Comment l'IoT s'est retrouvé propulsé au CERN

Comment l'IoT s'est retrouvé propulsé au CERN L'Organisation européenne pour la recherche nucléaire déploie une multitude de projets IoT. Avec une difficulté : un espace immense et... transfrontalier.

Le nucléaire n'est pas le seul axe de recherche au CERN, l'IoT est également à l'étude. En 2022, diverses initiatives seront menées pour faire émerger les usages les plus pertinents : près de 450 ponts roulants vont être connectés, tout comme des containers, des chariots élévateurs et certains espaces pour en connaître la température ou le taux d'humidité. La télémaintenance fait également son entrée sur le site. De nouveaux projets verront le jour dans les prochains mois.

L'IoT n'est néanmoins pas un sujet nouveau pour le centre européen de la physique des particules. Depuis de nombreuses années, des objets de tout genre (voltmètres, oscilloscopes…) étaient connectés en utilisant le réseau Ethernet, Wi-Fi ou cellulaire. "Avec la démocratisation de l'IoT et l'arrivée de capteurs bon marché, on a saisi l'occasion pour offrir un nouveau réseau sans fil visant des objets sur batteries avec une besoin de bande passante limitée. C'est ce qui nous a conduit à nous intéresser aux LPWAN", raconte Rodrigo Sierra, responsable IoT du CERN. Une solution IoT cellulaire pour couvrir tout le campus s'avérait trop couteuse et complexe, Rodrigo Sierra s'est alors tourné vers LoRaWAN et un test a été menée courant 2018 avec une solution open source. Les expérimentations se sont poursuivies avec l'opérateur Swisscom. Le CERN s'est doté d'un réseau privé couvrant la surface de l'organisation et son accélérateur principal, le LHC.

"L'atout de LoRa a été de pouvoir élaborer une solution résistante dans notre environnement"

"L'autre atout de LoRa par rapport au cellulaire a été de pouvoir développer une solution durcie (des composants adaptés à la radioactivité, ndlr), donc résistante dans notre environnement", précise le responsable IoT, qui a collaboré au développement de cette solution en interne. Une nécessité pour le premier usage identifié : la mesure du taux de radioactivité dans les containers situés autour du campus pour éviter que du matériel contaminé y soit disposé par erreur. Un moyen d'éviter les relevés manuels tout en renforçant la sécurité des équipes par une vérification quasi en temps réel.

13 000 objets gérés sur le site

L'obstacle majeur au déploiement IoT au CERN, est d'ordre géographique : "Le site, situé entre la France et la Suisse, représente une surface de 625 hectares avec 653 bâtiments et plus de 60 km de tunnels. Il est coupé en deux par la frontière. Pour déployer un réseau, il faut échanger avec les opérateurs en France et en Suisse, ce qui complique les choses. Il nous est impossible d'avoir une solution unique", explique Rodrigo Sierra. Deuxième défi : les usages. "Il faut trouver les bons cas qui apporteront de la valeur. Cela nécessite des ressources pour déployer et maintenir des capteurs, aussi bien que pour mettre en place les outils de valorisation des données", confie-t-il, alors que son équipe n'est composée que de deux personnes pour gérer les questions de réseau IoT.

Près de 12 000 proximètres sont utilisés au CERN. © Brice Maximilien / CERN

Dans ce contexte, c'est la crise sanitaire qui a joué le rôle d'accélérateur. La raison : chaque intervenant sur le site a été doté d'un proximètre pour assurer la distanciation physique et disposer de la traçabilité des contacts. "Cela a été un passage à l'échelle immédiat. De quelques objets, nous sommes passés à 11 500 devices en LoRaWAN. Nous avons dû adapter l'architecture réseau pour gérer l'envoi de 50 000 messages entrants par jour et 35 000 en downlinks", se rappelle Rodrigo Sierra, qui a dû installer 52 passerelles pour absorber le trafic : 26 à l'extérieur, 18 pour l'accélérateur et 8 en intérieur pour des usages spécifiques.

Au total, 13 000 objets connectés équipent le CERN et l'IoT n'a pas fini de se propager sur le site. Pour preuve, le réseau LoRa couvrira l'ensemble des accélérateurs courant 2023 et un réseau LTE-M vient d'être mis en service dans les zones souterraines pour traiter d'autres cas d'utilisation. Son objectif sera d'offrir plus de bande-passante pour des applications qui en ont besoin. "Le contrôle en temps réel est notre prochain axe de réflexion", indique Rodrigo Sierra, qui a prévu d'organiser des réunions avec les chercheurs pour définir leurs besoins. La 5G est également au programme pour gérer les connexions globales sur le site et la robotique tandis que les réseaux LPWAN resteront focalisés sur des cas spécifiques.