Nelly Fesseau (Terra Nova) "La Cnil devrait absorber l'Hadopi et donner naissance à l'APLiN"

Le think tank de gauche Terra Nova fait sa rentrée en soufflant 123 idées pour une croissance numérique. Entretien avec Nelly Fesseau, coordonnatrice des pôles "Culture" et "Numérique".

JDN. Dans quel but avez-vous rédigé le rapport "renouer avec les valeurs progressistes et dynamiser la croissance", dans lequel vous faites 123 propositions pour le numérique ?

Nelly Fesseau. Le numérique est devenu un enjeu économique majeur pour ce pays et fait appel à des interrogations publiques. Or dans une large majorité, des élus de tous bords ne sont pas aptes à saisir les enjeux du numérique alors que l'État a un rôle de gouvernance et de régulation dans ce secteur. Aujourd'hui il y a urgence, d'où la demande d'Olivier Ferrand (défunt président fondateur de Terra Nova, ndlr) de rédiger un document pédagogique, une sorte de boîte à idées, pour accompagner les élus tant territoriaux que nationaux. L'idée est de dresser un panorama du numérique et de soumettre des propositions économiques et des idées en matière de gouvernance du numérique.

Sur vos 123 propositions, quelle est la première des priorités ?

"L'État doit accompagner davantage les investissements dans les PME"

La priorité pour l'État doit être d'accompagner davantage les investissements dans les PME et PMI notamment grâce à la Banque publique d'investissement. Pour cela, il faudra revoir l'ensemble des aides à l'innovation et les dispositifs d'accompagnement. C'est à dire revoir la répartition des aides de manière à les équilibrer entre les gros et petits acteurs. L'État doit également jouer son rôle et encourager les PME en leur sous-traitant des services numériques mais également en proposant un guichet unique d'accès aux dispositifs d'aide.

Vous proposez la création de l'APLiN et de l'Arteri pour remplacer l'Hadopi, le CSA, la Cnil et l'Arcep. Pourquoi ?

"il faut concentrer et renforcer les centres de décision et de régulation"

Plutôt que de démultiplier les centres de décisions, il faut les concentrer et les renforcer. Nous proposons en effet de transformer la Cnil en APLiN, qui serait l'Autorité de protection des libertés numérique. Cette structure permettra de réaffecter le budget de l'Hadopi vers la Cnil dont le rôle sera de réguler et de garantir les libertés numériques, d'élaborer des chartes d'usages et de promouvoir des labels industriels. Des prérogatives du CSA pourront également être transférées à cette autorité.

Concernant l'Arcep, son périmètre pourra également s'étendre en y intégrant les missions de régulation technico-économique du CSA et donner ainsi naissance à l'Arteri, l'Autorité de régulation technico-économique des réseaux et d'Internet. Il sera quoi qu'il en soit important de défendre la position française au niveau européen dans l'idée d'une harmonisation des autorités homologues.

Vous sentez une réelle urgence dans le secteur du numérique ?

Oui et c'est un constat que nous partageons avec Jacques Attali. Il y a urgence car la France recule sur les questions du numérique. C'est un secteur qui ne représente que 6% de notre économie, contre 13% aux Etats-Unis. L'urgence est également politique car les élus ont un besoin de pédagogie et d'outils. Le changement à venir est de taille et touchera également la fonction publique en interne puisqu'il est nécessaire de repenser les services publics, et réinventer le guichet administratif, de réformer l'éducation et d'introduire du numérique à tous les niveaux.

Diplômée de Sciences-Po et de l'INET, Nelly Fesseau débute sa carrière au conseil régional d'Aquitaine puis devient secrétaire générale adjointe des musées de la communauté urbaine de Strasbourg. Après un passage à la Grande Halle de la Villette et un autre au Centre national du cinéma, elle devient en 2004 directrice adjointe 'finances et juridique' du Louvre. En 2007, elle devient chef de la mission du contrôle de gestion ministériel du Ministère de la culture et de la communication et en 2009, elle est nommée directrice adjointe de l'ENSAD. Depuis 2010, elle est directrice adjointe de l'ENA. Elle est également coordinatrice des pôles "culture" et "numérique" de Terra Nova.