Soutenir les salariés du secteur de la grande distribution dans un contexte incertain

La crise sanitaire a mis la santé mentale au centre des problématiques majeures et préoccupantes de l'année 2020, touchant ainsi les employés de nombreux secteurs. Parmi eux, celui de la distribution, qui n'a pas subi l'impact de la pandémie de la même manière que les autres secteurs, et ne l'a pas vécu uniformément en son sein.

Lorsque certains employés basculaient en télétravail, et d’autres se retrouvaient en chômage partiel, certains salariés de la distribution ont pour leur part vu leur activité croitre, devenant alors des acteurs de première ligne. Une situation vécue différemment selon les métiers et services impliqués au sein de ce secteur. 

La grande distribution (GSA pour grandes surfaces alimentaires) désigne notamment les hypermarchés qui regroupent 44 000 points de vente en France et près de 750 000 employés. Considérés comme des « héros » dès le premier confinement en mars 2020, ces employés ont témoigné depuis de leur engagement, en permettant à des milliers de français de rester chez eux et de recourir aux livraisons et aux services de Drive. Ce dernier aurait d’ailleurs enregistré une hausse de près de 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires par rapport à l’année 2019, soit 2 945 millions d'euros pour l’ensemble des six enseignes proposant ce service (Chronodrive, Système U, Auchan, Intermarché, Carrefour et Leclerc). Si ce secteur n’a pas connu la crise, la situation a toutefois mis le moral de ses troupes mobilisées sur le terrain à rude épreuve. Or, la grande distribution, ce sont également les grandes surfaces spécialisées (GSS) de beauté, d’habillement, d’ameublement, d’électroménager ou encore de culture, qui avec la crise se sont vues qualifiées de « non essentielles » et ont subi les aléas des décisions gouvernementales et des confinements successifs au cours de l’année 2020.

Un secteur polarisé

L’activité professionnelle des salariés de la distribution a ainsi été fortement modifiée par la crise sanitaire, que ce soit en termes de manière de l’exercer, ou encore de gérer la relation client. Avec la distanciation imposée par l’épidémie, l’aspect social des métiers de la distribution semble avoir perdu son essence. En effet, là où les hypermarchés sont entrés dans la catégorie « essentielle » des produits de consommation du pays, les acteurs du secteur du retail ont, pour leur part, vu leurs rideaux baisser de longs mois, leurs produits et services étant considérés comme « non essentiels » durant la pandémie. Une division du secteur qui n’a pas été sans effet sur l’économie de ces enseignes, mais également sur le moral de ses dirigeants et employés, basculés en chômage partiel ou complet, durant cette période. Ces derniers, plongés dans l’incertitude, ont pu voir leur engagement et leur confiance mis à mal. Les équipes dirigeantes, elles-mêmes face à l’inconnu, ont aussi dû s’adapter. Comment garder le contact avec ses équipes, s’il est demandé à ces dernières de ne pas travailler ? Comment mesurer l’engagement lorsqu’il n’y a momentanément plus rien pour lequel s’engager. Le vide induit par ces questions montre la nécessité pour les organisations de repenser leur gestion d’équipe et de mettre en place un outil de mesure permettant de suivre les employés, d’échanger avec eux, de mesurer leur ressenti et de les accompagner. Le bénéfice est mutuel puisqu’il permet aux dirigeants de garder le lien et préparer la reprise.

Une fonction impactée

Concrètement, quelle est la réalité quotidienne des employés d’hypermarchés qui sont restés essentiels et des métiers impliqués, par exemple ? Tout un écosystème, une chaine logistique est mise en œuvre pour que ce service soit une machine bien huilée : du personnel en caisse, en passant par celui affecté aux différents étals tels que la boucherie, la poissonnerie, ou la boulangerie, mais aussi le service d’accueil, les équipes d’entretien, les personnes en charge de la logistique du Drive ou encore les livreurs qui s’affairent pour assurer les livraisons dans les temps. Autant de personnes en contact avec les clients au quotidien et en continu.

