Le Parlement européen se prononce (encore) contre la riposte graduée

Le projet de loi Création et Internet pourrait être compromis par l'adoption au Parlement européen d'un amendement du Paquet Télécom. Confiante, Christine Albanel se targue du soutien du Conseil et de la Commission.

En novembre 2007, l'accord Olivennes entérinait le partenariat entre l'Etat, les ayants droit et les fournisseurs d'accès pour lutter contre le piratage (lire l'article : L'accord Olivennes est entériné à l'Elysée, du 27/11/2007). A la suite de quoi le projet de loi Création et Internet présenté en juin dernier proposait de mettre en place une riposte graduée dont l'issue était de stopper le piratage à la source, c'est-à-dire en coupant l'accès à Internet pour les pirates. Projet contre lequel se bat l'eurodéputé Guy Bono (lire l'interview de Guy Bono : "Nicolas Sarkozy veut généraliser la riposte graduée en Europe"du 10/06/2008). Et ce 24 septembre, Guy Bono a marqué un point au Parlement européen avec le vote en première lecture de l'amendement 138 dans le cadre des discussions liées au Paquet Télécom.

L'amendement 138 du Paquet Télécom déposé par les eurodéputés Guy Bono, Daniel Cohn-Bendit et Zazana Roithová a été adopté à une écrasante majorité : 573 voix contre 74. Il met l'accent sur le fait que les autorités nationales de régulation doivent veiller au respect de la liberté d'expression et d'information de chacun. Ce qui signifie qu'aucune décision ne peut être prise par une autorité administrative sans l'aval de l'autorité judiciaire. Le texte stipule "qu'en vertu du principe selon lequel aucune restriction aux droits et libertés fondamentales des utilisateurs finaux ne doit être prise sans décision préalable de l'autorité judiciaire en application notamment de l'article 11 de la charte des droits fondamentaux, sauf en cas de menace à la sécurité publique où la décision judiciaire peut intervenir postérieurement".

Cela pourrait être un coup dur pour le projet de loi français Création et Internet qui, si l'amendement devait rester en l'état, se verrait amputé de sa mesure de riposte graduée prévue à travers l'Hadopi, la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur l'Internet. Cette autorité permettrait aux ayants droits de l'industrie culturelle, en collaboration avec les fournisseurs d'accès Internet, de contrer le téléchargement illégal sans passer par un juge. En guise de sanction, les fautifs reçoivent deux avertissements, l'un via un message électronique et l'autre via une lettre recommandée, avant de se voir couper l'accès à Internet pendant trois à douze mois avait indiqué la ministre de la Culture lors de la présentation de son projet à la presse (lire l'article : Christine Albanel défend son projet de loi antipiratage, du 18/06/2008). 

Il s'agit donc d'une première bataille gagnée pour Guy Bono. Mais il ne s'agit ici que d'une première lecture. Le texte doit encore passer devant le Conseil de l'union et la Commission européenne, qui jusque-là ont plutôt montré leur soutien à la riposte graduée, comme la commissaire européenne à la Société de l'information Viviane Reding. Il y a donc fort à parier que le texte aura été fortement modifié avant une deuxième lecture prévue pour le premier trimestre 2009.