Email marketing : comment passer le filtre renforcé des opérateurs d'emails

Email marketing : comment passer le filtre renforcé des opérateurs d'emails Les opérateurs de messagerie, qui ont croulé sous les emailings durant le coronavirus, durcissent leurs règles de filtrage. Voici comment passer entre les mailles du filet.

Ensevelis sous le marketing post-coronavirus, les opérateurs d'emails saturent… et durcissent leurs méthodes de filtrage des emails commerciaux. Un moyen de protéger leurs clients des communications non sollicitées mais aussi de préserver leur propre image de marque. Cette dernière a, en effet, été écornée par les tentatives de fraude qui se sont multipliées en même temps que les envois d'emails à des fins marketing. "Nous avons observé une augmentation moyenne de 30% des emails reçus durant le coronavirus et des acteurs mal intentionnés en ont profité pour opérer", chiffre Alain Doustalet, responsable de la cellule Abuse chez Orange.  La Poste et Orange , deux des principaux services de messagerie email made in France, le confirment : les marques doivent redoubler d'attention si elles veulent passer les filtres des opérateurs de messagerie. Rappel de quelques règles élémentaires avec des spécialistes du secteur.

Etre à cheval sur la notion de consentement

"Les internautes qui reçoivent des mails non sollicités n'hésitent pas à nous les signaler comme étant du spam. S'ils sont nombreux à le faire, nous prenons les mesures qui s'imposent en bloquant l'expéditeur"

"Un certain nombre d'annonceurs ont, dans la confusion de la crise du coronavirus, oublié les règles élémentaires en matière d'email marketing et envoyé des emails à des contacts qui n'avaient pas donné leur consentement", regrette Loïc Péron, directeur customer success SEMEA chez Validity. Une entorse au RGPD qui peut valoir aux fautifs une amende salée… mais qui se paie aussi côté fournisseurs de messagerie. "Les internautes qui reçoivent des mails non sollicités n'hésitent pas à nous les signaler comme étant du spam. S'ils sont nombreux à le faire, nous prenons les mesures qui s'imposent en bloquant l'expéditeur", confirme Alain Doustalet. C'est d'autant plus préjudiciable que les fournisseurs de messagerie ont bonne mémoire et que votre réputation en tant qu'expéditeur s'en retrouvera donc entachée pour les campagnes futures.

Si les marques sont tenues légalement de permettre à l'utilisateur de retirer son consentement via un lien intégré à l'email, elles sont nombreuses à faire de cette démarche un parcours du combattant pour limiter la désinscription. Une erreur. Les récipiendaires qui n'arrivent pas à se désinscrire n'auront alors pas d'autre option que de les signaler comme spam. Il est donc essentiel d'en faire une option visible de tous. "Mieux vaut privilégier la qualité des contacts à leur quantité", rappelle Paul de Fombelle, COO de la plateforme Sarbacane Software.

Certains marketeurs optent même pour la règle du double opt-in pour s'assurer que leur liste de contacts est composée exclusivement d'adresses email valides (l'inscription de l'internaute n'est confirmée que lorsqu'il clique sur l'email de confirmation reçu). Cela évite tout risque d'email invalide quand le prospect a fait une faute lors du remplissage du formulaire d'inscription. Les fournisseurs de messagerie bloquent ainsi les campagnes à partir d'un certain seuil (confidentiel) de destinataires invalides. "Cela nous permet de nous protéger contre les spammers et les attaques par dictionnaire, justifie Carmen Piciorus, responsable cellule Abuse chez La Poste. C'est un processus qui, une fois activé, est difficile à inverser."

Nettoyer régulièrement ses bases

Construire une base d'emailing est un travail de longue haleine, aussi coûteux que chronophage. Raison pour laquelle il n'est pas toujours évident pour un marketeur de se résoudre à retirer des adresses emails qui ne sont plus réactives. C'est pourtant indispensable pour préserver la réputation de votre marque auprès des fournisseurs de messagerie. "L'hygiène d'une base email doit être une préoccupation constante. Il est contre-productif de garder des adresses que l'on n'a pas sollicitées depuis plusieurs mois ou qui n'ont pas cliqué sur un email depuis aussi longtemps", prévient Alain Doustalet. Ce conseil est bien sûr à nuancer selon le cycle de vie de votre produit. Un annonceur automobile pourra raisonner en années là où une marque de prêt-à-porter raisonnera plutôt en mois. Il est néanmoins crucial de surveiller les adresses inactives. "Nous archivons les boîtes mails de nos utilisateurs après quatre mois d'inactivité", dévoile Carmen Piciorus.

