Charline Goutal-Redrado (Naïa Paris) "Je recherche un repreneur avec la force de frappe nécessaire pour relancer Naïa Paris"

La marque de lingerie féminine engagée et écologique ferme le rideau après 7 ans d'existence. La fondatrice de la DNVB nous explique comment elle en est arrivée à une telle décision.

JDN. Pour quelles raisons avez-vous décidé de mettre un terme à l'activité de Naïa Paris ?

Charline Goutal-Redrado, fondatrice de Naïa Paris. © Naïa

Charline Goutal-Redrado. Avec 2,5 millions d'euros de chiffre d'affaires réalisé en 2018 et une équipe d'environ quinze personnes, la marque Naïa Paris se portait bien… jusqu'à ce que la situation se dégrade en fin d'année dernière. Nous n'avons pas réussi à tenir nos objectifs de chiffre d'affaires en novembre, plafonnant autour des 70% à 80% du montant visé. Les mois de décembre et janvier, habituellement nos temps forts de l'année, ont été catastrophiques. En décembre, nous avons atteint 30% de notre objectif de chiffre d'affaires, et en janvier, malgré les soldes, nous avons à peine atteint le seuil des 50% ! A cause des grèves, peu de clients ont franchi le seuil de notre établissement durant une dizaine de jours. Une période durant laquelle nous avons mobilisé beaucoup de personnel, de stock et d'investissements en merchandising. Le problème, c'est que la trésorerie n'a pas permis d'éponger ces dépenses. Elle était déjà plombée par la perte de 300 000 euros engendrée par nos déboires de fin d'année. Le digital n'a, lui non plus, pas été à la hauteur. Nous n'avons atteint que 70% de nos objectifs fin 2019. Finalement, le seul élément qui n'a pas permis que nous atteignons nos objectifs de chiffre d'affaires, c'est la conjoncture due aux grèves ainsi que le départ de mon associé en avril 2019. Autrement, je suis persuadée que nous aurions atteints nos objectifs comme sur le reste de l'année. 

Naïa Paris a pourtant multiplié par 3 son chiffre d'affaires en 2018 et le nouveau nom de la marque devait s'inscrire dans cette dynamique. 

J'ai effectivement fait le pari de rebaptiser l'entreprise, qui s'appelait alors Ma P'tite Culotte, en Naïa Paris, pour préparer l'international et devenir une marque, non pas que de lingerie, mais progressivement lifestyle, en lançant des accessoires de bain et une ligne homewear. Tout cela pour attirer de nouvelles clientes. Depuis six mois, je recherchais également un industriel auquel m'adosser pour appuyer le développement de Naïa Paris, via le retail physique et l'international. Je devais conclure un deal avec un groupe de textile d'origine française appartenant à un fonds chinois, début février. Mais ce dernier a reporté la transaction avant de se retirer. Ce revers a été celui de trop alors que la trésorerie me manquait pour verser les salaires.

"Je ne laisse aucune dette fournisseur ni aucune dette sociale. Nous sommes en train de prévenir nos dizaines de milliers de clients"

Un crève-cœur ?

Naïa Paris, c'est le projet d'une vie. Je souhaitais créer ma propre marque de lingerie depuis l'âge de 11 ans. Toutes mes décisions ont, par la suite, été prises dans ce sens, à l'image de ma formation en école de commerce. Mais j'ai l'impression que cette aventure m'a usée psychologiquement. Entre les attentats de novembre 2015, le mouvement des Gilets Jaunes en 2018 et les grèves ces derniers mois, les périodes de fin d'année n'ont cessé d'être décevantes d'un point de vue business. Et c'était d'autant plus difficile à vivre qu'il fallait compenser ces aléas par des crédits à la banque et des levées de fonds (trois levées de fonds en 7 ans, ndlr). Autant d'opérations qui ont fragilisé une structure comme la mienne. Surtout dans un secteur aussi sinistré que la mode.  

Reste-t-il un espoir de sauver Naïa Paris ?

Constatant que la situation devenait compliquée à gérer, je me suis rapprochée d'un avocat spécialisé en redressement d'entreprise. Je ne voulais pas entrer dans l'engrenage d'un redressement judiciaire car je savais que j'aurais des difficultés à trouver un industriel et conclure une transaction rapidement. J'ai donc opté pour la liquidation sèche. Le dépôt de bilan a été prononcé le 13 février par le tribunal de commerce de Paris. J'ai déjà refusé deux propositions de reprise parce qu'elles n'assuraient pas la pérennité de l'entreprise, mais les intéressés ont jusqu'à fin mars pour se positionner. Car je souhaite que les conditions de reprise soient bonnes. Je cherche un repreneur qui aura une vraie stratégie globale pour faire grandir la marque et la force de frappe qui va avec. Je souhaite que ma marque vive. Par ailleurs, j'aimerais rester dans l'aventure si un industriel se positionne avec une offre satisfaisante.

Je tiens à préciser que je ne laisse aucune dette fournisseur ni aucune dette sociale. Mes collaborateurs ont presque tous retrouvé du travail. Nous sommes en train de prévenir nos dizaines de milliers de clients. Nous avons effectué tous les échanges mais ne serons malheureusement plus en mesure d'assurer les remboursements. J'ai la chance d'avoir de très bonnes relations avec mes prestataires et mes 14 actionnaires qui m'accompagnent tous jusqu'au bout.

Charline Goutal-Redrado a 32 ans. Diplômée de l'Essec Business School, elle a démarré sa carrière au sein du groupe Shiseido chez Carita en tant qu'assistante marketing avant de rejoindre Louis Vuitton au poste d'acheteuse. Elle se lance dans l'entrepreneuriat en 2011 avec HereWeStyle, un service de coaching stylistique en ligne avant de créer Ma P'tite Culotte en 2013 qui deviendra Naïa Paris en 2019.