Projets IoT : n'oubliez pas les juristes

Projets IoT : n'oubliez pas les juristes Pour éviter de futurs coûts de contentieux, les entreprises doivent prévoir le cadre légal en amont de leurs projets IoT. Une règle de bon sens très souvent oubliée.

La sécurité doit être pensée en amont de tout projet IoT, martèlent les spécialistes. Mais les règles juridiques doivent l'être également. Or cet aspect reste encore souvent négligé : "Les juristes s'intéressent peu à ce sujet technique et les porteurs de projet n'ont pas le réflexe de les solliciter", explique Anne Cousin, en charge du droit des nouvelles technologies pour le cabinet Herald avocats. Pourtant, avec les déploiements d'objets connectés à grande échelle, l'absence de cadre juridique s'avère problématique en cas de dysfonctionnement.

"Si le projet échoue, il va falloir déterminer à qui en revient la faute"

La chaîne de valeur de l'IoT, faisant intervenir un large écosystème d'acteurs, du fabricant à l'éditeur, en passant par l'opérateur réseau, pose la question du droit et de la responsabilité de chacun. D'autant que certaines entreprises n'ont pas toujours conscience de recourir à des objets connectés. "Dans un projet immobilier, il arrive que l'utilisation du BIM entre les différents intervenants à l'acte de construire n'ait pas été adossé à un cadre juridique clair sur les responsabilités de chacun quant aux données collectées, s'agissant d'un sujet technique uniquement. Mais si l'exécution s'avère défaillante, il va pourtant falloir déterminer à qui en revient la faute", indique Kaliane Thibaut, avocate spécialisée dans le montage de projets immobiliers et smart city chez KT Avocat.

Le principal conseil donné par les avocats aux juristes d'entreprise est d'étudier le fonctionnement des objets connectés. "Connaître son but en discutant avec les ingénieurs et le rôle des acteurs qui interviennent est le meilleur moyen d'en évaluer les risques et appliquer les bonnes règles de droit", certifie Jean-Guy de Ruffray, spécialisé en droit IP-IT et cybersécurité pour le cabinet Altana. Pour l'instant, le secteur est encore en construction, peu de contentieux ont eu lieu mais "les juristes n'ont pas d'autre choix que s'y mettre", estime Kaliane Thibaut. "Ce sujet est important, ce sera l'économie de demain et l'IoT touche tous les secteurs d'activité", insiste-telle. "Il n'est néanmoins pas nécessaire de se spécialiser dans l'IoT car il s'agit d'une technologie qui évolue et le RGPD et les textes sur les contractants suffisent à l'encadrer", rassure Anne Cousin.

Coût modéré

Les porteurs de projet doivent quant à eux prendre l'habitude d'échanger avec des juristes. "Dialoguer avec des personnes dont la technique n'est pas le métier apporte une vision complémentaire mais, surtout, prévoir en amont l'aspect juridique permet de structurer le projet en terme de droits et obligations", assure Kaliane Thibaut. Les entreprises doivent penser dès le départ à la responsabilité du fournisseur et de l'installateur dans leur produit connecté, en terme de fonctionnement et garantie, et par ailleurs vérifier que la propriété intellectuelle est respectée. "L'IoT est perçu comme un vecteur de croissance, les entreprises veulent aller vite dans leurs déploiements mais il est essentiel d'en valider auparavant les détails juridiques. Inclure cet aspect en amont ne rallonge pas les procédures", garantit Jean-Guy de Ruffray, avocat chez Altana.

"Avec le RGPD, prévoir la sécurité du capteur est devenu une obligation légale"

Pour Kaliane Thibaut, si les entreprises restent réticentes sur le recours au juristes, avocats ou juristes d'entreprise, c'est à cause d'un a priori sur un éventuel surcoût et la complexification du sujet. "Faire appel à un juriste ne revient pas plus cher que recourir à un bureau d'études et, comme pour la sécurité, il vaut mieux intégrer ce coût dès le départ plutôt que d'avoir un litige. En cas de contentieux, les procédures juridiques peuvent revenir à plusieurs centaines de milliers d'euros", souligne-t-elle. A titre d'exemple, Alexandre Diehl, avocat chez Lawint, facture ses services pour un projet IoT à moins de 10 000 euros sur l'année.

"Les responsables en entreprise n'ont pas encore pris conscience qu'avec le RGPD, prévoir la sécurité du capteur est devenu une obligation légale", observe Alexandre Diehl, qui animera lors du salon IoT World les 18 et 19 mars l'espace legal desk. "Beaucoup profitent de l'événement pour me faire confirmer la faisabilité juridique de leur projet IoT. Cela arrive souvent que des entreprises veulent déployer des capteurs pour collecter des données illégales à remonter." Une documentation juridique claire serait également selon lui un atout de taille pour déployer une offre IoT à l'international.

Le salon IoT + MtoM Embedded et Cloud + Data Center a lieu les mercredi 18 et jeudi 19 mars 2020, à Paris Expo Porte de Versailles, pavillons 5.3. Plus de renseignements ici.