Privilégier la qualité des envois à la quantité

"Les opérateurs de messagerie insistent aujourd'hui sur le niveau d'engagement des contacts sollicités par email", observe Loïc Péron. Ont-ils cliqué sur l'email ? Si ce n'est pas le cas, l'ont-ils mis en corbeille voire signalé en spam ? Autant de facteurs qui sont pris en compte par les filtres anti-spams des boîtes de messagerie. "Le mass mailing est donc à éviter, il faut privilégier à chaque fois les destinataires qui vont réagir", recommande Loïc Péron. C'est d'autant plus vrai que de l'avis de Paul de Fombelle "très rares sont les sujets qui justifient un envoi à toute votre base". L'expert conseille de "segmenter chacun des envois emails en s'appuyant sur l'historique des interactions".

"Il faut monter en charge jusqu'à ce que le serveur de réception reconnaisse votre IP et votre domaine d'envoi comme étant légitimes"

Pour ceux qui se lancent tout juste dans l'email marketing, et dont l'IP d'envoi est donc inconnue des boîtes de réception, Paul de Fombelle recommande une autre stratégie. Il faut recourir à l'IP warming. En clair, commencer par des petits envois, d'une centaine de mails maximum, et augmenter progressivement le nombre de destinataires. "Vous montez en charge jusqu'à ce que le serveur de réception reconnaisse votre IP et votre domaine d'envoi comme étant légitimes", résume Paul de Fombelle.  Il est important, dans cette perspective, d'analyser en permanence les retours des serveurs de réception. "Ces derniers envoient des logs à chaque envoi pour vous expliquer comment s'est comporté le récipiendaire. Il peut arriver qu'ils en profitent pour vous demander d'arrêter de leur envoyer des mails pendant une certaine période de temps", prévient Paul de Fombelle. Un moyen pour ces serveurs de réception de s'assurer qu'ils ont affaire à de véritables interlocuteurs et non pas à des bots. L'expert recommande toutefois de ne pas s'attaquer à ce sujet tout seul. "Ceux qui se lancent dans l'email marketing ne doivent surtout pas bricoler, c'est exactement comme ça qu'ils auront l'air de spammeurs. Ils doivent s'appuyer sur l'expertise d'un professionnel de l'email marketing, qui maîtrise les différents enjeux techniques, dont l'IP warming et les feedback loops."

Etre clair dans son envoi

Désormais souvent confrontés aux tentatives de phishing, les internautes sont devenus, de l'avis d'Alain Doustalet, "de plus en plus méfiants au moment d'ouvrir un e-mail". Une méfiance qui peut parfois porter préjudice aux marques elles-mêmes. "On a parfois des campagnes complètement légitimes qui sont massivement signalées par nos clients parce qu'une formulation un peu maladroite les fait ressembler à une tentative de phishing", témoigne Carmen Piciorus. L'experte de La Poste recommande d'éviter "l'image en corps de mail avec un bouton cliquable". Le format est en effet beaucoup utilisé par les experts du phishing. Il est important pour balayer tout doute dans l'esprit du récipiendaire d'être clair dans son envoi.

"Depuis le choix de l'email d'expédition jusqu'à celui de l'objet, il faut que les clients comprennent rapidement pourquoi vous leur écrivez", conseille Alain Doustalet. Gardez, quel que soit le service émetteur du message, la même charte édito. Carmen Piciorus donne l'exemple d'une marque qui avait pris le parti de faire atterrir les utilisateurs sur une landing page aux codes très différents de l'esthétique de son site. Ceux-ci, désarçonnés, ont craint une usurpation. De même le recours à la formule "Vérifiez vos informations" est, de l'avis de Carmen Piciorus, contre-productif. "Cela suscite la méfiance des utilisateurs qui nous signalent immédiatement ce genre de campagnes, de peur qu'elles ne soient pas légitimes." Carmen Piciorus recommande de décrire à l'utilisateur les étapes par lesquels il devra passer, dans le corps de mail, plutôt que de se contenter du bouton cliquable.