Toutefois, les employés potentiellement les plus exposés de cet écosystème sont probablement ceux en charge du réassort des rayons, activité qui s’est particulièrement intensifiée avec les confinements et la hausse de la consommation. Or, ces personnes se retrouvent en première ligne et au contact de clients pressés qui bravent trop souvent la distanciation physique pour attraper un produit, et qui présentent des facteurs de risques pour ces employés. Travailler dans de telles conditions peut être source de stress et avoir un impact sur la santé mentale à long terme. Si l’ensemble des collaborateurs doit être accompagné par la direction, les personnes en contact direct avec les clients, quel que soit leur poste, doivent faire l’objet d’une attention plus particulière. La crise sanitaire a indéniablement fait émerger de nouveaux freins chez les employés du secteur parmi lesquels l’adaptation difficile aux contraintes sanitaires, le manque de civisme et de solidarité des clients, ou encore le manque de communication claire face aux incertitudes de la crise pour n’en citer que quelques-uns.

Les dirigeants doivent donc régulièrement échanger avec leurs équipes et mettre en place un suivi efficace sur du long terme. Pour y parvenir, l’accès à des indicateurs de mesure concrets du ressenti de leurs employés est primordial afin d’identifier les freins sur le terrain et suivre l’engagement collaborateur. Cela leur permet ainsi de proposer des aménagements et des actions concrètes pour les salariés afin de les aider à traverser cette crise dans les meilleures conditions et considérations. Outre la rémunération, l’impact psychologique d’une telle période ne doit pas être passée sous silence, l’accompagnement permet de maintenir l’engagement et par extension la performance. Pour ce faire, les dirigeants doivent être en mesure de connaitre l’impact des annonces et mesures du gouvernement et du Conseil Scientifique sur les salariés afin de prendre des décisions basées sur une vision claire et concrète du ressenti.

Une norme plus si nouvelle

La pandémie a conduit à de nouveaux modes de consommation. Les formats de livraisons et de Drive ont permis de recruter de nouveaux clients qui pourraient rester, ce qui induit un flux d’activité qui s’installe potentiellement dans la durée. Les responsables des grandes surfaces doivent tenir compte de ces changements et de leur pérennité, et s’enquérir du ressenti de leurs employés afin d’adapter les métiers à ces nouveaux modes de travail. Cela passe par des sondages réguliers sur l’organisation, les horaires, le fonctionnement de la chaîne logistique ou encore de la gestion de la masse salariale. Avec un chiffre d’affaires dans le vert, et un taux de chômage en France de 9% au troisième trimestre 2020, l’une des solutions pour soulager les employés du secteur serait de recruter davantage de main d’œuvre.  Cependant, pour que la motivation des salariés ne soit pas à la baisse, en vue d’une troisième vague, les changements devront être anticipés au maximum et les voix des professionnels du secteur entendues.

La reprise économique est une affaire de collaboration. Lors de l’un de ses discours autour de la pandémie, le président de la République Emmanuel Macron a d’ailleurs déclaré, « Quand on mène un combat on doit tous être unis. J'appelle les Français à l'unité. Elle est indispensable pour gagner cette bataille. » Ces mots doivent impérativement être suivis d’actes en 2021. La pandémie a indéniablement pris le monde par surprise. Si nous ne savons pas si elle disparaitra, il est possible aujourd’hui de se projeter vers l’avenir en ajustant ce paramètre, car « le meilleur moyen de prévoir le futur, c'est de le créer », selon feu le spécialiste du management Peter Drucker (1909-2005).  C’est pourquoi rassembler pour mieux lutter contre un virus qui mute, et une crise vouée à durer, permettra de trouver les meilleures solutions afin de redresser l’économie et de soutenir les professionnels de la distribution. Face à la crise, le secteur devra en effet suivre l’engagement de ses collaborateurs pour maintenir une excellence opérationnelle et logistique ainsi qu’une satisfaction de l’expérience client. Cet engagement des collaborateurs est en effet primordial dans un secteur où la compétitivité se joue en grande partie sur le service client rendu par les salariés eux-mêmes.