Notation des produits cosmétiques : comment s'y retrouver ?

Les consommateurs demandent de plus en plus d'informations en matière de santé et de risque sanitaire pour leurs produits cosmétiques : c'est une bonne chose. Encore faut-il être en mesure de les informer sur base de données scientifiques fiables. Certaines initiatives de la société civile, notamment celles des organisations de défense des consommateurs, en partant d'une bonne intention, finissent parfois par égarer les consommateurs. Quelles solutions pour mettre fin à ce climat anxiogène ?

Les produits cosmétiques sont source d'inquiétude légitime pour la santé des consommateurs. Il n’est dès lors pas étonnant de voir ce sujet régulièrement traité par des associations de défense des intérêts de ces derniers, qui surfent sur ce besoin d’information, de transparence et de sécurité. Dernière en date, l’association 60 millions de consommateurs a par exemple attribué de mauvaises notes à une centaine de produits cosmétiques, affirmant en substance, « stop aux cosmétiques nocifs ». Mais de tels acteurs, extérieurs et dénués des compétences étatiques de contrôle sanitaire, n’ont pas forcément la bonne méthodologie ni les informations nécessaires pour établir leurs jugements. In fine, ils risquent de faire double emploi avec les informations du régulateur, et générer, d’une pierre deux coups, plus d’incertitudes et davantage de confusion.

Un sujet qui ne date pas d’hier et pris en compte par les réglementations

Le souci de la santé en matière de cosmétiques n’est pas nouveau. Déjà un demi-siècle que la Commission Européenne s’y est attelée, notamment à travers différentes versions d’une directive dédiée, mais aussi d’un nouveau règlement mis à jour en 2009 et amendé par la suite. Tout cela dans le but d’étendre les bonnes pratiques de développement, d’évaluation de la sécurité et de production ainsi que l’accès à l’information concernant les produits cosmétiques au bénéfice du consommateur.

Le droit européen en la matière fait partie des plus exigeants au monde. Peu de choses échappent au Dossier d’Information Produit, ou DIP, remis aux autorités nationales des pays membres de l’UE. Les processus de contrôle sont standardisés afin d’assurer la conformité des produits. Les évaluateurs de sécurité toxicologique s’en servent pour mesurer le risque de chacun d’entre eux avec des méthodes spécifiques. Ce cadre normatif complet, couplé à des vérifications strictes, est l’assurance d’une source d’information de confiance pour les consommateurs, évaluée en connaissance des usages du produit, de ses teneurs en ingrédients et même des combinaisons d’ingrédients et de produits.

Car la toxicologie n’est pas une simple affaire : si les évaluateurs reconnus par les autorités nationales de régulation mettent leur diplôme d’état en jeu, peut-être devrait-on leur accorder notre confiance ?

La tentation de simplicité dans la communication autour du risque

L’importance, dans ce domaine, est donnée à la véracité de la donnée, non à la simplicité de l’information. Il est tout bonnement impossible de juger de la toxicité d’un produit à partir d’une simple liste de ses ingrédients ! Pour cette raison, l’entrée dans le champ médiatique d’acteurs externes ne peut être qu’improductive — au mieux, et mensongère au pire. Il y a d’autres façons de faire plus efficaces.

La tentation de prendre un raccourci pour s’inscrire dans le temps médiatique, voire susciter l’intérêt d’un lectorat ou d’une communauté, est compréhensible. La prise en compte dans le calcul du Cosméto’Score de 60 Millions de Consommateurs de la part environnementale est une initiative qui peut être saluée, mais qui reste hasardeuse. Le sujet de la sécurité sanitaire des produits cosmétiques ne peut souffrir d’une analyse imprécise, qui est dommageable pour les consommateurs comme pour les fabricants. De surcroit, dans un contexte où ces derniers tendent à s’engager de plus en plus, en témoigne l’exemple de l’Oréal qui a récemment développé un score environnemental et social pour sa gamme de produits Garnier : SPOT. Une initiative conduite depuis longtemps au sein de L’Oréal et qui a abouti au lancement d’un outil d’éco-conception SPICE (Sustainable Packaging Initiative for CosmEtics), né d’une démarche internationale et collaborative, avec plus d’une vingtaine d’entreprises cosmétiques et fournisseurs d’emballages, pour mesurer et réduire l’impact environnemental des emballages sur l’ensemble de leurs cycles de vie. A travers 16 indicateurs environnementaux (émissions de carbone, quantité d’eau utilisée, effets sur la biodiversité...), cet outil d’évaluation environnemental, ouvert à tous, se fonde sur des bases scientifiques et grands standards internationaux. Une nouvelle note de noblesse apportée aux produits cosmétiques*.

Dans la même veine, la FEBEA (Fédération des Entreprises de la Beauté) possède sa propre base de données ingrédients avec fiches explicatives** accessibles au public et a lancé un compte Instagram pour démêler le vrai du faux sur les produits cosmétiques.

Des projets ayant pour ambition de démystifier les ingrédients et les risques sanitaires éventuels, de rebondir sur des sujets d’actualité et de donner la parole aussi bien aux professionnels du secteur qu’aux utilisateurs des produits. Ce type d’information maîtrisée et claire semble plus à même de rassurer les consommateurs désemparés.

Dans un climat anxiogène, le besoin d’une information mieux adaptée aux enjeux

Afin de répondre aux attentes de clarté et de sécurité sanitaire, la problématique de la traçabilité est au centre de débats. Caractériser la donnée à différents niveaux de l’entreprise et pour divers jeux d’éléments (matières premières, fournisseurs, produit fini, méthodes de production etc…) reste un enjeu majeur pour répondre aux attentes de transparence des consommateurs. Les processus de développement et de production mis en place par les fabricants doivent faciliter le travail des agences de régulation, pour un niveau d’excellence constant. Cela met en lumière l’importance des systèmes d’informations internes, chargés d’assurer la coordination entre le marketing, le réglementaire et les contrôles qualité, en vue de simplifier les bonnes pratiques métier. Le besoin de simplicité exprimé par le consommateur peut rapidement devenir une source de complexités additionnelles pour le fabricant : c’est un défi de plus à relever.

Le besoin de transparence des consommateurs va évidemment au-delà d’un « cosméto’score », d’un logo ou d’un pictogramme. Si l’on veut satisfaire ces attentes de simplicité des compositions, de traçabilité des produits, et d’information sur le risque sanitaire, ce travail doit être fait par les fabricants, épaulés par la puissance publique.