Il veut vendre Yahoo à Microsoft, mais qui est Carl Icahn ?

Le raider Carl Icahn s'est invité au capital de Yahoo pour renverser son conseil d'administration et le vendre à Microsoft. Icahn, 72 ans et 8 milliards de dollars de fortune est loin d'en être à son coup d'essai.

 

La nouvelle menace de Yahoo vient désormais de l'intérieur. Si le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, semble avoir renoncé à mener une offensive hostile sur Yahoo, un nouvel actionnaire, Carl Icahn, va mener l'assaut à sa place. Le milliardaire américain, âgé de 72 ans dit avoir racheté 59 millions d'actions Yahoo au cours de la semaine dernière, soit près de 4 % du capital, pour lancer son offensive.

Son objectif : forcer le portail Web à se vendre au géant des logiciels en renversant au préalable son conseil d'administration. La menace est d'autant plus sérieuse qu'Icahn, présenté comme un activiste boursier, n'a pas pour réputation de lâcher sa proie avant d'arriver à ses fins.

Né à New York dans le quartier du Queens, ce diplômé en philosophie de l'université de Princeton trouve finalement sa voie chez un courtier de Wall Street. C'est au début des années 80, qu'il amasse l'essentiel de sa fortune, estimée aujourd'hui à 8,7 milliards de dollars, grâce aux junk bonds, ces obligations considérées comme hyper-spéculatives par les agences de notation.

A son tableau de chasse des sociétés dont il a réussi à prendre le contrôle figurent la compagnie pétrolière Texaco, les pneus Uniroyal, ou le géant du tabac et de l'agroalimentaire RJR Nabisco. En 1986, le financier bâti définitivement sa renommée en prenant par surprise le contrôle de la compagnie aérienne TWA, en rachetant les actions détenues par les pilotes. Au début des années 90, l'homme se fait discret, puis resurgit comme gérant de son propre fonds d'arbitrage, Icahn Partners, dont les actifs dépassent aujourd'hui les 7 milliards (dont 1,5 milliards ont été investis par Icahn lui-même).

La méthode qui a fait la fortune d'Icahn est simple : identifier une société mal gérée pour en acheter massivement les actions et contraindre ensuite ses dirigeants à en doper la rentabilité. Une fois cet objectif atteint, Icahn fait en sorte de se débarrasser du PDG en place, avant de procéder au démantèlement de l'entreprise.

"Si vous voulez un ami, prenez un chien"

Motorola est le parfait exemple de ce système bien rodé. Après avoir commencé dès 2006 à acheter plusieurs millions de titres du groupe américains (il détient désormais près de 6,5 % du capital), Icahn a réussi fin 2007 à faire démissionner l'ancien PDG du groupe Ed Zander. Mieux : le milliardaire est parvenu en mars dernier à obtenir deux sièges au conseil d'administration en plus de la scission des activités du fabricant en deux sociétés cotées.

L'ensemble des raids d'Icahn n'a cependant pas été couronné de succès. En 2005, Icahn porte sa participation dans le capital de Time Warner à hauteur de 3,3 % avant de tenter, en vain, de renverser le PDG du groupe, Richard Parsons. Le milliardaire se consolera finalement en lançant une OPA à 10 milliards de dollars sur une entreprise de tabac sud-coréenne.

Reste que le septuagénaire est admiré des actionnaires. Il estime avoir fait gagner plus de 50 milliards de dollars en l'espace de quelques années à l'ensemble des actionnaires des entreprises sur lesquelles il a misé. Carl Icahn est en revanche détesté des PDG, dont il n'hésite pas à pointer les faiblesses au travers d'attaques personnelles, les faisant même passer pour des incompétents si nécessaire. Sa devise : "si vous voulez un ami, prenez un chien".

Les chances d'Icahn de parvenir à ses fins avec Yahoo ne sont pas minces : dans une lettre envoyée le 15 mai au président du conseil d'administration de Yahoo, Roy Bostock, Icahn affirme avoir constitué une liste d'une dizaine d'actionnaires favorables au renversement du conseil. La résistance de Yahoo à Microsoft a par ailleurs déjà échaudé certains gros actionnaires du géant violet, tels Bill Miller et Gordon Crawford, qui ne font cependant pas encore partie des partisans déclarés de l'offensive d'Icahn.

S'il parvient à les convaincre, son entreprise prendrait du poids. A eux trois, Icahn, Miller et Crawford rassembleraient 15 % des droits de vote de Yahoo. Sans compter les actionnaires déjà ralliés au raider. Le milliardaire ne devrait donc pas éprouver trop de difficultés à prendre des places au conseil d'administration de l'entreprise, qui doit les pourvoir prochainement. Son offensive pour vendre Yahoo à Microsoft pourrait alors avoir de fortes chances d'aboutir. Une chose est déjà sûre : Jerry Yang a du souci à se faire.