Loin de subir la crise, l'IoT séduit les investisseurs

Loin de subir la crise, l'IoT séduit les investisseurs Les start-up en phase d'amorçage qui s'appuient sur les objets connectés pour valoriser les données suscitent particulièrement l'intérêt des fonds d'investissement.

La crise sanitaire et le reconfinement n'ont pas mis un coup d'arrêt au financement des start-up françaises de l'IoT. Dernier exemple en date : le fonds Karot Capital a annoncé le 9 novembre 2020 avoir participé à la levée de fonds de 2,2 millions d'euros de la start-up parisienne Champerché, pour développer ses fermes verticales à l'aide de capteurs connectés. "Elle est notre start-up de la crise : nous l'avons découverte en mars lors du premier confinement et nous lui avons accordé les fonds le premier jour du reconfinement", sourit Charles-Antoine Morand, fondateur et associé de Karot Capital. Avant elle, en septembre, Domalys a levé 4,5 millions d'euros pour sa lampe connectée prévenant les chutes des seniors et Withings a réalisé en juillet un tour de table de 53 millions d'euros pour l'essor de ses objets connectés destinés au suivi médical.

"La fin d'année est plus dynamique que le premier semestre 2020", affirme Guillaume Siffelet, directeur des investissements WeLikeStartup, qui reçoit 2 000 dossiers par an. Un constat partagé par le cabinet de conseil Bearing Point : "L'intérêt des investisseurs n'a pas été freiné par la crise car ils se sont rendus compte que l'IoT a une place à jouer pour répondre aux changements en cours, dans la supervision à distance, la santé ou le développement durable notamment", observe Marc Bouchard Genet, consultant.

Le business angel Frédéric Truchot a apporté son soutien à la start-up française Magma Technology, qui assure la traçabilité en logistique, pour sa levée de fonds de 800 000 euros en août 2020. "La pandémie a mis en avant de vrais manques dans la logistique", justifie-t-il. "Avant la crise, la supply chain était une fonction support. A présent elle est devenue un maillon essentiel et elle doit être agile", explique Mourad El Bidaoui, CEO et cofondateur de Magma Technology, qui a continué à travailler avec le groupe L'Oréal sur le suivi des livraisons vers les magasins et entend désormais accélérer le développement technologique avec les fonds récoltés.

"Ce ne sont pas les start-up IoT en tant que telles qui nous intéressent mais celles qui permettent de collecter et de tirer de la valeur des données."

Autre aspect qui persuade les investisseurs de la pertinence de l'IoT : la valorisation de la donnée. "Ce ne sont pas les start-up IoT en tant que telles qui nous intéressent mais celles qui permettent de collecter et de tirer de la valeur des données. Et l'IoT devient une composante de nombreux projets", explique Jean-Marc Bally, managing partner chez Aster, qui suit notamment en ce moment les projets intégrant de l'intelligence artificielle dans les capteurs. En France, les fonds d'investissement ne se focalisent pas sur l'IoT comme pourrait le faire McRock Capital au Canada, mais sur l'innovation de manière générale. "Il ne faut pas se sectoriser pour ne pas passer à côté d'une innovation", estime Charles-Antoine Morand, chez Karot Capital.

Pour trouver les jeunes pousses dans lesquelles investir, les fonds d'investissement sont à l'écoute des nouveaux usages. Les membres du fonds Innovacom par exemple échangent régulièrement avec des laboratoires pour détecter les start-up ayant achevés leur prototype et sur le point de réaliser un tour de table en amorçage. Le fonds technocom3 a été créé par Innovacom pour se focaliser sur les start-up de la deep-tech à cette étape de vie. "76% des levées de fonds en France sont réalisées à l'amorçage", souligne Marc Bouchard Genet, de Bearing Point, en rappelant qu'en 2019, les start-up françaises de l'IoT ont levé 200 millions d'euros, avec un deal moyen de 4,8 millions d'euros.

Prouver le ROI apporté

Si chaque fonds suit ses propres procédures, le processus prend généralement deux à six mois. "Quand nous avons effectué nos recherches sur une start-up, nous réalisons un premier entretien, avant d'étudier son modèle d'affaires, l'état du marché et de visiter ses sites, détaille Jérome Joaug, partner chez Aster. Elle passe ensuite un pitch devant notre comité d'investisseurs et, après deux à trois semaines d'études, nous réalisons le contrat juridique." La smart city est le sujet sur lequel le fonds Innovacom porte actuellement son attention. "L'optimisation des réseaux d'eau est un thème prometteur mais les modèles d'affaires n'ont pas encore été trouvés", abonde Frédéric Truchot. Le business angel poursuit son accompagnement de l'entreprise Vertical M2M, qui entend œuvrer pour la simplification de l'intégration dans l'énergie notamment.

"Une équipe de qualité saura faire face, peu importe l'adversité qui peut survenir, et pourra réadapter son produit si besoin."

Pour les start-up désireuses de collecter des fonds ces prochains mois, Guillaume Siffelet, de WeLikeStartup, recommande de justifier le retour sur investissement qu'elles permettent aux entreprises. "Nous sommes devenus plus exigeants sur la création de valeur", reconnaît-il, en ajoutant que le challenge est de faire le tri dans les nombreux dossiers présentés et de faire les bons choix. "Il y a trop d'entreprises dans l'IoT, et beaucoup font faillite. Pour lever des fonds, il faut s'orienter sur l'industrie ou le smart building et montrer qu'investir dans nos solutions est stratégique", a compris Nicolas Babel, CEO d'Ewattch, start-up vosgienne qui entend aider les industriels à passer à l'industrie 4.0 avec sa solution IoT. Cette dernière prépare une levée de fonds de trois millions d'euros pour début 2021.

Le critère le plus important selon Innovacom reste la composition de l'équipe : "Une équipe de qualité saura faire face, peu importe l'adversité qui peut survenir, et pourra réadapter son produit si besoin", souligne Jérôme Faul, managing partner. L'adaptabilité de la technologie est un troisième point clé. "Il faut que la solution puisse toucher de larges marchés", pointe Philippe Gire, partner et cofondateur d'Elaia, pour qui Sigfox a un rôle à jouer pour connecter à grande échelle les actifs industriels.

Enfin, les investisseurs sont plus prompts à financer des projets industriels que destinés au grand public. "Il y a encore beaucoup de POC mais il ne fait aucun doute que les projets IoT pour le BtoB vont décoller", anticipe Philippe Gire, d'Elaia. C'est ainsi que pour Karot Capital, les entreprises IoT qui axent leur savoir-faire sur le développement de nouveaux usages par la valorisation de la donnée ont tout pour devenir des licornes.