Thierry Collette (Thalès) "Nous serons plus actifs en 2020 dans la fondation Open Hardware"

Pour les prochaines générations de systèmes embarqués et de passerelles en edge computing, Thalès fait le pari de l'open hardware, c'est-à-dire un matériel conçu de manière ouverte.

Thierry Collette, directeur du groupe de recherche sur les systèmes embarqués chez Thalès. © Thalès

JDN. Vous avez mis en avant l'open hardware au salon Paris Open Source Summit. Quels en sont les avantages pour l'IoT ?

Thierry Collette. Comme pour le logiciel open source, l'open hardware se distingue par son coût plus accessible et sa capacité à créer une solution sur-mesure et compatible, une attente des clients pour leurs projets IoT. Mais surtout, c'est la sécurité de l'open hardware qui en fait son principal atout. L'enjeu de l'IoT est d'assurer la combinaison entre une cybersécurité optimale, qui évolue en permanence, et une sûreté de fonctionnement dont les certifications sont fixées pour de longues durées. Par la maîtrise du produit, l'open hardware permet d'y répondre puisque l'on peut accéder à l'algorithme et assurer que tout s'exécute correctement. Si l'on veut ajouter un élément observateur pour s'assurer du fonctionnement de l'objet, il est possible de le faire, ce qui n'est pas permis avec un processeur Arm par exemple.

Comment s'inscrit l'open hardware dans votre stratégie ?

La mission de Thalès est de délivrer des systèmes sûrs et sécurisés en terme d'implémentation. Un grand nombre de nos systèmes sont intégrés dans des circuits FPGA, les innovations sur ces composants nous intéressent beaucoup. Thalès entend devenir un acteur majeur dans la conception des processeurs et les rendre compatibles avec les exigences des futures systèmes critiques. L'open hardware, qui apporte de l'agilité, conforte ainsi notre stratégie. Nous voulons être moteur sur les sujets de la sécurité, et apporter une visibilité sur le code source représente un atout considérable sur le marché de la défense que nous adressons.

Comment travaillez-vous sur ce sujet ?

Nous avons constitué une équipe conséquente au sein du groupe de recherche sur les systèmes embarqués que je dirige et nous échangeons avec d'autres entreprises qui travaillent sur ce sujet, comme le grenoblois GreenWaves Technologies. Dans l'IoT, les principaux axes de préoccupation concernent la consommation d'énergie et la puissance de calcul. Nous travaillons sur ce chantier en mettant en parallèle des processeurs RISC-V. Deuxième point d'attention : la sécurité, sur laquelle nous travaillons à étendre les capacités d'un processeur RISC-V à travers le projet européen De-RISC afin d'accroître les caractéristiques en faveur d'un niveau de fonctionnement élevé. Nous voulons encourager l'écosystème à investir ce sujet et l'on prévoit en 2020 d'être encore plus actif dans les fondations RISC-V et Open Hardware. Le marché commence à s'y intéresser, on voit de premiers processeurs open hardware sur le marché. Mais l'open hardware est pour nous un sujet de long-terme. Nous observons aussi ce qui se fait en matière d'open firmware (les solutions ouvertes pour assurer la mise à jour des objets connectés, ndlr). L'objectif actuel est de préparer le terrain pour 2025.

Thierry Collette est directeur du groupe de recherche sur les systèmes embarqués chez Thalès, qu'il a rejoint en janvier 2019. Il travaille sur l'IA intégrée, les architectures de calcul, les systèmes temps réel et la cybersécurité. Il a auparavant fait partie du CEA, où il a notamment occupé le poste de vice-président de la division head of architecture design and embedded software.