Le commerce de demain sera drivé par le digital mais pas avec les outils d'hier

La crise du Covid-19 impacte durement les distributeurs et les marques, dont la capacité de réponse est fortement limitée. Avec des magasins fermés et des sites e-commerce "déconnectés" représentant une faible partie de leurs activités, ces distributeurs font face à l'échec de cette transformation.

Ces dernières années, les entreprises se disaient particulièrement investies dans leur transformation digitale. Certaines se targuaient même d’avoir mis en place des algorithmes d’intelligence artificielle censés révolutionner l’expérience client. Mais à l’heure du confinement, la réalité est tout autre et révèle au grand jour que malgré les effets d’annonce, le modèle de ces enseignes est resté en silos, opposant souvent leurs magasins et leurs canaux digitaux tels que l'e-commerce. Avec des magasins fermés et des sites e-commerce « déconnectés » représentant une très faible partie de leurs activités, ces distributeurs font face à l'échec de cette transformation.

Les chiffres sont sans appel et expliquent peut-être à eux seuls pourquoi les  consommateurs sont de moins en moins fidèles à ces enseignes : 81% des achats effectués dans les magasins commencent sur le site internet (source : GE Capital Retail Bank, février 2018), 77% des consommateurs utilisent plusieurs canaux pour finaliser une même transaction (Source : « State of the Connected Customer », SF Research, juin 2019), 84 % des paniers commencés en ligne sont abandonnés, faute de promesse forte sur la disponibilité des produits en magasins (Forrester, décembre 2019) et 83% des ventes retail vont toujours impliquer les magasins d’ici 2023 (IHL Group, novembre 2019).

Il n'est donc plus exact de dire « mon site ne représente que 5% de mon CA », mais « mon site est responsable de 81% de mon CA, et cette contribution est en forte croissance ». Ce postulat est indiscutable et chaque CEO doit désormais se poser une question fondamentale. Qui fixe la stratégie du site de vente en ligne, sachant que ce dernier a un impact direct et fort sur le chiffre d’affaire et la marge de toute l’entreprise et donc sur les objectifs et les engagements pris vis-à-vis du Board ? Oui, ce qui se passe sur votre site et comment, n’est pas une question annexe, mais centrale. Et en particulier, les capacités de promesse qui font la différence. Amazon a basé son succès sur cette force. Il est évident qu'un consommateur achète là où il a le plus de chances de trouver les produits avec la meilleure qualité de service. L'entreprise, pendant le Covid-19, doit ainsi supporter des choix qui ont été fait hors crise, qui ont souvent mobilisé les équipes digitales et marketing pendant de très longues périodes, et qui s'avèrent totalement décalés en ce moment.

La pertinence des choix

Ainsi, ayant échangé avec la directrice de l'expérience client d'un grand distributeur de parfums et de cosmétiques, je lui faisais remarquer que le consommateur se moquait des canaux de vente historiques, et qu’il souhaitait par exemple pouvoir acheter en ligne deux produits, l'un retiré en 1 heure en magasin et le second, indisponible en magasin, serait  livré à domicile. Et tout cela, dans le même panier et avec un seul paiement. Tous les consommateurs veulent avoir cette possibilité, somme tout banale. De même en magasin, le vendeur devait pouvoir mettre plusieurs produits au panier et les encaisser sans la moindre friction, même si l’un d’entre eux était indisponible et livré à domicile. 

Du fait des contraintes imposées par des choix technologiques récents, cette expérience banale était impossible, alors que ces mêmes technologies ont été sélectionnées après un long travail d'étude et de consultation, mobilisant de nombreuses personnes dans l'entreprise. Cette directrice m’a donc simplement rétorqué que le consommateur n'avait pas besoin de cette flexibilité, et accepterait soit de se faire livrer sa commande à 100%, soit de la retirer à 100% en magasin. Elle croyait donc imposer ses choix au consommateur, qui achèterait sans broncher, et resterait fidèle à l’enseigne pour laquelle elle travaille…

Non, cet échange n'a pas eu lieu en 2010, mais fin 2018. Avant cette crise, Il n'y avait pas une semaine sans témoignage sur ces prétendues stratégies omnicanales dans les nombreux salons auxquels participent les équipes des distributeurs. Où sont-elles ces stratégies aujourd'hui ? Pourquoi les sites e-commerce de ces enseignes ne réalisent-ils pas 40% du CA de ces enseignes ? Pourquoi les stocks des produits disponibles en magasins sont-ils bloqués derrière des grilles fermées jusqu'à nouvel ordre ? 

La priorité du commerçant est le consommateur

Il y a quelques semaines, j’ai eu le plaisir de rencontrer le PDG d’une importante enseigne de mode. Il me disait qu’il venait de signer un contrat pour la refonte complète de son site e-commerce qui devrait sortir flambant neuf dans 8 mois. Il m’a avoué ne pas avoir participé aux ateliers de choix, mais avoir vu l’éditeur et l’agence une heure en toute fin de cycle. Assez curieusement, il m’a confié aussi avoir fixé, en début d’année, comme objectifs prioritaires à ses équipes, la mise en place du click & collect express (drive) dans une autre solution, ainsi qu’un outil de vente anti-rupture de stocks pour les magasins dans une troisième solution, afin que les vendeurs arrêtent de dire non aux consommateurs. Tous ces services seraient attendus depuis longtemps et donc hautement stratégiques.

