Les projets e-commerce ne sont pas des projets comme les autres.

Après des années de pilotage d'applications de gestion, je gère désormais des projets B2B et B2C. Mon constat: les projets e-commerce ne sont pas comme les autres. Avec des écueils à éviter. Ces pièges sont au nombre de 7, je vous propose de les partager.

Je lis souvent des articles et des conseils sur les phases amont et aval des projets e-commerce : c’est certain la phase amont est déterminante, elle permet de mettre votre projet sur de bons rails, elle détermine son positionnement stratégique. La phase aval, celle qui démarre le jour où votre site e-commerce est en ligne, est tout autant stratégique, elle va garantir (ou non…) les résultats et la performance !
Mais je trouve plus rarement des conseils sur le déroulement même du projet, sur la phase de réalisation d’une plate-forme e-commerce.
Après plusieurs années de pilotage de projets pour des applications de gestion, je gère depuis 2 ans avec mon équipe la réalisation de projets B2B et B2C, pour des clients grands comptes comme pour des PME. J’ai acquis une certitude : les projets e-commerce ne sont pas des projets comme les autres. J’ai dressé une liste des particularités, des écueils à éviter.

Ces pièges sont au nombre de 7, je vous propose de les partager.

1.     Les projets e-commerce sont grand public

Particulièrement dans un contexte B2C c’est une évidence, ce point ne doit pas être sous-estimé.
* Première épreuve, il nous faut assurer la compatibilité multi-navigateurs. C'est-à-dire assurer un rendu identique, quel que soit le navigateur utilisé. Un véritable cauchemar pour les intégrateurs HTML (« la compatibilité avec Internet Explorer 6, Monsieur le Client, vous y tenez vraiment ?? »). Même si des solutions logicielles existent aujourd’hui pour faciliter les tests (user agents incorporés au navigateur, BrowserStack, …), rien ne vaut l’utilisation de machines virtuelles dédiées pour chaque version de navigateur. Un point à prendre en compte dès la définition de la stratégie de tests.
* Les temps de réponse
du site sont aussi un point à ne pas négliger. Périodes de soldes, fêtes de Noël, campagne marketing, autant d’occasions… de mettre à plat la plateforme de production. Il faut donc mettre le focus sur les temps de réponse dès le début du projet, s’intéresser à la volumétrie du catalogue, au nombre de commandes estimées. Il faut également  organiser des campagnes de mesure de performance et être capable de rejouer aisément ces tests de performance durant le projet pour valider chaque livraison majeure. Mais l’équipe technique ne doit pas être la seule impliquée : le consultant en ergonomie et le directeur artistique par exemple, pourront optimiser le parcours client et le temps de chargement des pages. L’hébergeur lui,  jouera un rôle déterminant dans la performance de la plateforme de production, le mettre en contact au plus tôt avec l’équipe de développement sera bénéfique.
* Troisième écueil, le référencement. Là encore, c’est dès le lancement du projet qu’il faut sensibiliser l’équipe de développement. Les préconisations de l’expert en référencement doivent être clairement définies, le respect de ces préconisations doit être régulièrement contrôlé par des revues de code et de paramétrage. Et dans le cas d’une refonte de site, la reprise du référencement du site existant est un point crucial qu’il ne faut pas négliger.

2.     Les projets e-commerce sont internationaux

Même si l’international n’est pas un besoin fort au lancement du projet, cela viendra très vite. Et c’est facilement compréhensible : pourquoi vous priveriez-vous des ventes qui vous attendent en dehors de nos frontières ?
La réalité n’est évidemment pas si simple et un projet e-commerce international peut vite amener de la complexité : les notions de multi langues, multi devises, multi taxes, multi moyens de paiement peuvent vite se transformer en « multi problèmes » si elles n’ont pas été pensées au démarrage du projet ou si la plateforme technique n’a pas été choisie en conséquence. Sans parler bien sûr de l’environnement juridique ou encore de la logistique, qui peuvent largement ralentir le projet si nous ne trouvons pas dans vos équipes, les personnes capables de nous apporter les bonnes réponses.
Il nous arrive régulièrement que les filiales étrangères de nos clients soient impliquées dans le déroulement du projet. C’est un facteur fort de réussite mais cela implique que le projet soit mené en langue anglaise. Si je vous dis que tous nos chefs de projet sont parfaitement bilingues, vous me croyez ?

