Les partenariats, la clé pour l'agrégation des données IoT en agriculture

Les partenariats, la clé pour l'agrégation des données IoT en agriculture Si dans l'industrie ou la smart city les superviseurs sont souvent mis en avant, leur développement dans l'agriculture est plus délicat.

Pour gérer leurs solutions IoT, les agriculteurs formulent souvent le souhait d'avoir une base de données unique regroupant les informations de tous leurs objets connectés. "C'est un rêve qui revient depuis longtemps dans les demandes des clients mais qui est trop compliqué à réaliser", prévient Alexandre Cuvelier, cofondateur de Karnott, une entreprise française qui conçoit un compteur connecté destiné au suivi des interventions et à la gestion des matériels agricoles et viticoles. La raison ? Il n'y a toujours pas d'interopérabilité ni de norme dans le secteur, chaque fabricant recourt donc à son propre réseau, ce qui rend plus ardue toute tentative d'agrégation.

L'interconnexion des systèmes représente en effet un frein technique majeur en agriculture. Les données proviennent de multiples sources : de satellites, de tracteurs, de capteurs dans les champs, de robots, d'objets connectés dédiés aux animaux, etc. "L'IoT concerne dans l'agriculture des usages trop vastes pour être réunis", estime Clément Le Fournis, cofondateur d'Agriconomie, fort de l'observation de ses 70 000 clients sur sa place de marché spécialisée dans les produits et services agricoles. Un avis partagé par Christophe Cornu, directeur chez le fabricant finlandais de sondes connectées Quanturi pour le marché francophone. "Les besoins demandent des caractéristiques et des couvertures réseau différentes. Par exemple, des stations météo au milieu des champs ne peuvent pas avoir les mêmes paramètres qu'un capteur sur un silo dans une grange. Résultat, aucun agrégateur ne prévoit de faire le lien."

Connecter les API entre elles constitue un coût trop important dans ce secteur, que Karnott chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros. "Il ne suffit pas de brancher deux systèmes entre eux. Il faut que la donnée ait le même format et que les systèmes aient le même langage", souligne Alexandre Cuvelier. "La diversification des plateformes, donc l'ajout de données différentes, est compliquée", confirme Romain Lebas, responsable des opérations chez Keyrus, cabinet de conseil en data intelligence, qui prévient que l'outil d'intégration a un coût compris entre 10 000 et 12 000 euros par an. Sans oublier qu'il est nécessaire de "choisir des acteurs pérennes dont l'architecture permet une montée en charge".

Un standard commun d'ici fin 2023

Une telle interconnexion constitue par ailleurs pour Agriconomie un chantier trop titanesque. "Il a fallu attendre dix ans avant que la norme Isobus mise au point pour les tracteurs connectés et le matériel agricole soit opérationnelle", raconte Clément Le Fournis. Agdatahub, opérateur français de consentement d'échange de données, a repris le projet Numagri lancé en 2015 avec pour objectif d'élaborer un standard commun dans l'agriculture. Agdatahub se fixe la date de fin 2023 pour y parvenir, fait savoir Sébastien Picardat, son directeur général.

La meilleure solution pour agréger des données IoT, d'après Clément Le Fournis, est de regrouper les usages par typologie, les données collectives (météo, engrais selon le type de sol, etc.) apportant selon lui le plus de valeur. "Lier par exemple des données satellites avec celles de son tracteur permet de réagir plus vite en cas d'attaque de ravageurs." Du côté des fournisseurs, le choix doit d'après lui se porter sur quelques partenariats stratégiques avec des acteurs complémentaires. "C'est en s'interconnectant avec quelques acteurs complémentaires que l'on peut apporter une réponse plus pointue et décrocher des marchés", approuve Alexandre Cuvelier, chez Karnott. L'entreprise s'est ainsi associée avec une dizaine de partenaires.

De son côté, Quanturi s'est associé à la société danoise Supertech Agroline, spécialisée dans les sondes d'humidité dédiées au gros silos. Leurs deux sondes complémentaires peuvent être lues dans une même interface. De même, Agdatahub, Orange Business Services et Suez ont annoncé en avril 2021 leur association en faveur de l'émergence de solutions agro-environnementales. "Nous nous retrouvions depuis deux ans sur des clients communs, il était donc opportun de bâtir la connexion de nos IoT pour favoriser des services agricoles que les agriculteurs pourront monétiser", justifie Mathias Herman, business development manager chez OBS.

Dans le cas de la coopérative CCPA, Keyrus s'est chargé de construire une base de données à partir de la quinzaine de capteurs installée dans 300 fermes membres de la coopérative. Le POC s'est effectué de septembre 2019 à février 2020, avant une industrialisation menée depuis lors. Le conseil de Romain Lebas suite à cette expérience : ne pas chercher à tout unifier mais "trouver la capacité d'offrir des services pertinents sur la base de données IoT issues d'un même segment", conclut-il.