Facebook Messenger : un API store face aux app stores ?

Roi des applications mobiles, Facebook enrichit ses messageries d'un "API Store" permettant aux médias, aux commerçants ou aux marques de multiplier les interactions avec leurs propres clients. Quel est le potentiel de ce nouvel environnement ?

La Mobile Marketing Association France a enquêté…

Après avoir volé la vedette aux smartphones de Samsung lors du dernier Mobile World Congress de Barcelone, Mark Zuckerberg était de retour sur scène la semaine dernière, pour F8, la conférence développeurs de Facebook. Une conférence au cours de laquelle le groupe américain a présenté ses nouveautés en matière de vidéo live et de réalité virtuelle, mais qui aura surtout été marquée par le véritable lancement de l'écosystème de Messenger et WhatsApp.

Car même si Facebook dépend des kiosques applicatifs d'Apple et de Google, qui contrôlent l'installation de la majorité des applications mobiles dans le monde, le groupe de Mark Zuckerberg domine largement le classement des applications les plus populaires avec Instagram (400 millions d'utilisateurs), Messenger  (800 millions d'utilisateurs), WhatsApp (900 millions d'utilisateurs) et bien entendu Facebook, qui dépasse le cap symbolique du milliard d'utilisateurs actifs mensuels.

Faute de proposer un système d'exploitation ou son propre "App Store", Facebook dispose ainsi de la masse critique pour faire de ses messageries de véritables "API Store", proposant aux développeurs de brancher directement leurs services sur ses apps afin de toucher une population potentielle de plus de deux milliards de mobinautes chaque mois dans le monde.

« Au cours des derniers mois, nous avons concentrés nos efforts pour améliorer l’expérience utilisateur sur Messenger. Cela s’est illustré notamment pas les partenariats lancés avec quelques entreprises pour leur permettre de développer la proximité avec leurs clients. Nous lançons aujourd’hui la plateforme Messenger (en beta) ainsi que l’API Messenger », a annoncé  Mark Zuckerberg, en introduction de la conférence F8. « Partie intégrante de la plateforme Messenger, les bots permettent de mettre en place à la fois des abonnements automatisés, par exemple la météo quotidienne, mais également des messages personnalisés comme des confirmations de commande ou des notifications d’envoi d’un colis, directement envoyés aux personnes intéressées. Cette API prendra en charge l’envoi et la réception de texte mais également d’images et de liens avec call-to-action. Les développeurs peuvent également définir un message d’accueil qui apparaît lorsqu’une personne ouvre la conversation avec la Page », a précisé le créateur de Facebook.

Une nouvelle plateforme pour les marques

Sans avoir attendu la conférence F8 de la semaine dernière, certaines marques testent la plate-forme Messenger depuis le début de l'année, avec déjà des premiers retours d'expérience.

« KLM a toujours été en pointe sur les réseaux sociaux et teste cet API de Messenger comme outil de support client. Selon Facebook, nous devions nous attendre à une hausse de 10% des échanges avec nos clients mais le succès a été plus grand encore, ce qui a mené KLM à mettre plus de monde sur le pont. Coté Air France, le lancement d'un tel service est à l'étude et se nourrira de l'expérience de KLM », explique Vincent Fillon, Directeur de la stratégie Mobile chez Air France KLM.

« Notre philosophie est d'être là où nos clients se trouvent.  Grâce à notre Lab à Shanghai, nous observons depuis longtemps la montée en puissance de messageries mobiles telles que WeChat en Asie du Sud-Est. Il nous est apparu cohérent d'être parmi les premiers à investir un nouvel environnement tel que Facebook Messenger pour dialoguer avec nos prospects et nos clients à la recherche d'informations sur l'offre d'AXA France », explique Thomas Rudelle, Responsable Réseaux Sociaux à la direction de la marque et partenariats d’AXA France. 

Vers une  automatisation de la relation client ? 

Face à l'afflux de messages engendré par la simplicité de ces applications de messagerie, la solution serait-elle de développer des "chatbots", des agents conversationnels reposant sur des technologies d'intelligence artificielle ?

« L'ambition d'une compagnie aérienne telle qu'Air France KLM est de s'engager dans une communication personnalisée de masse avec ses clients. Nous pouvons automatiser l'envoi d'une confirmation de réservation, d'une carte d'embarquement ou les alertes en cas d'incident avec ces "bots". Mais dès lors qu'un client se plaint, il ne faut pas se tromper dans la réponse et la technologie devra faire ses preuves avant d'être utilisée dans ce domaine », ajoute Vincent Fillon.

« Pour le moment, notre service est opéré par de véritables téléconseillers et je ne pense pas que les chatbots remplaceront un jour les humains. Par contre, nous réfléchissons à des services complémentaires, dans le cadre desquels le chatbot pourrait avoir une véritable valeur ajoutée. L'important est qu'à tout moment l'humain puisse reprendre la main dans le dialogue avec le client », précise Thomas Rudelle.

« Nul de doute que Messenger, avec sa base d'utilisateurs actifs, va trouver sa place dans la stratégie CRM des marques, en lui ajoutant une touche conversationnelle, qu'elle soit basée sur des bots, des hommes ou les deux. L'enjeu pour Facebook va être de créer le réflexe Messenger pour d'autres usages, notamment sur les phases de recherche & d'achat, afin d'en faire des tunnels de commande interactifs. Il y a là un vrai challenge et une UX conversationnelle encore à inventer pour trouver le bon ton et optimiser le dialogue. Et pour Facebook, un challenge d'accès le plus fluide possible aux bots au moment où le client en a besoin », juge Renaud Ménérat, Président de la Mobile Marketing Association France.

L'API Store plus fort que l'App Store ?

En branchant les marques sur ses propres applications, Facebook serait-il en train de remettre en cause le principe même des applications mobiles et des app stores ?

« Notre philosophie est d'utiliser les outils plébiscités par nos clients. Si nos clients préfèrent utiliser Messenger ou WhatsApp pour nous contacter, c'est à nous de nous adapter. Mais nous continuerons de développer notre propre application, qui offre bien évidemment une plus grande variété de services », ajoute Vincent Fillon.

« Pour le moment, notre application est très demandée par nos clients et son avenir n'est absolument pas menacé. Les canaux digitaux ont plutôt tendance à se compléter et AXA continue par ailleurs d'opérer sur des canaux plus traditionnels tels que le téléphone. Notre Lab en Asie nous permet toutefois d'avoir un œil sur les nouveaux usages et si de nouveaux canaux émergent, AXA sera clairement parmi les premiers groupes à les adopter », complète  Thomas Rudelle ;

« Comme pour tout canal de marketing direct, il conviendra d'être vigilant afin de ne pas polluer l'interface de messagerie des utilisateurs avec des messages promotionnels pas toujours ciblés. Ce qui restera un challenge pour les marques face à un canal aujourd'hui gratuit… », ajoute Renaud Menerat.

Alors que la majorité des entreprises commencent à comprendre l'importance du Mobile First dans le cadre de leur transformation digitale et que certains pure players parlent déjà de "App First" dans leur relation avec leurs clients, la bonne stratégie ne serait-elle pas au contraire de s'appuyer sur des applications à succès telles que Messenger et sur le déploiement d'une stratégie API First ? Un questionnement qui devrait en tout cas occuper les professionnels du marketing qui ont bien compris que l'avenir de leur secteur passait désormais par les écrans des téléphones mobiles.