 3.     Les projets e-commerce sont régis par un cadre juridique

Le e-commerce est fort heureusement encadré par des dispositifs légaux.
Quelles sont les modalités et obligations de déclaration à la CNIL ? Qu’imposent les lois sur la vente à distance ? Que dit la loi Chatel ? Quelles sont les informations à faire figurer dans les conditions générales de vente, dans les mentions légales ? Qu’ont changé (et que vont changer) les récentes directives européennes ? Quelles sont les règles relatives au délai de rétractation ?
Autant de questions qui devront trouver réponse avant la mise en ligne ! Sans être des spécialistes juridiques nous devons vous apporter conseil, ou tout au moins vous ouvrir les yeux sur ces sujets.

4.     Les projets e-commerce sont des projets d’intégration

Pour nos projets nous nous appuyons sur les plateformes e-commerce du marché : Hybris, Magento ou encore Oxid eShop sont parmi les plateformes que nous proposons à nos clients, selon leurs besoins. Nos projets sont donc bien des projets d’intégration de solutions.
Cela entraine quelques règles à respecter, quelques bonnes pratiques qui nous permettent aujourd’hui d’éviter bien des écueils :
- Tout d’abord nous organisons une formation à la plateforme e-commerce retenue pour l’équipe utilisatrice, avant de démarrer les ateliers de conception. Cela permet à l’équipe client de connaître la plateforme sur laquelle va s’appuyer son site e-commerce, de partager avec notre équipe un vocabulaire commun (« le catalogue produits, on le structure en ‘familles’, en ‘rubriques’ ou en ‘catégories’ ? »). Cela facilite les échanges durant les ateliers fonctionnels.
- Il faut aussi s’interdire de mener un atelier de conception sans montrer le progiciel e-commerce. Chaque discussion fonctionnelle doit être illustrée par une démonstration, cela facilite les prises de décisions et évite de trop s’écarter du fonctionnement natif de la solution retenue.
- Enfin nous nous appliquons dans nos livrables à bien distinguer ce qui se fera par du paramétrage de la solution et ce qui nécessitera des développements spécifiques. Ceux-ci ne sont pas à proscrire à tout prix, mais ils doivent être réservés aux spécificités et à la valeur ajoutée que vous apportez sur votre site e-commerce.

5.     Les projets e-commerce sont stratégiques

Nouveau canal de vente, croissance à 2 chiffres, mutation des usages de consommation, nouvelle relation avec le consommateur, le e-commerce entraine avec lui des mots (et des chiffres) qui excitent les directions générales. Chez nos clients ces projets ont une place particulière, ils font souvent l’objet d’un suivi en comité de direction.
Cette importance stratégique
du projet e-commerce peut se mesurer au nombre de personnes présentes lors de la réunion de lancement du projet : directeur e-commerce, directeur marketing, directeur commercial, directeur informatique, directeur administratif et financier, directeur juridique, directeur logistique, parfois même directeur général… c’est toujours encourageant pour nous de sentir une telle implication. Mais nous devons être vigilants et insister pour bien définir les rôles et responsabilités au sein de l’équipe client : qui porte la responsabilité principale du projet ? la responsabilité fonctionnelle ? la responsabilité technique ? Sans cela les décisions ne pourront se prendre efficacement et c’est l’avancement du projet qui en pâtira.
Il en est de même pour les ateliers de conception : c’est une très bonne chose de voir beaucoup de personnes s’impliquer. Mais les interlocuteurs clés doivent être présents au bon moment, en fonction du thème de chaque atelier. C’est notre rôle de cadrer les ateliers de conception, de mettre tout en œuvre pour que l’efficacité de ces ateliers soit optimale. Pour cela nous utilisons des questionnaires pré établis, pour chacun des thèmes fonctionnels, que nous communiquons aux participants quelques jours avant l’atelier. Cela permet une meilleure préparation et donc une meilleure efficacité des ateliers de conception.

