Lever des fonds, un challenge pour les start-up de l'IoT

Lever des fonds, un challenge pour les start-up de l'IoT Pour aider les start-up à faire face aux difficultés, le fabricant français d'objets connectés Altyor lance Make it! academy, un programme d'accompagnement dans le processus de levée de fonds.

Lever des fonds quand on est une start-up de l'IoT n'est pas une mince affaire. Si le processus est censé durer entre six et neuf mois, une série d'obstacles jalonne le parcours, à commencer par le choix des investisseurs, aucun fonds n'étant spécialisé dans l'IoT en France. Les critères des investisseurs sont par ailleurs devenus plus pointus. "On assiste à un retour à la normale. Après des années folles où les valorisations explosaient et des projets d'innovation pouvaient être financés sans analyse de leur viabilité, les investisseurs sont de plus en plus exigeants et il y a un rétrécissement du marché de la levée de fonds", indique Julien Cuvillers, CEO et fondateur du groupe Stratos, qui accompagne les entrepreneurs. Nicolas Moulin, fondateur de la start-up La Vie du Vin qui assure par IoT la traçabilité des bouteilles de vin, s'est rendu compte, après deux années à chercher des fonds, que les business angels ne s'orientent plus vers l'IoT en amorçage, par manque de retour sur investissement.

Autre difficulté, le secteur du hardware est connu pour être compliqué à financer. La raison : la trop forte dépendance des start-up aux aléas du marché composants. "Notre chance dans l'IoT est que le capteur n'est qu'une partie de la solution, il faut axer le discours sur l'analyse de la donnée issue de l'IoT qui fait la valeur ajoutée du produit", conseille Olivier Lépine, fondateur de la start-up vauclusienne Brad, à l'origine de sondes électroniques pour permettre aux agriculteurs de maintenir leurs rendements malgré les épisodes de gel ou de sécheresse, et qui prépare une levée de fonds depuis début décembre.

"On nous demande de nous projeter sur cinq ans, ce qui nous pousse à reconsidérer le business plan"

La préparation du discours à faire devant les investisseurs est clé mais demeure compliqué pour les start-up. Jean-Christophe Habot, fondateur de la start-up de détection de fissures Feelbat, peut en témoigner. Cela fait six mois qu'il peaufine son discours pour lever des fonds afin de mener une structuration informatique de son offre et de commercialiser deux nouveaux capteurs. "Quand on est focalisé sur la technique, c'est compliqué et énergivore de préparer un pitch avec des données chiffrées. Le modèle d'affaires s'affine, cela fait quatre ou cinq fois que je recommence le pitch", confie-t-il. De son côté, Brad a aussi dû revoir son modèle après sa participation au CES, qui l'a ouvert sur l'international. "On nous demande de nous projeter sur cinq ans, ce qui nous pousse à reconsidérer le business plan. On retravaille le discours tous les jours", confirme Olivier Lépine.

Chez le fabricant français d'objets connectés Altyor, qui produit les objets imaginés par ses clients, on observe depuis plusieurs années l'échec de 80% des start-up rencontrées en raison de projets mal dimensionnés. "Ces start-up ont une mauvaise vision des enjeux en termes de conception d'un produit à qualifier et à certifier, des coûts que cela représente, du temps nécessaire, etc. Elles finissent par jeter l'éponge", regrette Yanis Cottard, son CEO. "Il y a également un problème de maturité. Certaines start-up cherchent rapidement à lever des fonds alors qu'elle ne génèrent pas encore de chiffre d'affaires", rappelle Julien Cuvillers, du groupe Stratos, avant d'ajouter : "L'une des causes d'échec de start-up, c'est qu'elles ne trouvent pas leur marché. Elles génèrent de la dette en amorçage, mais trouver son marché prend du temps, et quand il faut rembourser rapidement, ce n'est pas simple."

Altyor et le groupe Stratos ont ainsi eu l'idée à VivaTech en 2022 de créer conjointement un programme d'accompagnement de start-up hardware dans leur processus de levée de fond : la Make it! academy. Lancé en début d'année, l'appel à candidatures est ouvert jusqu'au 28 février. Cinq start-up seront sélectionnées et annoncées le 16 mars prochain. "Il faut qu'elles aient déjà une maturité, qu'elles aient dépassé le POC, un business modèle et un projet à impact", précise Yanis Cottard. Ces start-up suivront par promotion un programme sur onze semaines composé de sessions de travail en présentiel (sur le cahier des charges, un business plan pour rendre viable le projet, etc.), avant de présenter leur pitch devant un parterre d'investisseurs le 22 juin. "Si certaines ne sont pas prêtes, nous leur dirons ouvertement car si elles se présentent quand même et que les investisseurs leur disent non, ce sera un non pour quelques années, elles ne pourront pas retenter leur chance quelques mois plus tard", met en garde Julien Cuvillers.

"Il faut savoir s'entourer dès le début car une fois que la levée est lancée, il n'y a plus de retour en arrière possible"

Le programme Make it! academy, dont le prix d'accès est de 10 000 euros pour chaque start-up à verser en deux fois (au début du programme et avant le pitch), prévoit également un accompagnement au sein de l'écosystème des deux partenaires. Ce qui va dans le sens des attentes des entrepreneurs : "Il ne suffit pas de trouver un investisseur mais un réseau. Il faut savoir s'entourer dès le début car une fois que la levée est lancée, il n'y a plus de retour en arrière possible", estime Jean-Christophe Habot, fondateur de Feelbat. Un avis partagé par Olivier Lépine, chez Brad : "En plus d'un bon financement, nous attendons de ces programmes tout ce qui permet d'accélérer la phase de prototypage, les communications réseaux et les mises en relation, notamment avec les cabinets de design, car le secteur est encore siloté." Nicolas Moulin projette de son côté de rapprocher La Vie du Vin d'autres start-up pour favoriser l'entraide, notamment pour trouver des volumes.

L'initiative d'Altyor répond ainsi à un besoin sur le marché. "Il existe très peu de programmes de ce genre, toute aide est la bienvenue", réagit Nicolas Moulin, qui attend aussi de ce type de programme d'ouvrir les portes à différentes technologies. Ce sujet d'aide à la levée de fonds apparait également indispensable aux yeux du think tank GR-IoT (auquel participe le JDN), qui a prévu la création d'un comité de travail "Initiatives & Financement des IoT" à la fin du premier semestre 2023, dont les premiers rendez-vous se feront par webinars à la rentrée en septembre.