Julien Billot (PagesJaunes) "Le mobile va nous permettre de toucher de nouveaux annonceurs"

L'Internet mobile devrait représenter 10 % du trafic de PagesJaunes en 2011. Le directeur général adjoint du groupe explique sa vision et ses projets sur ce média.

JDN. PagesJaunes est l'un des rares acteurs français à être déjà présent au travers d'une application sur la quasi-totalité des OS mobiles. Pourquoi ? 

Julien Billot. PagesJaunes est déjà une marque patrimoniale du Web en France. Nous nous devons également de l'être sur mobile, quel que soit le terminal de nos utilisateurs. Cela est vrai aussi vis-à-vis de nos annonceurs, qui achètent de la publicité chez nous parce qu'ils savent que PagesJaunes donne un service à l'ensemble des Français. Notre positionnement est celui d'un média local. Le mobile a donc une dimension stratégique car qu'il s'agit du média personnel et local par excellence. Pas uniquement l'iPhone, mais tous les mobiles. Il ne serait pas pensable de faire aujourd'hui un site Internet visible depuis un seul navigateur... 

Combien de fois l'application PagesJaunes a-t-elle été téléchargée ? 

PagesJaunes, c'est plus de 3 millions de téléchargement sur les différentes plates-formes et environ 30 000 téléchargements par semaine. Dont 2,8 millions sur l'iPhone, ce qui nous place systématiquement dans le peloton de tête des applications les plus téléchargées en France, entre Facebook et Shazaam. Sur Android, nous comptons environ 150 000 téléchargements. Vient ensuite Ovi de Nokia avec un peu plus de 100 000 téléchargements, Bada de Samsung, avec un peu moins de 100 000 téléchargements. Nous nous sommes lancés sur Windows Phone 7 en même temps que le système d'exploitation, il y a quelques jours. Enfin, nous serons présents sur BlackBerry dans un horizon très proche. 

"Nous lancerons notre offre mobile en 2011"

Combien vous coûte cette présence sur l'ensemble des plates-formes ? 

Notre budget global de développement mobile est de l'ordre de quelques millions d'euros, mais avec un petit "s". PagesJaunes, c'est 1,2 milliard d'euros de chiffres d'affaires en 2009, dont un peu plus de 500 millions d'euros de revenus sur Internet. Au regard de cela, quelques millions d'euros d'investissements sur le mobile, c'est assez peu. Cela nous permet d'avoir une équipe dédiée à ce média, distincte de notre équipe Web. Nous nous appuyons par ailleurs sur les systèmes d'information qui ont été développés pour le Web fixe pour nos services sur mobile, ce qui fait que nous ne partons pas de zéro pour développer nos services sur les terminaux nomades. 

Ce "petit investissement" est-il rentable ? 

Aujourd'hui, le business mobile représente une part anecdotique de notre activité digitale, tout simplement parce que nous n'avons pas encore commercialisé notre offre mobile. Nous commencerons à la commercialiser dans quelques semaines mais cette activité ne décollera vraiment qu'à partir de 2011. A titre de comparaison, en 2010, l'ensemble du digital représentera la moitié du chiffre d'affaires de PagesJaunes. Le Web représentera également la moitié de "l'audience" du groupe PagesJaunes, l'autre moitié étant générée par le papier. 

Quelles ambitions avez-vous pour l'activité mobile ?
Comme pour le Web, notre chiffre d'affaires sur le mobile devrait d'ici trois à quatre ans peser en proportion de sa part dans le trafic Internet total. Aujourd'hui, le trafic mobile représente 7 % du trafic total de PagesJaunes, soit environ 70 millions de visites, rapportées au milliard de visites enregistrées par PagesJaunes par an. Il y a un an, le mobile représentait à peine 1 % de notre trafic. L'année prochaine, nous nous attendons à ce qu'il en représente 10 %. 

Le mobile va-t-il cannibaliser votre activité sur le Web ou le papier ? 

La typologie des recherches sur mobile est différente de ces deux médias. Sur le Web et le papier, nos plus gros annonceurs sont les entreprises de gros travaux à domicile : serruriers, plombiers, entrepreneurs en bâtiments, etc. Le domicile restant le principal lieu d'usage de l'Internet mobile, il est possible d'avoir des recherches de carreleurs ou de maçons depuis un portable. Mais le mobile sert surtout pour des recherches sur d'autres thématiques, comme les sorties, le divertissement, la restauration et les achats de proximité non alimentaires. Ces commerces ne sont pas aujourd'hui les plus gros annonceurs sur PagesJaunes papier et Internet. Le mobile va donc nous permettre de toucher de nouvelles entreprises qui n'étaient pas annonceurs chez nous. 

"Le mobile est un outil de génération de trafic en magasin"

Vous visez donc une cible de PME et de commerces de proximité ? 

4 millions de professionnels en France sont aujourd'hui présents sur Pagesjaunes.fr. Parmi eux 700 000 sont annonceurs chez nous, dont 600 000 sur Internet. Nous allons donc démarcher ces 600 000 annonceurs en priorité. Mais n'oublions pas non plus les 3,4 millions de professionnels qui ne sont pas encore annonceurs en ligne chez nous. Nous pensons qu'une partie d'entre eux, notamment les commerces de proximité peuvent être très intéressés par une présence sur mobile. 

Pourquoi ? 

