L’économie circulaire est-elle l’ennemie de la croissance ?

On oppose souvent économie circulaire à dynamisme économique. Au centre de la question : l’économie circulaire est-elle compatible avec croissance, rentabilité et création de valeur ? Le risque de modifier les fondements du modèle économique actuel n’est-il pas de voir la consommation ralentir, la compétitivité des entreprises diminuer avec des conséquences négatives sur l’emploi ? En deux mots, l’économie circulaire est-elle un modèle viable ?

L’idée que seul le modèle économique actuel est à même de créer une dynamique créatrice de croissance et de revenu est ancrée dans la plupart de nos esprits. A l’opposé, l’économie circulaire est souvent perçue comme synonyme de décroissance. Selon un rapport de la Fondation Mac Arthur, l’économie circulaire offre de multiples opportunités. Elle pourrait permettre à l’Europe de générer un bénéfice net de 1 800 milliards d’euros d’ici 2030, soit 900 milliards d’euros de plus qu’en suivant le modèle de l’économie actuelle*. Mieux encore, l’économie circulaire s’avère un business rentable, source de croissance et d’emplois.

Repenser sa chaîne de production 

Premier fléau d’une consommation déraisonnée qui touche tout autant les entreprises que les ménages : le gaspillage. Dans le seul secteur alimentaire, la FAO estime le coût économique direct des produits gaspillés à 900 milliards d’euros par an. En France, cela représente 20 à 30 kg par personne et par an. Dans le non alimentaire, 630 millions d’euros de produits neufs sont détruits chaque année**. Pour les entreprises soucieuses de réduire leurs coûts au profit de leur marge, la chasse au gaspillage devrait être au premier rang des priorités. Deuxième levier d’action : repenser sa chaîne de production. Il s’agit, en amont, d’optimiser l’approvisionnement pour réduire les achats de matières premières, de travailler sur la traçabilité des produits pour diminuer la consommation en ressources et en énergie. Enfin, d’optimiser ses flux et la gestion des déchets.

S’ouvrir à de nouveaux marchés

Autre source de croissance née de l’émergence d’une nouvelle génération de consommateurs qui s’inscrivent dans une économie collaborative : le marché de la seconde main. Loin d’être uniquement réservé aux plateformes digitales, il représente une source de revenu non négligeable pour une large variété d’entreprises, des acteurs du monde du luxe au secteur de la grande consommation. Leclerc s’est ainsi lancé avec succès sur le marché de l’occasion. Leclerc Occasion propose à ses clients de vendre leurs produits obsolètes contre des bons d’achat. Le concept fonctionne si bien que Leclerc prévoit l’ouverture d’une centaine de nouveaux points de vente d’ici fin 2020. Une aubaine pour les marchés en perte de vitesse.

Déchet, le nouvel or gris

La transition vers un nouveau mode de consommation est là. Le modèle de l’économie linéaire - extraire, fabriquer, consommer, jeter - n’est plus soutenable. Il s’agit donc d’adopter un modèle économique qui produise des biens et des services de manière durable. Au coeur du sujet : la gestion des déchets. Beaucoup - si ce n’est pas tout - reste à faire en ce qui concerne les filières de recyclage. En termes de consommation individuelle, alors que 80 % finit sous forme de déchets, seuls 20 % environ de ces matières sont récupérées. Dans le bâtiment, 3 % uniquement des déchets sont recyclés. Il est temps de considérer les déchets comme une ressource, créatrice de valeur. A titre d’exemple, dans l’alimentaire, une tonne de déchets peut générer pour 19,5€ d’électricité, pour 13,5€ de chaleur et pour 4,5€ d’engrais. Pour le Royaume-Uni, ceci pourrait constituer 1.125 milliards d’€ de revenus annuels**.

L’économie circulaire, source d’emplois pérennes et compétitifs

Repenser la notion de déchet, considérer les déchets comme une richesse ouvre de nouveaux horizons. Dans un environnement où le digital redessine le monde du travail et les métiers, l’économie circulaire représente l’opportunité de reconvertir notre économie vers de nouvelles industries porteuses des métiers de demain. Semi-qualifiés pour la réparation de produits électroniques, ou très qualifiés pour ceux liés à la R&D, les besoins en compétences et expertises sont nombreux et variés. Ils ouvrent la voie à un large éventail d’emplois propres à redynamiser le tissu local et relancer la compétitivité des entreprises. 

N’en doutons pas, l’économie circulaire est l’économie de demain. Pour la France, comme pour l’Europe, c’est une occasion unique de se positionner comme un acteur innovant, pionnier d’une nouvelle économie, source de richesse et de compétitivité « for good ».

Par Pierre-Emmanuel Saint-Esprit, Co-fondateur et CEO de HelloZack    

Sources :  *https://www.ellenmacarthurfoundation.org/assets/downloads/Executive_summary_FR_10-5-16.pdf **https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/news/vers-une-economie-circulaire-vol-2-opportunites-pour-le-secteur-des-biens-de-consommation-note-de-synthese