6.     Les projets e-commerce sont pilotés par le Marketing

Au risque de me mettre toute une profession à dos, il est vrai que « les décideurs marketing » ont une approche différente des personnes que nous rencontrons dans d’autres contextes projets informatiques :
Le délai de réalisation par exemple (le fameux Time to market,) est une notion particulière dans le cadre d’un projet e-commerce. « Tout doit aller vite, les enjeux sont énormes, la date de lancement du site ne pourra être décalée ». Au-delà de ce challenge de respect des délais, nous devons réussir à faire prendre conscience à nos clients que beaucoup d’autres chantiers que le notre devront également être au rendez-vous : logistique et transporteurs, contenus éditoriaux et marketing, shooting photo des produits, interfaces avec le Système d’Information, contractualisation avec le prestataire de paiement bancaire, avec l’hébergeur, …).
Autre point particulier aux projets e-commerce, le peu de détail dans la description initiale du besoin : j’ai rarement eu un cahierdes charges détaillé pour démarrer un projet e-commerce. Pour les équipes Marketing chez nos clients, ce canal est souvent nouveau, difficile pour elles de définir leur besoin avec une grande précision. Nous devons donc adapter notre discours de prestataire, être proactifs, proposer plutôt que questionner, accepter (et prévoir) que notre client change d’avis en cours de projet. En un mot, être agiles.
Les méthodes agiles sont en effet particulièrement adaptées aux projets e-commerce. Elles permettent notamment un découpage du projet en itérations. Nous pouvons ainsi engager le développement de fonctionnalités matures pendant que d’autres sont en cours de réflexion (les interfaces avec le Système d’Information par exemple). Le besoin du client peut s’affiner progressivement. Nous restons cependant vigilants à bien lever les risques techniques majeurs  au début du projet, en collaboration avec le client.
Reste que les changements en cours de projet ne vont pas sans poser quelques problèmes de contractualisation. Là encore l’expérience de plusieurs projets nous a permis de mettre en place une méthode efficace de gestion agile du périmètre d’un projet.  La description de cette méthode pourra faire l’objet d’un prochain article.

7.     Les projets e-commerce sont intégrés au SI

Un enjeu fort d’un projet e-commerce est de réussir son intégration avec le Système d’Information existant : CMS (gestion des contenus éditoriaux), PIM (référentiel produits), DAM (gestion des ressources numériques, photos, vidéos, …), CRM (gestion de la relation client), ERP, WMS (gestion des entrepôts logistique) sont autant de briques du SI qu’il faut faire dialoguer avec la plateforme e-commerce. C’est encore plus vrai aujourd’hui pour les acteurs de la vente physique, à l’heure où tout le monde parle de cross canal ; à l’heure où tout le monde rêve d’offrir à ses clients une expérience d’achat totalement fluide et unifiée, quel que soit le canal utilisé (partage des informations produits, commandes, prix/promotions, fidélité,  sur le web et le mobile, sur une borne interactive, en magasin, via le call center…).
Diverses solutions techniques existent. Mais avant de se lancer dans l’analyse détaillée de tous les flux, il convient de prendre le temps de poser un schéma d’ensemble, de dresser une belle cartographie des flux.
Puis de se poser quelques bonnes questions : le temps réel est-il vraiment nécessaire pour tous les flux ? Quelles sont les volumétries à traiter et les temps de réponse attendus ? Comment doivent-être ordonnancés les flux les uns par rapport aux autres ? Quel mode de supervision et quelle politique de reprise sur incident sont prévus ?

En conclusion

Ces quelques lignes ne sont en aucun cas une méthodologie miracle garantissant le succès de tout projet e-commerce, loin de là.
Mais à bien y regarder, les 7 pièges que nous venons de voir ne sont pas insurmontables. En anticipant et en surveillant chacun d’eux nous évitons bien des difficultés inhérentes aux projets e-commerce.