IoT : comment Schneider Electric a développé une plateforme logicielle sûre

IoT : comment Schneider Electric a développé une plateforme logicielle sûre Le groupe français a pris part ces trois dernières années au projet S3P, mené par un consortium d'industriels, pour relier ses appareils au cloud.

Aujourd'hui les interrupteurs et les vannes, demain les départs moteurs. Le groupe industriel français Schneider Electric, spécialisé dans la gestion de l'énergie, entend rendre l'ensemble de ses produits de distribution électrique connectés. "Ces derniers peuvent nous informer des coupures de courant, de l'évolution de la température ou d'une zone polluée. Cela nous permettrait d'avoir une vision claire de ce qui se passe sur le terrain", explique Maurice Pitel, chef de projet Innovation chez Schneider Electric, en rappelant que l'Internet des objets représente 45% du chiffre d'affaires de l'entreprise, établi à 24,7 milliards de dollars en 2017.

Pour intégrer une architecture de communication IoT à ses équipements électriques industriels, tout en veillant à ce qu'il n'y ait aucun risque d'intrusion et de prise de contrôle, Schneider Electric a commencé à réfléchir dès 2008 à l'élaboration d'une plateforme logicielle. Son objectif : garantir à la fois le fonctionnement des commandes et la sécurité des fonctions de communication. Le projet s'est concrétisé avec le programme S3P (pour Smart, Safe and Secure Software Development and Execution Platform), lancé en octobre 2015 par un consortium d'industriels français avec un financement de 45 millions d'euros, dont 18,3 millions de fonds publics.

Les équipes de Schneider Electric ont échangé sur la manière de procéder avec d'autres industriels comme Safran, qui avait la même problématique. "Nous nous sommes aperçus que le matériel utilisé dans l'aéronautique est identique à celui de la distribution électrique", s'étonne le chef de projet Innovation. Le programme leur a permis d'être en contact avec des fournisseurs de technologie pour mettre en pratique leurs concepts.

Un OS spécifique

L'architecture logicielle s'est révélée être la principale difficulté pour Schneider Electric. "Associer les fonctions critiques, pour la gestion électrique, et les fonctions annexes, pour transmettre de l'information, est très compliqué car leur développement n'a pas les mêmes niveaux d'exigence, la sécurité est moindre sur l'architecture IoT, explique Maurice Pitel. Il ne faut pas que les deux fonctions influent l'une sur l'autre. Nous avons donc cherché une technologie pour blinder l'exécution des deux fonctions." Trois années-hommes ont d'abord été investies sur ce projet. Face à la complexité des travaux, Schneider Electric a créé courant 2016 une unité commerciale de dix années-hommes dédiée à ce projet.

Les équipes du groupe ont collaboré avec Krono-Safe, un fournisseur français de systèmes d'exploitation (OS) temps réel pour les systèmes embarqués critiques, crée en 2011 par essaimage du CEA. Les deux entreprises ont mis au point un OS réalisant un "cloisonnement spatio-temporel" des fonctions critiques afin d'éviter toute défaillance. Le groupe a également collaboré avec le spécialiste français de la sécurité des objets connectés Prove&Run pour renforcer la cybersécurité de l'IoT.

"Les économies réalisées s'élèvent à hauteur de 30% du coût du parc"

Le logiciel réalisé, les équipes de Maurice Pitel l'ont mis en application en 2017. Ils ont choisi de le tester sur un départ-moteur, un produit phare de Schneider Electric permettant d'actionner des moteurs, comme des tables roulantes dans les chaînes de fabrication. "Nous avons effectué des essais dans une entreprise de verre qui détient 5 000 départs-moteurs : ces derniers sont remplacés à un niveau d'usure de seulement 50% pour éviter toute panne. Notre logiciel permet d'assurer un fonctionnement jusqu'à 80% d'usure et ce prolongement d'utilisation a engendré des économies à hauteur de 30% du coût du parc", certifie Maurice Pitel, pour qui tout l'enjeu de l'IoT est de prédire les pannes pour réduire le temps d'indisponibilité des équipements.

Cette étape réussie, le groupe industriel s'est ensuite attelé à développer dans l'année 2018 des applications cloud autour du logiciel, permettant au projet de s'inscrire dans la stratégie du groupe en faveur de l'optimisation énergétique. De nouveaux services sont envisagés, notamment en maintenance. "Ce projet a ouvert un changement de paradigme dans la construction : le logiciel devient maître, il n'est plus dissocié du matériel dont il pilote les fonctions", observe Maurice Pitel. Le programme S3P s'est achevé en décembre 2018 mais les différents partenaires poursuivent leurs travaux sur ce sujet.

A l'avenir, Schneider Electric ambitionne d'appliquer de l'edge computing à l'ensemble de ses produits. Une intelligence artificielle embarquée analysera le fonctionnement de ces derniers directement dans la machine, sans envoyer de données dans le cloud. Le groupe a annoncé en ce sens participer à la création d'un prochain consortium européen dédié à ces questions, le Edge Computing Consortium Europe (ECCE).