Parce que le mobile est un média de proximité. La moitié des recherches effectuées sur PagesJaunes Mobile le sont autour de la position géographique de l'utilisateur. Lorsqu'un utilisateur affiche la fiche détaillée d'un commerçant sur son mobile, il appelle ce commerçant dans un cas sur quatre. Dans un autre cas sur quatre, il regarde le plan et l'itinéraire pour se rendre chez ce commerçant. Le mobile est donc vraiment un outil de génération de trafic en magasin. 

Le mobile sera-t-il commercialisé séparément du Web et du papier ? 

Exactement, de la même manière que nos prestations sur l'Internet ou le papier sont vendues séparément. Un même vendeur chez nous vend un contrat différent par média. Le mobile sera notre troisième type de contrat. Trois éléments seront proposés aux annonceurs : la possibilité d'être référencé sur plus d'une activité (café, hôtel, restaurant), la possibilité de mettre plus de contenu sur notre site, comme une vidéo ou des photos, et enfin le ranking, qui permet d'apparaître systématiquement devant les commerçants non annonceurs. Sur mobile, le ranking sera basé sur la proximité géographique des commerces par rapport à l'utilisateur, d'abord dans un rayon de 0 à 200 mètres, puis dans un rayon 200-500 mètres, et ainsi de suite. Nous allons également développer une offre de couponing. Il s'agira à la fois d'une offre Web et mobile que nous lancerons en 2011. Mais l'usage sera certainement plus fort sur mobile. 

"L'écosystème mobile n'est pas favorable à Google"

PagesJaunes, c'est aussi Mappy, qui doit faire face à l'omniprésence de Google Maps sur mobile... 

Ce point est à clarifier. Selon nos informations, l'application Google Maps, fournie de base sur l'iPhone, n'appartient pas à Google mais à Apple. Le service de cartographie appartient certes à Google, mais cela ne veut pas dire que Google est capable d'insérer de la publicité localisée dans cette application. En termes de territoires concurrentiels, la position de Google est donc beaucoup plus faible qu'il n'y paraît sur iPhone.  

Par ailleurs, l'écosystème mobile n'est pas franchement favorable à Google, contrairement à ce que l'on pense. En France, Google a 95 % de reach sur l'Internet fixe, mais ce n'est pas le cas sur le mobile. Google doit voir passer environ 30 % du trafic Internet mobile. Notamment parce que les internautes recherchent moins sur un navigateur, et davantage dans un store d'applications. Actuellement Google est présent sur iPhone surtout via les téléchargements de son application de recherche, qui est moins téléchargée en France que l'application PagesJaunes. 

Google possède tout de même son propre OS, Android... 

C'est vrai. Mais je pense qu'Android ne va pas très bien marcher en France. Contrairement aux Etats-Unis, la dynamique des fabricants de terminaux n'est pas favorable à Android. Le marché français est historiquement dominé par Samsung et Nokia auxquels s'ajoute aujourd'hui Apple. Les acteurs les plus favorables à Android, comme LG, Motorola ou HTC restent petits sur le marché français. Ils sont évidemment plus importants sur le marché américain pour des questions de normes 3G. Quand nous analysons notre trafic Internet mobile, Android progresse, mais très peu. Encore aujourd'hui, l'iPhone continuer à creuser l'écart face à Android et représente toujours 90 % de notre trafic mobile. Je ne vois pas en France une situation à l'américaine où Android talonnerait l'iPhone. 

Comment marche Mappy sur mobile ?
L'application Mappy a été téléchargée environ 1,5 million de fois sur iPhone et Bada. Des versions iPad et Android sont en préparation. Nous allons faire évoluer cette application d'un service de cartes et d'itinéraires vers un média local basé sur la recherche par la carte.

Avez-vous d'autres projets d'applications. Votre projet de Google Street View, Urban Dive, par exemple ? 

Nous allons en effet décliner Urban Dive sur mobile en le positionnant comme une façon de naviguer dans des contenus locaux d'une manière encore différente de Mappy et de PagesJaunes. Mais pour l'instant, nous travaillons d'abord au lancement du site Web. L'application ne viendra pas avant l'année prochaine. Nous ne nous interdisons pas par ailleurs de lancer d'autres applications thématisées. Nous travaillons par exemple sur des concepts d'applications autour des sorties et des loisirs. Notre logique est de tirer parti de ces espaces de distribution que sont les stores pour occuper le territoire avec de plus en plus d'applications pour couvrir différents secteurs d'activité. 

Avec autant d'applications, votre site Internet mobile est-il toujours aussi pertinent ? 

Oui. Les smartphones représentent aujourd'hui environ 15% du marché en France. Il faut donc toucher les 85% restants, même s'ils ne sont pas tous compatibles Wap. Aujourd'hui, notre trafic Wap est constant depuis un an, même s'il ne progresse plus. Il représente environ 15% de notre trafic mobile total, qui nous vient notamment des portails opérateurs. Couper ce service n'a donc pas encore de sens. Nous allons le laisser mourir tranquillement.

Julien Billot est directeur général adjoint de PagesJaunes Groupe en charge du pôle Internet depuis 2009. Polytechnicien, diplômé de l'Ecole nationale supérieure de Télécommunications (ENST), il débute sa carrière en 1993 chez France Télécom, où il occupe successivement les postes de directeur de la stratégie et directeur financier de la filiale de radiomessagerie du groupe, directeur du marketing multimédia de la division mobile et directeur des marchés grand public et professionnels d'Orange. En 2006, il est nommé directeur des produits et services et responsable du Technocentre de France Télécom pour les activités grand public. A la fin de l'année 2006, il quitte France Télécom pour prendre le poste de directeur général numérique et new business de LagardèreActive, qu'il quittera en 2009 pour rejoindre PagesJaunes.