IoT satellitaire, est-ce le moment de se lancer ?

IoT satellitaire, est-ce le moment de se lancer ? Les offres commerciales utilisant les nouvelles constellations de nano-satellites à basse orbite commencent à se structurer. Une aubaine pour le maritime, l'agriculture, la logistique et l'industrie.

L'IoT satellitaire est en effervescence. Sur le seul mois de février dernier, on recense quatre annonces d'importance pour le secteur : le fournisseur de semi-conducteurs Semtech et le fournisseur de communications par satellite Swarm Technologies ont annoncé une communication satellite avec le réseau LoRa, la start-up américaine Omnispace a levé 60 millions de dollars pour mettre au point une connectivité 5G par satellite IoT, l'opérateur français Kinéis s'est allié à l'hébergeur Cegedim cloud pour héberger son infrastructure et l'opérateur Sateliot s'est allié à Thalès pour concevoir une constellation de 16 nano-satellites IoT pour 2022 et 96 d'ici 2025. Alors pour les entreprises de l'IoT françaises, est-ce le moment de s'y intéresser et de prévoir ce moyen de communication dans leurs offres ?

L'hésitation peut se comprendre, les conditions ne sont pas encore optimales pour tester pleinement la qualité de services de l'IoT satellitaire. En France, Kinéis dispose déjà de huit satellites pour permettre à ses clients à tester des offres mais prévient qu'une constellation d'au moins 25 nano-satellites est indispensable. En attendant, pas de temps réel : un temps de latence existe entre le passage de deux satellites, résultat, les remontées ne se font pour certains clients que six heures par jour. L'opérateur lancera début 2023 sa constellation de 25 nano-satellites pour compléter et améliorer le service actuel.

"La demande actuelle provient principalement des acteurs des utilities"

C'est ce qui fait penser à Kim Bybjerg, vice-président et responsable Europe continentale chez Tata Communications, que la meilleure option est d'attendre jusqu'en 2023 : "Nous regardons ce qui se passe dans ce secteur mais la connexion n'est pas stable, on n'y est pas encore." Même son de cloche chez Osmozis, spécialiste français des multiservices connectés pour les professionnels du tourisme. L'entreprise, intervenant principalement dans des zones littorales où la connexion n'est pas optimale et se retrouve vite saturée, a déjà expérimenté une solution d'IoT satellitaire pour ses besoins. "Nous nous sommes rendus compte que nous étions trop limités en volume de données", témoigne Yves Boulot, directeur général délégué de l'entreprise, qui s'est alors orienté vers la fibre optique.

L'IoT satellitaire n'est par ailleurs pas viable pour tous les usages. Les solutions apporteront des bénéfices principalement dans les secteurs maritimes, agricoles et industriels avec les éoliennes offshore, les mines, l'énergie ou encore la supply chain. "La demande actuelle provient principalement des acteurs des utilities", constate Rob Spurrett, CEO de l'opérateur Lacuna Space. Dans le BtoC, Kinéis propose un beacon avec des fonctions de secours à n'utiliser qu'en cas de problème, lors de randonnées en montagne ou en désert.

Un coût devenu abordable

Pour les entreprises spécialisées dans les quatre secteurs cités plus haut, il s'agit au contraire du moment idéal pour se positionner sur le sujet. Le fabricant IoT Exotic Systems a très vite initié un POC avec Kinéis. "Il s'agit certes d'un mode dégradé mais il ne faut pas attendre davantage car les possibilités actuelles permettent d'avoir un aperçu de ce que l'on pourra faire et cela permet d'entrer en contact sur ces sujets avec nos clients utilisateurs finaux", justifie Laurent Gineste, CTO et cofondateur d'Exotic Systems, dont des clients comme le groupe coopératif agricole français Limagrain avaient besoin d'une couverture globale que n'assuraient pas les réseaux terrestres sur des terrains vastes. Un avis partagé par Synox, éditeur IoT français qui projette d'intégrer les réseaux satellitaires dans sa plateforme et travaille dès maintenant sur la manière d'effectuer les interconnexions automatiquement, et comment appairer, provisionner, superviser et maintenir des objets connectés au réseau satellitaire.

 "Le temps d'expérimenter – ce qui prend souvent 18 mois – les solutions seront arrivées à maturité."

Semtech conseille également à ses clients de s'y intéresser dès maintenant. "Le temps d'expérimenter et d'industrialiser un projet – ce qui prend souvent 18 mois – les solutions seront arrivées à maturité. Et travailler conjointement avec l'opérateur permet que la solution réponde au mieux aux besoin", souligne Rémi Lorrain, directeur du réseau LoRaWAN chez Semtech. 

Pour les entreprises qui souhaitent tester l'IoT satellitaire, il suffit d'ajouter dans leurs objets une antenne compatible en utilisant le réseau LoRaWAN satellite LR-FHSS et en adaptant le firmware. Avec les autres solutions, il faut un module spécifique. Kinéis, qui comptabilise déjà près de 20 000 devices sur son réseau, commercialise des antennes de 5 à 8 centimètres, ainsi que des chipsets, des modules et des terminaux. Sans oublier qu'à côté de ces nouvelles solutions où le device est connecté au satellite en orbite basse (à moins de 1 000 kilomètres), il existe également des offres satellitaires dans lesquelles une gateway sert de relais vers les satellites à moyen orbite ou en géostationnaire. Au total, plus d'une dizaine d'acteurs se partagent le marché, comme Inmarsat, Eutelsat, Iridium ou encore Fleetspace.

C'est cette solution par gateway qu'a choisie le groupe industriel français Schneider Electric, spécialisé dans la gestion de l'énergie, pour que l'IoT satellitaire soit déjà une réalité. Un partenariat avec l'opérateur franco-norvégien Marlink a été annoncé en juin 2020. "Nous avions besoin de remonter des informations critiques d'équipements situés dans des endroits sans aucun moyen de communication, comme dans des mines ou lors de transport par bateau, explique Maxence Prouvost, chef de produit EcoStruxure Automation Expert chez Schneider Electric. Avec Marlink, nous récupérons les data sur leurs serveurs, qui utilisent comme nous un protocole IP. L'interopérabilité des systèmes a été très rapide."                                  

A noter que le coût de l'IoT satellitaire est devenu suffisamment abordable pour rendre les expérimentations viables. "Pendant longtemps les réseaux satellitaires sont restés trop chers pour être compatibles avec nos usages dans l'IoT. Désormais, le coût d'acquisition revient à un prix identique au cellulaire", raconte Laurent Gineste, chez Exotic Systems. Une solution est généralement proposée pour un euro par mois et par objet. Le défi actuel dans l'IoT satellitaire porte davantage sur la sécurité. "Les communications sont nativement cryptées et il n'est pas possible de pirater physiquement le satellite mais la cybersécurité devient un point d'attention crucial pour les opérateurs comme pour les clients, notamment au moment où la data touche terre", observe Florian Lefèvre, directeur commercial chez Marlink. Pour Semtech, le challenge suivant sera de gérer la densification des solutions d'IoT satellitaire. Selon l'entreprise, le marché des satellites va représenter 10 à 15% du marché de l'IoT terrestre.