Gouvernance de l'Internet, un sujet brûlant !
Comment l'Internet doit-il être géré, et par qui ? La question, jadis peu creusée, est aujourd'hui sur toutes les lèvres. La gestion historique par les américains est de plus en plus contestée. Même en France, où le Sénat lance une mission d'information sur le sujet.
Avant, je
faisais partie d'un groupe de personne relativement auquel personne ne prêtait
vraiment attention. On discutait de la façon dont la gestion de l'Internet est
organisée. La "gouvernance de l'Internet". On se réunissait trois
fois pas an au sein d'une petite organisation créée en Amérique. L'Internet Corporation for Assigned Names and
Numbers, ou ICANN, personne ne connaissait vraiment. Quand je tentais
d'expliquer de quoi il s'agit, les regards se chargeaient inévitablement d'une
torpeur témoin du profond ennui que généraient mes propos chez mes
interlocuteurs.
Mais ça, c'était
avant. Déjà en 2003, un léger frisson d'intérêt autour du sujet commence à se
faire sentir lorsque les Nations unies lance le Sommet Mondial sur la Société de l'Information (SMSI). Pourquoi les
américains assument-ils de manière unilatérale la gestion technique de
l'Internet ? La question est posée en filigrane dans ce SMSI très politique qui
aboutira, finalement, sur une non remise en cause du statut quo.
Mais le SMSI a
changé les choses. Les gouvernements se préoccupent maintenant de savoir
comment l'Internet, jusqu'à présent géré par un ensemble multi acteurs qui leur
donnaient peu de place, doit être contrôlé. Par eux, bien sûr.
Gros sous
Du SMSI naquit un
forum de discussion appelé Forum pour la Gouvernance de l'Internet (FGI, ou IGF en Anglais) en 2006. En 2009, l'ICANN commence à se dégager de la tutelle du gouvernement américain.
Le contrat de ce dernier avec l'ICANN est remplacé par une déclaration
d'engagements appelée Affirmation Of Commitments (AOC).
Un an avant, en
juin 2008, l'ICANN a officialisé le lancement d'un programme de création
d'extensions Internet sans limite de nombre : les new gTLDs.
Ce programme secoue énormément l'ordre établi. Surtout, il va amener à l'ICANN,
qui avait alors un budget d'un peu moins de USD 70 millions par an, énormément
d'argent. Plus de 350 millions au jour d'aujourd'hui.
Espionnage
De gros sous, et
bientôt des complots dignes de Hollywood. En 2013, l'ex informaticien de la CIA
Edward Snowden révèle les programmes d'espionnage sur Internet de son
gouvernement. Plus rien ne sera comme avant.
Fin 2013, dans un contexte de confiance en
l'Amérique brisée, le Brésil entreprend l'organisation d'une grande réunion
internationale pour discuter de la gouvernance de l'Internet. Le sujet est
définitivement sorti de l'ombre. Plus personne n'a le regard qui se voile à
l'évocation de ces problématiques. Et c'est la présidente brésilienne Dilma Rousseff
elle-même qui confirme la tenue de cette réunion, le Global Multistakeholder Meeting on the Future of Internet Governance,
pour les 23 et 24 avril 2014 à Sao Paulo.
Les Américains ont peut-être trahis notre
confiance, mais est-ce pour autant une bonne raison de remplacer leur hégémonie
sur la gouvernance de l'Internet par celle d'un autre pays ? Beaucoup en doutent.
La question de comment, et avec qui, organiser la gestion de l'Internet,
préoccupe de plus en plus.
Vint Cerf auditionné par le Sénat
Même en France
où, fait inédit, le 6 novembre 2013 le Sénat créé une "mission commune d'information sur le nouvelle rôle et la nouvelle stratégie pour l'Union européenne dans la gouvernance mondiale de l'Internet."
L'intitulé est clair. Et cette mission va
commencer fort. En profitant du passage à Paris de Vint Cerf, l'un des
"pères de l'Internet", pour l'auditionner, le 10 décembre 2013.
La mission, qui envisage de terminer ses
travaux en juin 2014, s'est réunie à Paris le 3 décembre pour élire son bureau.
Elle sera présidée par le socialiste Gaëtan Gorce (Nièvre), qui est également
membre de la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés, la CNIL.
Espérons qu'elle prenne en compte les avis de tous les acteurs, société civile,
secteur privé, utilisateurs, chercheurs…, afin de se constituer un avis informé
et efficace sur la question.