La transformation des agences digitales françaises

Digital in store, innovations, personnalisation des contenus, réseaux sociaux, évolutions des usages et des modes de consommation, tout cela bouleverse les modèles et structures en place. Les pure players comme les agences de communication digitalisées se voient opérer des mouvements et des transformations pour s’adapter dans une économie évolutive.

Pour ces acteurs, la transformation n’est plus dépendante d’un simple changement depositionnement ou d’une entité interne supplémentaire, mais devient véritablement plus profonde. Les acteurs leaders du marché du numérique comme les GAFA* (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont déjà opéré cette transformation constante et donnent la tendance.


En effet, les acteurs du numérique au service des marques et des consommateurs, n’échappent pas à cette remise en question. Cette remise en question est influencée certes par des usages et des habitudes de consommation évoluant rapidement, mais également par des modèles déjà en place outre Atlantique et qui opérent cette transformation aussi prestement qu’ils s’acculturent.


L’observation de cette transformation ne doit pas se voir uniquement du point de vue des spécialistes mais également des annonceurs, qui aujourd’hui ne sollicitent plus une typologie d’agence mais bien une multitude d’agences, et se concentrent à les faire travailler ensemble pour créer de la valeur basée sur ces collaborations.

Les annonceurs sont aujourd’hui matures et intègrent de plus en plus de talents issus d’agences pour former Labfactory ainsi que des entités digitales influentes et musclées capables de piloter plusieurs expertises. Ils recherchent donc de l’expertise digitale au sens large du terme (seo, analytics, production, pilotage et conseil), des interlocuteurs pluridisciplinaires et de l’agilité dans les processus projet où l’excellence et la rapidité d’exécution restent des facteurs de réussite.

 

Mais aujourd’hui quelle est la réelle transformation opérée par les agences françaises ?

 

Les annonceurs sont soumis à une concurrence de plus en plus agressive dans une ère d’ubérisation forte, et sont donc attaqués sur leur propre modèle. Ces marques ont besoin de réactivité, de souplesse, d’agilité et de conseil. Les agences digitales sont de plus en plus tentées de cibler leur transformation en s’inspirant des modèles anglo-saxons plus matures de part la taille des marchés sur lesquels il interviennent, et qui se basent donc sur les principes suivants pour réussir :

 

 Une structure "learn start-up"

 

L’essor du digital fut à l’origine d’un véritable boom d’éclosions de start-up dans le paysage économique mondial. Ces petites entreprises jeunes et innovantes, lancées pour la plupart par le dirigeant et les actionnaires, sont axées sur le développement d’un produit ou d’un service ayant un fort potentiel technologique.

La richesse et l’étendue des possibilités du secteur nous ont permis d’assister à la naissance d’entreprises telles que Google, Amazon et autre Facebook qui dictent aujourd’hui les règles du secteur web… sans compter leur influence sociétale.

Malgré la dimension de ces entreprises devenues aujourd’hui énormes, leurs dirigeants souhaitent y conserver l’esprit start-up des débuts. Avec comme mot d’ordre quotidien “Les entrepreneurs sont partout” : chaque salarié est encouragé à créer, innover et entreprendre au sein de son entreprise.


Afin d’obtenir le meilleur d’eux-mêmes, les dirigeants ont recréé à grande échelle tous les avantages d’une start-up. Google s’est montré tout particulièrement attentif à ce sujet en faisant du lieu de travail des employés un endroit où chacun se sent à l’aise, et ce dans le but d’augmenter la productivité des salariés ainsi que leur inventivité. Au-delà de l’environnement, c’est bien les méthodes de travail des start-up que les géants du Web américains ont réussi à adapter à grande échelle pour mener à bien une révolution sur les process de fonctionnement :


– Interactivité entre les salariés et partage des connaissances.

– Innovation sur toutes les étapes de processus de création d’un produit.

– Inventivité et création.

– Autonomie.

– Process léger permettant une meilleure productivité.

– Responsabilisation des acteurs projet.

 

En adaptant les principes de lean start-up à leurs entreprises, les géants du web ont pu tirer tous les bénéfices du travail en équipes réduites pour l’ensemble de leurs collaborateurs.


En injectant de l’agilité dans les méthodes ainsi que les conditions d’une start-up au sein d’équipes réduites multiples, le plus grand réseau social du monde réussit à innover sans cesse tout en faisant évoluer son produit pour se rapprocher toujours davantage des attentes des utilisateurs.


