Quick commerce en France : il n'en restera qu'un (ou deux)

Quick commerce en France : il n'en restera qu'un (ou deux) Les coûts marketing et les promotions auront eu raison des derniers acteurs du quick commerce. Le marché français s'est resserré autour de quatre entreprises, pour certaines déjà en difficultés.

Le marché du quick commerce s'est resserré encore plus vite que prévu. En avril 2022, nous faisions le décompte des spécialistes de la livraison de courses rapide en Europe et nous en relevions treize en France, neuf en excluant Everli, PicNic ou Vite mon marché, qui présentent des modèles un peu différents. Aujourd'hui, en novembre donc, entre les rachats, absorptions et départs de l'Hexagone, il ne reste déjà plus que quatre acteurs : Flink, Getir, Gopuff et Gorillas. Parmi eux, deux sont dans une situation compliquée : l'allemand Gorillas est en passe d'être racheté par le turc Getir selon Bloomberg et Gopuff reste disponible en France mais se fait de moins en moins visible. L'entreprise a encore licencié 250 employés aux Etats-Unis après s'être séparée de 3% de sa masse salariale en mars dernier. Si Gopuff finit par se recentrer sur son marché intérieur et Gorillas par être racheté par Getir, il n'y aura donc plus que deux acteurs sur le marché français.

Gorillas à la peine

LSA a dévoilé début novembre les résultats alarmants de Gorillas en France : la start-up berlinoise a enregistré un chiffre d'affaires de 9,2 millions d'euros pour des dépenses à hauteur de 47,1 millions d'euros et donc une perte nette de quasiment 38 millions d'euros. Le quick commerçant a dépensé près de 8,4 millions d'euros en marketing et 2 millions d'euros en promotion. Le directeur général France avait quitté l'entreprise cet été et Gorillas France était repassé sous le contrôle de son fondateur Kagan Sümer avant que Victor Ennouchi, le vice-président global operations, reprenne le poste en octobre.

Pour Paul Lê, le cofondateur de La Belle Vie, une plateforme de livraison de courses, "les acteurs qui résistent sont ceux qui sont solides à la fois sur leur modèle et sur leur trésorerie. Getir est arrivé en France avec un modèle déjà bien installé en Turquie et qui fonctionne. Cela lui a permis d'investir ailleurs. A contrario, Gorillas n'était pas établi dans son pays d'origine et se retrouve aujourd'hui en difficulté".

En absorbant Gorillas, Getir entend sans doute surtout récupérer sa base client. La situation de Frichti, une start-up française acquise par Gorillas en mars 2022, n'est pas non plus connue. Pour Paul Lê, "Frichti est un bel asset : c'est un business français, solide, qui s'appuie sur une logistique, un logiciel et une offre qui fonctionne". Les équipes de Getir France n'ont pas souhaité commenter cet éventuel rachat.

La question de la rentabilité

Depuis que les levées de fonds se sont taries, les acteurs du quick commerce peinent à financer leur coûteux modèle, entre grande campagne marketing et promotions pour acquérir de nouveaux clients. D'après les données de YipitData en France en avril 2022, 83,6% des commandes passées sur Getir bénéficiaient d'un discount, contre 45% des commandes chez Gorillas et 53,1% sur Gopuff. Pour le cofondateur de La Belle Vie, "un acteur comme Flink a été moins agressif sur les dépenses et a réussi à couper le robinet au bon moment, il devrait donc continuer à vivre".

De fait, le directeur général France de Flink, François d'Hautefort se dit confiant quant à la suite : "Nous sommes encore nouveaux et nous devons nous faire connaître. Si les coûts d'acquisition sont non négligeables, notre service présente de l'intérêt. Quand nous aurons dépassé un certain plateau et que nous serons rentrés dans le quotidien des gens, les coûts d'acquisition se feront moins élevés". Même son de cloche pour Nicolas Musikas, le directeur général France de Getir : "Nous restons en croissance avec un taux de fidélisation et un nombre de nouveaux clients qui progressent. Nous sommes une scale up, en France depuis 16 mois, nous consolidons l'existant avant de reprendre notre expansion et d'aller vers la rentabilité du modèle".

Un repositionnement nécessaire en magasin

Au-delà des questions de coûts et de financement, l'avenir des quick commerçants est en balance : un décret ministériel doit venir trancher le statut juridique des dark stores, ces magasins qui servent d'entrepôts pour livrer les clients de ces entreprises. Si les équipes de Getir France expliquent que leur repositionnement n'a rien à voir avec ce décret, l'entreprise ne veut plus entendre parler de dark store mais de G-store et ouvre les portes de son magasin vers l'extérieur. Dans son G-store de Vincennes (94), les clients peuvent passer les portes du magasin pour venir commander directement sur une tablette. L'entreprise devrait aussi proposer un service de click and collect dans les magasins qui s'y prêtent.

François d'Hautefort explique comprendre la position des autorités quant aux dark stores, après l'arrivée des services de vélo et des trottinettes électriques mais nuance la situation. "Nous employons nos livreurs en CDI, nous favorisons la mobilité douce. Si les autorités veulent fermer des dark stores, le business se déportera sur d'autres plateformes avec des auto-entrepreneurs", prévient-il. Les équipes de Getir France travaillent leurs rapports avec leur voisinage immédiat. A Marseille, une charte est en cours de signature avec la mairie. "L'objectif est d'élever les standards de la profession", témoigne Alain Rousseau, le directeur de la communication corporate de Getir France.

La promesse des 15 minutes a disparu

Les livraisons en 10 ou 15 minutes ont disparu de la communication des quick commerçants, ces derniers veulent maintenant prouver leur utilité pour séduire de nouveaux clients et mettent en avant le gain de temps qu'ils représentent ou encore l'absence de charge mentale pour leurs utilisateurs. 

Flink et Getir semblent être les acteurs en meilleure position pour se pérenniser sur le marché français. S'ils ne donnent pas les chiffres de leurs progressions, Getir explique enregistrer des paniers moyens de 11 à 12 articles.