règle. Ainsi, ce dernier a déposé en juin 2011 un projet de loi visant à renforcer la protection des consommateurs dans les principaux secteurs de la vie courante et notamment le commerce électronique.

Même si ce texte, fortement enrichi à l’Assemblée Nationale, présente des avancées pour le consommateur, notamment dans le logement, il ne répond que de manière limitée à son objectif d’accroître la concurrence, de mieux informer les consommateurs tout en assurant le respect effectif du droit de la consommation. Dans le domaine du e-commerce, la priorité était de protéger les consommateurs des pratiques déloyales de certains professionnels et des faillites de professionnels de la vente à distance qui ont laissé des milliers de consommateurs sur le carreau.

L’indemnisation des consommateurs en cas de pratiques illicites

La mesure phare du secrétaire d’Etat à la consommation est de renforcer les pouvoirs des agents chargés de la répression des fraudes et d’élargir le champ des sanctions administratives. Ce renforcement des pouvoirs des agents de la répression des fraudes est salutaire en évitant de longues procédures devant les juridictions pénales. Mais quelle est la place du consommateur là-dedans ? En effet, une sanction rapide permet de stopper des pratiques répréhensibles mais elles ne sont pas un moyen d’indemnisation des victimes.

Certes des mesures intéressantes pour aider les consommateurs dans leurs démarches sont en passe d’être adoptées telles que la majoration de plein droit de 10% si le consommateur n’est pas remboursé dans les délais légaux suite au non-respect du délai de livraison. Mais à l’heure où le gouvernement semble vouloir limiter l’accès à la justice avec notamment une nouvelle taxe de 35 euros mettant fin à la gratuité de la procédure des petits contentieux, la discussion autour de l’action de groupe fut affligeante.

Voilà que l’on ressort les poncifs des dérives à la class action (risque de manipulation par des avocats pour faire chanter des entreprises / le modèle français tel que préconisé prévoit que seuls les associations peuvent engager une telle action et seulement après contrôle d’un juge) et les arguments les plus ridicules pour refuser la mise en place d’une action de groupe : c’est long (pas plus que toute autre procédure), coûteux et c’est la crise (ben voyons c’est le moment d’arnaquer les consommateurs pour renflouer les caisses en oubliant que les entreprises honnêtes sont aussi des victimes de ces pratiques illicites de concurrents).

C’était sans oublier l’argument ultime : la MEDIATION. C’est LA solution à tous les problèmes selon Frédéric Lefebvre. Mais bien sûr… Autant nous sommes pour la médiation que nous mettons en œuvre tous les jours, autant c’est prendre les consommateurs pour des idiots de croire que la médiation résout tout.

La protection en cas de faillite

Des liquidations retentissantes de plusieurs professionnels de la vente à distance avaient conduit à la nécessité de mieux protéger le consommateur face à de tels évènements.

Or la seule piste mise en avant par le gouvernement est la possibilité pour la répression des fraudes (elle va devoir en faire des choses) d’exiger que le professionnel passe du paiement à la prise de commande au paiement à la livraison.

Mais là deux problèmes se posent :

- quid des clients d’ores et déjà non livrés ou non remboursés et qui ne le seront jamais ?

- qui croira qu’un gouvernement accepterait de signer la mort d’une entreprise telle que la CAMIF alors même qu'il explique que l’action de groupe serait dangereuse pour la santé financière des sociétés.

Une solution de bon sens et pragmatique existe pourtant : imposer le paiement à l’expédition pour les paiements par carte bancaire. De bon sens car est-ce normal que le professionnel dispose des fonds alors qu’il n’est pas en train d’exécuter la livraison ? Pragmatique car elle est déjà de principe chez bon nombre de marchands. Et là, on nous brandit que cela bousculerait le modèle économique et tuerait le petit commerce. Or bon nombre de petites structures passent par des plateformes où la règle est…. le paiement à la validation de la réception de la commande.

Par ailleurs, une telle proposition va aussi dans l’intérêt des professionnels honnêtes puisqu’un client mécontent ne verra plus son argent bloqué avant d’être remboursé.

Notre dada : la garantie légale de conformité

Ici le problème est simple : la loi prévoit une garantie de deux ans pendant laquelle le consommateur  peut exiger le remplacement ou la réparation du bien en panne et cela sans frais. Or les professionnels n’hésitent pas à caser des garanties complémentaires d’extension (passer de 1 à 2 ans par exemple) ou de remplacement à neuf alors même que la loi l’impose déjà.

De notre côté, nous demandions simplement que toute communication autour des garanties commerciales précise l’existence de cette garantie légale. Le gouvernement a préféré une simple mention dans les documents annexes tels que les conditions générales de vente que personne ne lit. Ce serait soi-disant aussi protecteur… mais bien sûr. Voilà un joli cadeau pour permettre aux professionnels de continuer à prendre le consommateur pour une vache à lait en le privant de ses droits.

Ce texte comporte bien sûr d’autres mesures, certaines en faveur des consommateurs (réduction du délai de remboursement …), certaines sans intérêts, certaines mêmes pour les professionnels (oui drôle de vision d’un projet de loi visant à renforcer les droits des consommateurs). Mais avec un Sénat aujourd’hui à gauche, la bataille autour de ce projet de loi ne fait que commencer avec l’espoir que de réelles avancées consuméristes soient intégrées. Néanmoins, si tel est le cas, le risque est grand de voir le gouvernement tout simplement saborder sur ce texte qui finirait aux oubliettes comme les droits des consommateurs.