Lean start-up, ça veut dire quoi ?


-> Mise en place de petits groupes de travail pour une meilleure flexibilité.

-> Réduction des cycles de production : des cycles courts pour fournir une visibilité quotidienne sur la construction du produit.

-> Une équipe qui produit et qui pilote ensemble pour une meilleure cohésion.

-> Création d’un MVP (minimun vialable product) pour répondre le plus rapidement aux attentes du marché : Création d’un produit en étape, permettant dans un premier temps de répondre à l’objectif principal. Exemple : La vente pour un site e-commerce.


Une méthodologie adaptée


En reprenant les codes des start-up, les piliers du web ont mis en place de manière durable une articulation parfaite entre les méthodologies de lean start-up et le développement agile. Ces deux éléments cruciaux permettent ainsi d’innover constamment et de produire en cycle itératifs.


Méthodes agiles

o   Itérations régulières avec le client.

o   Agilité dans l’adaptation du produit en fonction des évolutions.

o   Réaction immédiate face au changement.

o   Focus sur les individus et le produit.

 

Design Thinking

o   Innovation centrée sur l’utilisateur.

o   Réponse à des besoins et attentes.

o   Empathisation de l’utilisateur final.

o   Offrir une expérience optimale.

 

En abordant une logique “user centric”, la place des utilisateurs prend une toute autre dimension dans le design d’expérience utilisateur grâce au Lean UX. L’objectif est de se rapprocher au plus près des attentes des utilisateurs : on répond à leurs besoins en leur offrant une expérience optimale. La formation de petites équipes impliquées tout au long du processus de création permet de tirer des enseignements de manière collective, et de monter plus efficacement en compétence afin d’anticiper les besoins du marché.


En basant sa conception autour de l’utilisateur final, la méthodologie de Lean UX prend en compte les retours de ces vrais utilisateurs tout au long du développement du produit ou du service pour en orienter l’évolution vers la meilleure solution. La mise en place rapide d’un produit minimum viable permet d’installer un socle de travail au périmètre mouvant en fonction des retours des utilisateurs et sur lequel de nombreuses itérations et expérimentations seront faites.


Le lean UX se présente donc comme une méthode innovante, adaptée à l’évolution fulgurante du digital qui combine le meilleur des mondes lean start-up, agile et design d’expérience utilisateur.


Kill your job


De l’ensemble des innovations dans le renouvellement des processus, le programme "Kill your job" créé par Facebook se rapproche du courant de pensée moderne proposé par Chris Anderson. Celui-ci clamait dans une tribune sur le site TED (Technology, Entertainment & Design) – dont il est le directeur et curateur principal – que toute tâche routinière est une insulte à l’intelligence humaine. L’idée derrière cette métaphore rappelle la vague modérée du transhumanisme qui souhaite faire porter aux robots la responsabilité de sauver l’homme des tâches répétitives et dégradantes pour sa condition. Ainsi, en supprimant toutes les tâches ne mobilisant pas d’intelligence mais simplement la reproduction d’un pattern particulier, l’humain pourrait se concentrer sur l’augmentation de son efficacité, son rendement mais aussi sa capacité à innover au quotidien.


En puisant leur inspiration dans la méthodologie Lean Start-up entre autre, les agences digitales françaises pourraient supprimer certaines pratiques trop classiques et souvent inutiles en mettant en avant la valeur de la production et de la créativité. L’intégration des retours utilisateurs tout au long du processus de création permet l’application des méthodes agiles pour chacun des projets mis en production par la société. Cette agilité permet de connaitre les forces et faiblesses du produit durant sa production et non plus après, ce qui permet d’identifier et de corriger en temps réel les erreurs et les imperfections, proposant ainsi une création au plus proche des besoins des utilisateurs finaux.


Ce travail en itérations constantes avec les utilisateurs permet donc de diminuer drastiquement la possibilité d’un échec et donc, par conséquent, d’avoir un effet néfaste sur les équipes impliquées dans le projet. Une fois le facteur incertitude éliminé de la conception, le lean start-up pousse l’entreprise à créer de l’ordre et de l’organisation, et non pas du chaos, en mettant à disposition des outils permettant de tester les objectifs finaux de manière continue.

