Le coffre-fort numérique est-il mis en danger par le marketing ?
Le marché des coffres-forts numériques a connu un développement rapide ces derniers mois avec l’entrée de nombreux acteurs et attise les convoitises, mais sa croissance risque d’être freinée par le manque de pérennité des offres et le flou réglementaire.
Le marché des coffres-forts numériques a connu un développement rapide ces derniers mois avec l'entrée de nombreux acteurs de secteurs divers (tourisme, banque, assurance, internet, courrier, ...). La multiplication du nombre d'actes dématérialisés va soutenir sa croissance et il est fort probable que le coffre-fort numérique connaisse le même déploiement que l'e-mail chez les internautes. Toutefois, il existe aujourd'hui un flou réglementaire qui freine sa maturation et laisse un doute sur la pérennité de certaines offres.
Les coffres-forts numériques sont légitimés par la dématérialisation des échanges
En toute logique, le marché du coffre-fort numérique se développe à mesure que le nombre d'échange électroniques augmente. En 2009, le site financé par les organismes de protection sociale Net-entreprises.fr, qui présente une longue liste d'organismes affiliés (Urssaf, pôle emploi, assurance maladie, RSI, AGIRC, ARRCO...) a reçu 14,3 millions de télédéclaration et déclare que ce chiffre sera "largement dépassé en 2010". La dématérialisation pour les entreprises semble donc prendre forme. La même année, le trésor public a reçu près de 10 millions de déclarations numériques de particuliers.
Les internautes ont commencé à utiliser massivement les services numériques dès que les offres ont été en adéquation avec leur besoin et non avec ceux des SSII qui fournissaient tout un panel d'éléments de sécurité trop contraignant. L'exemple de la déclaration des revenus en ligne est frappant. Quand l'administration fiscale a rendu facultative l'installation du certificat électronique, il y a eu un bon de 30% des déclarations réalisées en ligne.
Toutefois, Il ne faut pas surestimer la maturité du marché de la dématérialisation du côté des particuliers. En septembre 2009 moins de 2% des clients EDF étaient inscrits au service permettant de recevoir une facture électronique.
Le potentiel du marché attise les convoitises en France
Dans les 5 à 7 années à venir, une grande majorité d'internautes possédera un coffre-fort numérique. Si l'on regarde les usages actuels de l'e-mail (25,9 millions de français ont une adresse électronique, source : Médiamétrie, Mai 2009) on constate qu'en moyenne 24 % des internautes ont plus de 5 adresses. Chaque adresse est utilisée pour un besoin spécifique (personnel, emploi, inscriptions diverses, ...). Au même titre, les particuliers veulent des espaces numériques spécifiques en fonction des usages (photos, vidéos, documents personnels et administratifs). Ils ont également des attentes différentes concernant la sécurité, la confidentialité et les fonctionnalités pour chacun de ces espaces.
Le potentiel que représente la cible des particuliers attire un nombre croissant d'entreprises. Ces dernières semaines, des grands groupes français ont lancé leur offre de coffre-fort numérique. La Poste a opéré le lancement le plus médiatique, juste après celui d'Air France et d'Allianz. MMA, Monabanq ou encore le Crédit Mutuel proposent le leur depuis plusieurs mois.
La mise en place de garde-fous réglementaire et juridique est nécessaire
L'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives qui régit les coffres-forts numériques n'est pas suffisamment protectrice et rassurante. De plus, le statut juridique de la copie numérique n'est pas clair.
Il faut ajouter à cela le fait que les entreprises citées plus haut considèrent le coffre-fort numérique comme un outil de fidélisation. En conséquence, les souscripteurs ne sont pas l'abri d'un abandon causé par une mauvaise rentabilité ou le changement de priorité de la direction.
Enfin, l'argumentaire proposé aux internautes ne doit pas induire en erreur, notamment sur la notion d'archivage légal utilisée abusivement par certains prestataires.
Les particuliers favorisent 3 critères pour choisir une offre de coffre-fort numérique :
-les services proposés (modes de dépôt des documents, tri, volume de stockage, ...)
-la sécurité que le service et l'entreprise émetteuse inspirent
-la légitimité du prestataire sélectionné (pourquoi est-ce que j'irai stocker mes bulletins de paie chez Air France ou chez un prestataire dont ce n'est pas le coeur de métier ?)
Les offres sérieuses de coffres-forts numériques doivent donc assurer une prestation sûre et pérenne aux particuliers.
Un encadrement législatif parait compliqué et risque de brider le marché. L'autorégulation peut être envisagée avec la mise en place d'engagements écrits et partagés par tous les acteurs de la profession. Les prestataires pourraient par exemple s'engager à conserver les coffres-forts numériques pendant une certaine durée et en parallèle souscrire des assurances pour la clôture éventuelle de leur offre.