Malheureusement et d’après ses équipes, il devra attendre encore 24 mois au moins pour avoir ce qui est hautement stratégique pour lui aujourd’hui. Les raisons invoquées : le projet e-commerce prendra environ 8 mois, parallélisé avec un projet de changement de caisse en magasin commencé il y a 18 mois et censé aboutir dans 16 à 24 mois, puis un appel d’offres de gestion d'entrepôt qui doit être lancé et qui intégrera un orchestrateur de commandes puissant, suivi par un projet de référentiel unifié des données e-commerce et magasins… Mais on lui promet que « une fois que tout sera fini, ce sera hyper simple et ça va dérouler ! »

Le résultat est que cette enseigne est en grande difficulté pour avoir attendu de trouver une réponse simple à ses consommateurs, qui se moquent bien de ces choix complexes et qui veulent juste acheter quand ils veulent et où ils veulent. Si votre entreprise a en réserve des ressources et des moyens illimités et qu’elle est capable d’attendre quelques années pour satisfaire les attentes consommateurs d’aujourd’hui, alors pourquoi pas ? Dans le cas inverse, il est urgent de reconsidérer ces choix chahutés par cette crise et de se concentrer sur la promesse aux consommateurs.

Chaque fois que vous voyez une entreprise qui réussit, dites-vous que c’est parce qu’un jour quelqu’un a pris une décision courageuse (Peter Drucker). Le contexte dramatique du Covid-19 a mis en lumière le niveau de préparation insuffisant de la plupart des retailers face à cette situation, et ce malgré des millions investis en e-commerce ces dernières années. Par exemple, combien de distributeurs ont été capable d’activer le drive depuis le début du confinement ? Ce service est pourtant une attente des plus élémentaires des consommateurs, et pas seulement en période de crise sanitaire. Combien de distributeurs encore ont pu écouler les stocks de leurs magasins en les utilisant pour servir les commandes internet (ship from store) ? Malgré un site e-commerce tout neuf et reconstruit récemment, ces services sont inexistants et lorsqu'on songe à les intégrer, il faut compter un an de projet minimum.

A l’inverse, certaines enseignes de taille intermédiaire ont misé dès 2018 sur le commerce unifié, et peuvent aujourd’hui activer tous ces nouveaux services en quelques clics seulement. Le commerce unifié permet en effet de se concentrer sur le consommateur, qui décide comment il veut acheter, et lui délivrer une promesse forte via l'ensemble des canaux possibles, tout ceci dans un seul panier unifié, partagé entre tous les canaux.

Les résultats de ces enseignes sont édifiants, à l’image de l’une d’entre elles, très dynamique sur un marché du jouet pourtant particulièrement concurrencé par les pure players internet et les grandes places de marché. Sur 2019 : +4% de CA global sur un marché à l’équilibre et fortement challengé sur les prix par les marketplaces comme Amazon ou encore C-Discount. Depuis le Covid-19,  les ventes réalisées en ligne ont enregistré une croissance de plus de 200% (vs N-1) dès les premiers jours de confinement. Dès que le drive a été activé, la croissance a atteint les 2000%, de quoi limiter fortement l’impact de la crise.

Hier, c’était les mouvements sociaux avec les grèves et les gilets jaunes, aujourd’hui c’est le Covid-19, et demain ce sera peut-être autre chose, un autre virus, un nouveau concurrent, la législation, ou simplement le Covid-19 qui reviendra… mais il faudra être prêt, et pour cela prendre aujourd’hui les décisions et les virages qui réhausseront en quelques semaines la promesse faite à vos consommateurs. 

Et pour cela, il n'y a qu'un seul pilote dans l'entreprise : respecter le consommateur est un sujet de gouvernance d'entreprise. Le commerce de demain sera certainement drivé par le digital, mais il ne se fera pas avec les outils d’hier. Et parions qu’il sera unifié !

Philip Bianchi est le fondateur et CEO de PROXIMIS, éditeur français de la solution éponyme de Commerce Unifié, commercialisée sur le marché depuis 2016. PROXIMIS propose aux marques et enseignes de la distribution de rehausser en seulement quelques semaines la promesse faite aux consommateurs et les capacités de vente sur tous les canaux (web, magasins, social…), sans toucher au système d’information en place. PROXIMIS a été distingué à 3 reprises ces derniers mois pour sa réponse innovante et concrète auxenjeux du Retail : Trophée e-commerce 2019 (PRW), Trophée Cross-Canal 2019 (LSA), Trophée de la Transformation Numérique 2019 (Microsoft). PROXIMIS est déjà utilisée dans plus de 20 pays autant en Europe, en Amérique qu’en Asie.