En se posant les bonnes questions et en y apportant des réponses pragmatiques, la production s’oriente vers la création d’un MVP (Minimum Viable Product) qui sera le socle de l’acquisition de connaissances et d’informations sur le produit nécessaire à son bon développement.


Le recrutement

Bien évidemment la mise en place d’une telle méthodologie structurante pose la question du recrutement des profils adaptés. Il y a quelques années, les premières écoles spécialisées dans les formations sur le digital formaient des profils de chefs de projets, de graphistes, de développeurs, issus d’une génération née sans le web. Donc en appliquant le schéma d’apprentissage classique orienté à former des spécialistes dans un domaine.

A l’issue de ces formations, cette génération s’est vue rejoindre des agences qui avaient appliqué elles-mêmes ce format de spécialisation créant ainsi des profils spécialisés.  Exemple : un chef de projet sera dédié à piloter un projet, à organiser les phases de production et à devenir le porte-parole de toute une équipe composée de plusieurs profils auprès d’un client et donc…

Comment voulez-vous qu’un profil spécialisé dans un seul domaine de compétences soit le porte-parole crédible d’une équipe composée d’experts eux-mêmes spécialistes dans un domaine pointu… ?

Plusieurs solutions :

– Se doter de profils pluridisciplinaires « couteaux-suisses » qui étendent leur domaine de compétences et d’intérêts au-delà de leur propre domaine de formation.

– Créer des schémas organisationnels autour du partage des connaissances et la mise en relation de tous les profils d’une équipe avec le client. Éviter les points d’entrée unique passe plat.

– Intégrer aux équipes des profils « digital native » qui s’inscrivent naturellement dans une dynamique entrepreneuriale, agile et innovante faisant partie de leur ADN et de leur schéma de pensée.

Évolution organisationnelle

Les locaux des agences évoluent également pour accueillir des espaces de co-working destinés aux startups et freelances, créant ainsi un flux de réflexion et de production enrichi et plus dynamique. Au-delà des locaux, se pose la question du rôle de chacun dans une organisation empreinte d’autonomie et responsabilisation. L’évolution organisationnelle vient également jouer son rôle en cassant la hiérarchie, les strates de prise de décisions et de validation superflues, pour les remplacer par une équipe dotée de profils complémentaires et entrepreneurs. L’objectif étant d’accompagner les clients sur du long terme et ainsi créer des relations de partenariat – et non de prestataire exécutif d’une vision stratégique unilatérale.

Au sein du secteur des agences digitales en France, nous observons une grande disparité, tant dans le management des équipes que dans les processus de fonctionnement. Si certaines tendent à se rapprocher d’un modèle anglo-saxon, beaucoup suivent un archétype classique. Le marché du digital étant en constante évolution, il s’avère parfois difficile d’adapter son business modèle au rythme de ce dernier.

Ces best practices paraissent très intéressantes sur le papier mais ne s’avèrent pas toujours aussi simples à mettre en application au sein des agences digitales. Plusieurs causes identifiables freinent cette évolution recherchée par les professionnels du métier. Dans un premier temps, il est important de rappeler que la grande part des méthodologies de travail mises en place dans une agence est adapté au client pour lequel cette dernière intervient. Ainsi, une même agence peut avoir deux processus de production différents pour une même typologie de projet, selon la maturité des clients.

De plus, la culture des agences françaises implique la gestion d’un nombre très conséquent de projets par “chefs de”, quand les agences aux États-Unis sont quant à elles quasiment mono projet pour chaque ressource, préférant la mise en place d’équipes dédiées. Les budgets étant plus conséquents de l’autre côté de l’Atlantique, il est plus aisé de dédier une équipe entière à un seul client pour une longue durée. Ce point peut s’expliquer notamment par les fluxfinanciers des marchés US vs Europe. En effet, les États-Unis représentent à eux seuls 40% des dépenses mondiales publicitaires (digital inclus).

Cette transformation est plus ou moins complexe à mettre en place. En effet, celle-ci est étroitement liée à la taille de l’agence, aux profils qui la composent et dépend des clients avec lesquels elle collabore.

Cependant  nous observons depuis quelques années une tendance globale qui tend vers la mise en place d’un modèle se rapprochant des méthodes anglo-saxonnes tant par la forme du management que par les process de travail. Cette nouvelle mentalité est profitable à tous les niveaux et s’adapte tout particulièrement bien à l’UX Design.