Sylvain Legoux (OOGarden) "Nous ne vendons pas sur les marketplace pour protéger nos données"

Quelques marchands résistent encore et toujours aux sirènes d'Amazon et des autres places de marché. Parmi eux, le spécialiste de l'habitat d'extérieur OOGarden.

JDN. Vous êtes le président-fondateur d'OOGarden. Pourquoi ne vendez-vous pas vos produits d'habitat extérieur sur les places de marché ?

Sylvain Legoux est fondateur et président d'OOGarden. © OOGarden

Sylvain Legoux. Aujourd'hui, OOGarden compte 6 000 références, dont 30% en marque propre dans le jardinage et l'ameublement d'extérieur. Nous sommes devenus un spécialiste de ce secteur et dans la vente en ligne. Or, il est très difficile de développer son activité, d'apprendre son métier d'e-commerçant. Je connais mes produits, leur saisonnalité, je sais ce qui marche ou pas. Aussi petite que soit notre entreprise (70 millions de CA en 2017, ndlr), je ne veux pas partager ce savoir avec des concurrents potentiels. Toute société d'e-commerce a son ADN et doit protéger ses données. Celles qui vont sur les marketplace perdent la main sur leurs data. Voilà pourquoi nous avons toujours refusé de vendre sur marketplace.

Pourtant, Amazon garantit une barrière infranchissable entre son activité marketplace et son activité e-commerce propre…

C'est ce qu'ils promettent en effet. Pour que nous intégrions leur marketplace, Amazon nous a déjà contacté. Mais je me méfie : quelles garanties ai-je que la place de marché n'analyse pas mes données ainsi que celles des marchands tiers pour ensuite faire mieux que moi et plus vite ? Je ne suis pas le seul à avoir cette crainte. Certaines voix du secteur avertissent que les opérateurs de marketplace analysent les marchés grâce aux données collectées auprès des vendeurs tiers. C'est le moyen rêvé de savoir si un produit marche sans effort. Il suffit d'observer les meilleures ventes et d'obtenir les informations sur les fournisseurs.

Quelle alternative proposez-vous ?

Privilégier le faire soi-même ! Par exemple, notre budget marketing digital représente 8% de notre chiffre d'affaires par an. J'inclus dedans nos investissements publicitaires télévisuelles sur la TNT, Google Adwords ainsi que nos six collaborateurs dédiés au marketing sur une centaine d'employés au total. En comparaison, les commissions prélevées par les opérateurs atteignent en général 10 à 12% des ventes. Mon calcul est tout fait.

Ce refus ne pèse-t-il pas sur votre développement ?

Nous avons une croissance de 30% en moyenne tous les ans. Elle serait peut-être plus rapide en passant par les marketplace. A court terme, notre choix est difficile, car il faut acquérir des compétences pour faire soi-même. A long terme, je garde la connaissance de mes clients. J'évite aussi le risque d'être éjecté brutalement de la marketplace et de tout perdre.

"Notre budget marketing digital représente 8% de notre chiffre d'affaires par an"

Certains marchands écoulent du stock sur les places de marché via des opérations ponctuelles. Qu'en pensez-vous ?

Même dans ce cas-là ce n'est pas indispensable... Pour écouler de la marchandise sur Internet, il suffit de baisser fortement les prix. Nous voulons que la marque OOGarden soit reconnue. Quand un client achète sur la marketplace d'Amazon par exemple, il se rappelle uniquement avoir acheté sur Amazon. Installer une enseigne dans l'esprit des consommateurs prend du temps. Notre choix est celui de créer notre propre fonds de commerce.

Les places de marché internationales restent aussi un moyen de développer son activité dans plusieurs pays. Vous ne croyez pas à cette solution non plus ?

Non. OOGarden livre en Allemagne et en Belgique depuis la France. Depuis fin 2017, nous avons ouvert une plateforme de 12 000 mètres carrés à Düsseldorf. Nous testons petit à petit : quel produit se vend le mieux là-bas ? Quelles sont les périodes et les habitudes de consommation ? Monter cette filiale demande du temps et des investissements. Aller sur une place de marché permet d'aller plus vite, mais nous n'aurions pas tant appris sur la manière de gagner de la notoriété à l'étranger.