La Cnil veut initier les réseaux sociaux au respect de la vie privée
La Cnil reproche aux réseaux sociaux et aux moteurs de recherche de ne pas respecter le droit à la vie privée de leurs utilisateurs. Son président, Alex Türk promet d'agir à l'échelle européenne.
Réseaux sociaux et moteurs de recherche ne sont pas en odeur de sainteté à la Cnil. En présentant le rapport annuel de la commission pour l'année 2007, vendredi 16 mai, son président, Alex Türk n'a pas caché son désir de durcir le ton face à ce type de services en ligne, responsables selon lui d'organiser le "traçage des individus".
Plus précisément, la Cnil reproche aux moteurs de conserver pendant une durée exagérément longue les données relatives à leurs utilisateurs. Les réseaux sociaux sont pour leur part accusés de ne pas laisser suffisamment de contrôle à leurs membres, sur l'utilisation des informations qu'ils fournissent sur eux-mêmes ou leurs proches, notamment à des fins de ciblage publicitaire.
Pour ramener moteurs et réseaux dans le droit chemin du respect de la vie privée, la Cnil souhaite croiser le fer à l'échelon européen. Elu en février dernier président du groupement des 27 Cnil européennes, le G29, Alex Türk veut désormais profiter de son mandat européen pour se faire entendre des réseaux sociaux et des moteurs.
Ces derniers en ont déjà fait les frais au début du mois d'avril avec la publication d'un avis raccourcissant la durée de conservation des informations personnelles par les moteurs à six mois, contre des durées allant actuellement de 13 à 18 mois (lire Les Cnil européennes limitent l'usage des données par les moteurs, du 08/04/08). "La semaine suivant la publication de l'avis, Google, Microsoft et Hewlett Packard étaient dans mon bureau pour négocier", claironne Alex Türk. D'autres acteurs comme Yahoo se disent également inquiets de l'éventuelle adoption de telles recommandations.
La Cnil reconnaît cependant que le poids juridique de l'avis du G29 est "moyen", tant qu'il n'est pas mis en œuvre localement par chaque membre du groupe. Reste qu'Alex Türk se montre confiant. L'avis ayant été adopté à l'unanimité par les 27 Cnil membres du groupe, chacune risque de l'appliquer dans son pays. En attendant, les moteurs ont été priés de remettre à la commission d'ici l'été un argumentaire sur la nécessité de conserver les données des internautes au-delà de six mois, avant d'être auditionnés par le G29 à l'automne.
Côté réseaux sociaux, la commission a déjà commencé à s'attaquer au problème en rencontrant par trois fois des responsables de Facebook autour de ces questions. "Les discussions ne se passent pas trop mal, mais nous ne sommes pas utopiques", nuance Alex Türk. "Facebook va trop loin, ajoute le directeur de l'expertise informatique de la Cnil, Gwendal Le Grand. Cette entreprise n'est pas en phase avec le principe de protection des données personnelles."
La Cnil ne cache pas son intention de faire adopter un autre avis, à destination des réseaux sociaux cette fois. L'International Working Group on Data Protection in Telecommunications (IWGDPT, dont fait partie la Cnil) a déjà adopté en mars dernier un document "sans valeur juridique" d'une dizaine de pages rappelant les bonnes pratiques pour les éditeurs et utilisateurs de réseaux sociaux. Il devrait servir de base à la rédaction de l'avis du G29.
Alex Türk souhaite par ailleurs organiser l'indépendance financière de la Cnil, dont le budget (12 millions d'euros en 2008) est fixé par les pouvoirs publics. Le président de la commission a envoyé une proposition dans ce sens au premier ministre, dans laquelle il préconise que le financement de la Cnil soit assuré chaque année par l'ensemble des entreprises, administrations et collectivités locales utilisant des systèmes de traitement de données. "Je préfère dépendre d'un millions de petits ruisseaux que d'un seul grand fleuve", indique Alex Türk.