La data opérationnelle, nouvelle arme du marketer

La data opérationnelle, nouvelle arme du marketer L'appétit du marketer pour la donnée ne cesse de croître. Celle des clients ne suffit plus, il dévore désormais tout ce qui touche au produit et à la supply-chain.

A mesure que le Web a rendu tout mesurable, les marketers sont devenus de plus en plus avides de données, trackant le moindre fait et geste du consommateur en magasin ou lors de sa navigation Web. Et pour améliorer la satisfaction du client, toute donnée est bonne à prendre. Y compris la donnée opérationnelle, c'est-à-dire la donnée relative au produit (ses caractéristiques intrinsèques, la quantité en stock…) ou à la supply-chain de l'entreprise (sa localisation, le temps nécessaire à l'approvisionnement…).

"Une donnée pratique pour détecter le niveau de satisfaction des clients et prendre des actions en conséquence"

Si le rôle de cette donnée dans la relation client ne paraît pas évident, Jérémie Levy, senior manager au sein du cabinet de conseil Converteo, en fait pour autant un des gros sujets de 2018. "Beaucoup de direction réfléchissent aujourd'hui à activer ce type de donnée pour détecter le niveau de satisfaction de leur client et prendre des actions en conséquence."

Le consultant passé par Orange donne l'exemple des télécoms où l'un principaux cas d'usage est l'utilisation de la donnée réseau (évolution de la qualité de la connexion, nombre de coupures…) pour déterminer la qualité de la connexion 3G d'un client. "Un grand opérateurs français a mis en œuvre un plan d'action pour identifier les clients qui rencontrent des difficultés pour se connecter depuis l'intérieur de leur domicile et leur proposer un femtocell." Ce boitier qui se raccorde à la box permet d'optimiser la réception du réseau mobile 3G au sein du domicile. Il permet surtout de tuer dans l'œuf toute gronde client. L'opérateur n'attend plus que le client vienne à lui, il prend les devants. "L'enjeu est tel que cet opérateur a créé, il y a près d'un an et demi, une direction 'réseau et relation client', deux sujets directement liés dans un univers où l'insatisfaction client provient surtout de la qualité du réseau", estime Jérémie Levy.

Bien sûr, les telcos ne sont pas les seuls concernés. Une entreprise brick and mortar pourra, par exemple, identifier des typologies de produits que les clients peinent à trouver en point de vente (ce qui génère de l'insatisfaction) et optimiser la gestion des stocks en conséquence. Une action invisible pour le client mais efficace. "Optimiser la supply chain, c'est bel et bien améliorer la relation avec le client", abonde Pascal Coggia, associé chez Artefact. Le dirigeant prend l'exemple d'une grande entreprise, La Poste, qui gagnerait à se pencher d'un peu plus près sur le sujet. "Dans un monde idéal, c'est le colis qui devrait nous suivre"

Du côté de Converteo, on travaille sur un autre problématique supply chain avec un distributeur de mobilier qui passe au crible l'historique de ses ventes pour modéliser l'activité durant les mois à venir et ajuster les ressources de sa chaîne logistique pour encaisser les pics d'activité. Autre sujet pour ce client, le positionnement prix. "Nous avons pour mission de benchmarker les principaux concurrents pour déterminer les catégories où l'entreprise peut mieux faire, et le cas échéant, lancer des actions marketing." Un plan d'action qui selon Jérémie Levy a permis à la marque de "rationnaliser sa gamme". "Le marketer arrête de fonctionner à l'intuition, il est aiguillé par la donnée", résume le consultant.

"Côté privacy, améliorer l'expérience client et la qualité d'un service qu'on propose déjà relève de l'intérêt légitime"

Le plus beau dans tout ça ? Dans un environnement réglementaire durci par l'entrée en vigueur du RGPD, l'entreprise n'a même pas besoin de s'assurer du consentement des utilisateurs dont elle exploite (une fois qu'elles ont été anonymisées) les données. "Améliorer l'expérience client et la qualité d'un service qu'on lui propose déjà relève de l'intérêt légitime contrairement au démarchage d'une base CRM", rappelle Jérémie Levy. Pascal Coggia identifie toutefois un gros écueil. "Cela implique de faire collaborer deux directions : marketing et SI, qui ne se parlent pas toujours. Dans le secteur bancaire, c'est très compliqué. Pour une entreprise comme EDF ça l'est également puisque c'est une autre société, Enedis, qui gère le réseau. Et c'est d'autant plus compliqué que ces différentes bases de données ont rarement les mêmes grilles de lecture." Jérémie Levy reconnait lui aussi ce gros travail de synchronisation et confirme l'importance d'une ligne directrice au plus haut échelon de l'entreprise. "Ça ne fonctionne que s'il y a un patronage de la direction générale."

Le virage IoT

A en croire Pascal Coggia, 2018 va marquer un virage avec la démocratisation des objets connectés. "La donnée opérationnelle se résume le plus souvent à celle qui est stockée dans l'ERP de l'entreprise, elle est donc assez pauvre. Avec l'IoT, tout devient data", remarque-t-il. Ainsi, le couple IA et IoT va-t-il permettre aux constructeurs automobiles de suivre l'état de santé d'un véhicule en temps réel et de détecter les signes avant-coureurs d'une défaillance. Une maintenance prédictive qui assurera la satisfaction du client. De même, les géants de la distribution vont pouvoir optimiser la gestion de leur stock et de leur parc d'équipement. "C'est pertinent pour un Carrefour d'équiper des chariots qui coûtent entre 100 et 200 euros de puces RFID à 8 euros pour s'assurer de leur bonne répartition au sein de la grande surface", illustre Pascal Coggia. Et d'assurer que beaucoup de retailers se lancent dans des POC IoT cette année. Jérémie Levy voit en outre dans l'arrivée de la 5G un autre catalyseur de l'IoT au service du marketing. "La latence est très faible et on peut l'utiliser à très basse consommation, ça devrait permettre de doper les usages en BtoB."