Quel avenir pour le marché des données de géolocalisation ?

Le marché des données de géolocalisation a été fortement impacté par les mises en demeure de la CNIL au cours de ces derniers mois. SDK, bid requests, consentement... Le marché est en pleine mutation. Quels vont être les impacts pour les marketers? Pour les éditeurs? Le point de vue de Benoit Grouchko, CEO de Teemo.

Depuis juillet, notre marché est dans la tourmente : la CNIL « épingle » une à une les entreprises collectant des données de géolocalisation à des fins marketing. D’abord celles qui le font via le SDK (dont Teemo) - cette techno, récente, offre une granularité importante et donc est considérée comme étant particulièrement “sensible” - et, depuis novembre, celles qui le font via les bid-requests également. 

La géolocalisation est une donnée extrêmement riche - donc sensible. Elle permet de construire des profils utilisateurs très pertinents pour les marketers. Au-delà des usages drive-to-store, les données de géolocalisation financent une part significative de la monétisation sur mobile, et comme l’indiquent toutes les études telles que cette étude emarketer, ce marché est en très forte augmentation. Mais cet écosystème est encore jeune (2014 pour Teemo, ex-Databerries), et comme tout marché émergent, il était nécessaire de le réguler. La mise en place du RGPD est venue accélérer la création d’un cadre clair et précis.  

Pour être totalement conforme et obtenir la levée de la mise en demeure de la CNIL, au-delà d’avoir ajusté les durées de conservation des données (proportionnelles aux besoins : ciblage ou mesure de visite par ex.), mis en place un consentement libre, spécifique, et informé par le biais d’une bannière intégrée dans toutes nos applications partenaires, nous avons dû effacer toutes les données obtenues jusqu’ici car leur consentement n’était pas conforme. C’est une décision majeure pour une entreprise comme la nôtre. Nous pouvons témoigner que l’impact a été lourd – plusieurs mois d’arrêt total de l’activité – mais cette action est nécessaire pour être conforme, pouvoir garantir une tranquillité totale à nos clients et regagner ainsi leur confiance sur un marché dont l’image a été écornée. Que signifient ces mises en demeure pour le marché ? Est-il encore possible d’utiliser les données de géolocalisation ? Quel avenir pour cet outil marketing ?

Il faut bien comprendre que ce n’est pas l’utilisation des données de géolocalisation qui est mise en cause, c’est la façon de les collecter et de les conserver, que ce soit via le SDK ou les bid requests. Il est d’ores et déjà possible d’utiliser légalement ce type de données,  la preuve, c’est que la CNIL a validé notre conformité, mais encore faut-il disposer de suffisamment de données pour avoir un service de qualité à proposer. C’est donc un marché qui, pour quelques semaines encore (le temps que suffisamment d’éditeurs récoltent un consentement conforme) est - normalement - à l’arrêt du point de vue de la commercialisation.

In fine, ces mises en demeure vont tout d’abord permettre de mieux informer les utilisateurs. Les entreprises - quelle que soit la techno qu’elles utilisent - vont toutes devoir utiliser le même bandeau de consentement : l’usage qu’elles font de leurs données ne sera donc plus un mystère pour les utilisateurs car il en détaille toutes les finalités. Ils pourront ainsi facilement choisir de partager leurs données ou non, et donner/retirer leur consentement à tout moment. C’est une bonne chose pour notre marché : nous avons besoin d’avoir la confiance des utilisateurs pour en assurer sa pérennité.

Les changements induits par la CNIL vont amener davantage de transparence dans les relations commerciales entre éditeurs, prestataires et annonceurs, ce qui est une bonne chose car le marché a besoin de clarification. Pour collecter des données, que ce soit via SDK ou via bid-requests, l’entreprise qui collecte, tout comme l’éditeur, co-responsable, doit désormais s’assurer de la conformité de la collecte.

La mise en place de ces opt-ins va impacter la taille totale de l’audience adressable : tous les utilisateurs qui ne souhaitent pas voir de publicités personnalisées n’en verront plus. Ce n’est pas forcément un mal pour les marketers, car ils pourront ainsi naturellement se concentrer sur les utilisateurs les plus réceptifs. Avec l’arrivée d’e-privacy et la généralisation de ce type de bannières qui se profile, il sera intéressant d’observer l’évolution du pourcentage d’opt-ins. De même, au fur et à mesure que la société se familiarise avec les usages de la publicité, l’expérience utilisateur et la relation au consentement pourraient être amenées à évoluer.

Les nouvelles règles du jeu définies par la CNIL génèrent une énorme rareté de la donnée à court-terme le temps que tous les éditeurs intègrent des bandeaux conformes. A moyen-terme, d’ici un ou deux ans, tout le marché aura effectué sa mue et ces consentements seront devenus la norme, comme le sont les bandeaux cookie actuellement. Grâce à la richesse des profils générés et tous les potentiels qu’elle permet, et maintenant que le cadre réglementaire est clair, il y a fort à parier que la géolocalisation va continuer à monter en puissance dans les stratégies d’un nombre de plus en plus important de marketers.