Du DIY à l’IA, la distribution fait sa mue

Le secteur de la distribution a tendance à être conservateur dans la gestion de sa supply chain. Ceci s’explique notamment par un besoin de conserver le contrôle humain sur les décisions prises. Mais cette approche conduit à des erreurs. Il est urgent pour les distributeurs d’entrer dans une nouvelle ère et faire confiance aux algorithmes d’IA et de machine learning pour la prise de décision.

La méfiance à l'égard de l'intelligence artificielle (IA) est révélatrice de la nature humaine. Les technologies de machine learning (ML) sont telles qu’un ordinateur commettra une erreur une fois, pas deux. Malgré cela, on juge la technologie comme défaillante dès la première erreur. A l’inverse, les humains apprennent plus lentement, et peuvent commettre la même erreur de nombreuses fois. Mises bout à bout, les nombreuses « erreurs ponctuelles » humaines peuvent avoir de grandes implications financières et logistiques pour une entreprise.

En effet, les grandes organisations ont besoin de prendre des dizaines de millions de décisions chaque jour concernant les stocks, les prix, les placements de produits et même les activités de marketing. La probabilité qu'une équipe, quel que soit son niveau de compétence, prenne ces décisions avec un degré d'exactitude acceptable est nulle. Malgré ce fait, la philosophie du DIY perdure.

Dépasser les vieilles habitudes

En tant qu’ancien chercheur au CERN, je suis frustré lorsque je vois l’impulsivité humaine l’emporter sur la logique, et ce faisant mettre les entreprises en danger. C'est compréhensible et presque pardonnable, mais le fait que ce soit courant n'est plus une excuse dans un climat où les petits bénéfices ont un impact important.

L’origine de ce problème réside dans le « on a toujours fait comme ça, il faut continuer de la même façon », créant une résistance forte aux technologies qui pourraient aider les distributeurs à réduire leur quantité de déchets ou prévenir les ruptures de stocks. A défaut d’utiliser un système d’IA et de machine learning, une équipe technique dédiée ou un data scientist pourraient aider, mais ce ne serait pas un travail dépourvu d’erreurs, sans l’appui d’un système robuste et d'une quantité de données suffisantes.

Les distributeurs se heurtent à cette problématique de façon encore plus frontale lors des pics d’activité, comme autour de Noël ou des soldes. C’est à ce moment-là que les décisions doivent être prises de façon rapide et sûre ; c’est aussi là que la résistance est la plus forte.

Passer de compromis à une vision probabiliste

Le nœud du problème tourne autour d'un compromis qui ne peut être surmonté lorsque les humains persistent à décider eux-mêmes - un compromis entre l'épuisement des stocks et la production de déchets supplémentaires. Toutes les options proposées au décideur, DG ou PDG, amèneront soit à du gaspillage soit à des ruptures de stock – le tout, bien entendu, emballé dans un discours soutenu par des graphiques et autres fonctions mathématiques.

A contrario, l’automatisation et le machine learning définissent une courbe de probabilité qui fait le pont entre ce compromis et la réalisation simultanée des deux objectifs. Ils permettent aussi aux humains de garder le contrôle de la stratégie à laquelle l'ordinateur doit se conformer.

Il s’agit donc de transformer l’approche en passant d’une logique de prise de toutes les décisions nécessaires à l'exploitation d’un distributeur et de sa supply chain, à un choix de faire confiance aux algorithmes et aux probabilités réelles fondées sur les données.

C'est la décision stratégique la plus rationnelle qu'un distributeur puisse prendre, et c'est un changement d'état d'esprit qui peut nourrir l'insécurité des opérateurs tout en rendant les opérations commerciales plus précises et financièrement stables comme jamais auparavant.

Mettre le pied à l’étrier

Pour commencer, la première étape est de faire appel à un fournisseur externe pour superviser la transition vers l'adoption de l'IA/ du ML. Peu importe à quel point l’entreprise se voit comme championne du changement, il est nécessaire de joindre le geste à la parole et de retirer le programme des mains de la structure existante. C’est à la fois un signe d'intention et une progression tangible.

À partir de là, les décideurs traditionnels doivent s’éloigner du processus défini. Comme nous l'avons mentionné, ils restent le moteur de la stratégie, mais ils doivent laisser le système fonctionner sans entraves car celui-ci calcule la meilleure façon d'atteindre les objectifs stratégiques.

Il faut enfin changer la culture d’entreprise. Cela peut être difficile pour les membres de la direction, et encore plus pour les fonctions de middle management en quête de responsabilités, mais il va falloir apprendre à renoncer au contrôle. Leur retirer un processus qu'ils ont déjà supervisé peut entraîner un conflit. Il est également important de détailler soigneusement les raisons pour lesquelles l’entreprise passe du DIY à l’IA.

Un optimisme inné

Il y aura inévitablement une période de rodage en ce qui concerne les développements ci-dessus. C'est dans la nature humaine de se méfier du changement, surtout si, à première vue, il semble que son travail ou ses responsabilités soient mis en péril. C'est une escroquerie inhérente à l'adoption de l'AI/ML que de s'attendre à des conflits, à des réactions négatives, à des gamineries (à défaut de terme plus adapté) ou même à des frondes. 

C'est pourquoi une expression de positivité est vitale pour l’exécution fructueuse du projet. Il faut montrer qu'il s'agit d'un outil qui permettra aux équipes d'exceller dans leur travail et d’atteindre leurs KPI, et non d'un outil pour les remplacer.

Je suis très optimiste quant à l'avenir de l'IA dans la distribution et, avec la possibilité de me tromper inhérente à mon humanité, je prévois qu'elle se généralisera dans les mois et les années à venir.

Aujourd’hui, nous montrons concrètement aux distributeurs qu'ils peuvent prendre de bien meilleures décisions qu'ils ne le font, mais ils ignorent trop souvent cette réalité. À l'avenir, ces mêmes entreprises qui prennent des décisions moins bonnes que la majorité de leurs concurrents se rendront compte assez abruptement, et peut-être avec des conséquences désastreuses, de l'erreur qu'elles ont commise en continuant à faire les choses par elles-mêmes.