Fin du ticket de caisse papier : la captation des données n'est pas une fatalité

Alors que la loi AGEC mettra un terme à l'impression systématique des tickets de caisse à compter du 1er janvier 2023, quid de nos données personnelles en cas de dématérialisation ?

Passée inaperçue du grand public, elle va pourtant concerner chaque jour des millions de consommateurs français. La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) mettra un terme à l'impression systématique des tickets de caisse à compter du 1er janvier 2023. Ce qui pourrait ressembler à un alinéa anecdotique d’un texte ennuyeux ouvre en réalité la voie au ticket dématérialisé, une innovation tout sauf anodine qui pose de nombreuses questions. La plus évidente : quid de nos données personnelles ?

Le ticket de caisse physique est au bout du rouleau. Anticipant sa disparition prochaine, plusieurs grandes enseignes proposent d’ores et déjà à leurs clients l’envoi de tickets dématérialisés à la place de la remise main à la main du traditionnel bout de papier. L’alternative fonctionne mais elle implique, a minima, de fournir une adresse électronique ou un numéro de téléphone, voire d’adhérer au programme de fidélité maison. Ce qui devait d’abord être un geste écologique devient ainsi une opportunité marketing en or pour les commerces, pouvant dès lors suivre les habitudes d’achats de leurs clients et leur adresser des offres certes ultraciblées mais chaque fois plus intrusives. Sans compter les hébergeurs de boîtes mails, qui se retrouvent du jour au lendemain à stocker des millions de tickets de caisse, des informations auxquelles ils n’avaient pas accès jusque-là.

Les prestataires de services marketing l’avouent d’ailleurs sans mal : le ticket démat' est une aubaine formidable ! Comme le remarquait à l'AFP en juillet 2022, Lionel Maugain, du magazine 60 Millions de consommateurs, ils vantent les mérites environnementaux des reçus numériques, mais aussi leur intérêt commercial, de façon "totalement décomplexée".

Les consommateurs sont protégés par le RGPD

En théorie, les consommateurs sont protégés par le RGPD, le règlement général pour la protection des données. Le client doit être clairement informé de l’utilisation de son adresse e-mail (ou de son numéro de téléphone) et donner son autorisation pour recevoir des offres promotionnelles. Mais ici comme en de nombreux domaines, il y a parfois loin de la réglementation à la pratique. Qui, en caisse, prendrait le temps de lire attentivement les détails d’un formulaire de consentement alors que dix autres personnes s’impatientent dans la file d’attente ? La Cnil, le gendarme garant de la protection des données en France, n’a par ailleurs pas les moyens de contrôler toutes les entreprises.

Heureusement, il existe aujourd’hui des solutions moins gourmandes en données personnelles qu’un courriel avec ticket en pièce jointe. Certaines offrent la possibilité de récupérer instantanément son ticket de caisse sous un format numérique jusqu’à 70 fois plus léger qu’un fichier PDF en scannant simplement un QR Code via son smartphone. D’autres encore proposent de recevoir le relevé d’achats directement sur un espace privé, moyennant une transaction par carte de paiement. Dans un cas comme dans l’autre, pas de collecte d’une adresse électronique ou d’un numéro de téléphone, aucune inscription ou abonnement à un quelconque compte de fidélité, juste une technologie entièrement sécurisée permettant au consommateur de rester maître de ses données à caractère personnel.

Plusieurs associations de consommateurs, dont l’UFC-Que Choisir et l’Unaf, s’inquiètent à juste titre de la suppression du ticket de caisse version papier. Pour autant, la question ne doit pas être pour ou contre le ticket digitalisé.

Le bénéfice environnemental

Le défi environnemental est aujourd’hui une priorité absolue pour l’ensemble de la société, dans le monde entier – et en particulier pour les entreprises. Afin de répondre à cet enjeu, celles-ci sont dans l’obligation de suivre un principe simple : éviter, réduire et compenser. Les nouvelles technologies peuvent aider à résoudre ce défi. Mais elles doivent le faire avec le souci des valeurs d’intérêt général, de confiance et de transparence qu’exige notre modèle démocratique.

Si la loi anti-gaspillage pèche, c’est avant tout en raison du flou qui entoure ses modalités d’application sur le terrain, en particulier en matière de RGPD. Néanmoins, des technologies montrent la voie et apportent ce que la loi ne garantit pas : un bénéfice environnemental dans le respect des contraintes fortes de confidentialité des données – et donc de la vie privée des consommateurs.