Internet de demain : les questions juridiques à résoudre

La troisième révolution de l'internet est en marche. L'internet des objets ou web sémantique permettra d'attribuer une adresse internet à des objets, munis de puces électroniques, afin qu'ils puissent communiquer entre eux. Cette nouvelle forme de communication bouleversera les fondements de notre droit, qui devront, à terme, être repensés.

Évoquer le fait que nous assistons à une extraordinaire révolution apparaît de moins en moins comme un euphémisme. Parce que la réalité commence d’ores et déjà à rattraper la fiction.
Depuis quelques années, nous assistons, sans forcément nous en rendre compte, à l’essor d’une nouvelle ère de l’internet. Certains le nomment Web 3.0, d’autres Internet sémantique ou Internet des objets.

Cette révolution n’est que la suite logique de ce dont nous avons été témoins et acteurs ces vingt dernières années.
Dans les années 90, lorsqu’Internet fut accessible au grand public, on assistait à  l’avènement du World Wide Web et de l’autoroute de l’information, véhiculés principalement par des textes et quelques images – au travers desquels le rôle de l’internaute demeurait purement passif (Web 1.0).
Suite à l’éclatement de la bulle Internet, de nouvelles interfaces et logiciels informatiques ont été crées, donnant ainsi naissance à un monde numérique où le contenu des formats prit une part plus importante que leur aspect. L’internaute est ainsi devenu un véritable acteur du web en alimentant les sites de divers contenus, au moyen de blogs, sites collaboratifs ou réseaux sociaux. À l’époque, beaucoup avait relégué ces nouveaux moyens de communication à des « coups marketing ». Force est de constater qu’aujourd’hui, le Web 2.0 a envahi nos vies, tant personnelles que professionnelles.
Mais l’essor de l’Internet ne s’arrête pas là. Car, à l’heure actuelle, nous ne sommes connectés qu’au moyen de quelques éléments tels que des PC, Mac, smartphones ou tablettes. Après demain, c’est l’ensemble des objets composant notre quotidien qui seront connectés entre eux. L’internet de demain sera donc celui des objets.
Cette nouvelle ère du Web permettra d’offrir de la logique, en attribuant une adresse internet à des objets inanimés qui pourront communiquer et interagir entre eux car programmés sur les réseaux numériques. Certains osant même évoquer les prémices d’une intelligence artificielle.
Cisco a d’ailleurs prévu que le nombre d’objets connectés sera multiplié par 10 en 8 ans et, qu’en 2020, ils seront au nombre de 50 milliards.

Cette technologie de radio-identification (RFID) joue déjà un rôle dans notre quotidien, pour le meilleur et pour le pire…  Il est possible de prendre comme exemples le passe Navigo de la RATP ou encore les codes barres de produits de consommation. Aussi disproportionné soit-il, en Espagne, des puces sont injectées sous la peau afin de servir de moyens de paiements dans certains night clubs.

Au delà de ces quelques illustrations, cette technologie permettra de révolutionner considérablement le quotidien : les voitures « intelligentes » qui fluidifieront le trafic et réduiront les accidents ; les matériels médicaux « intelligents » qui offriront plus d’autonomie aux personnes handicapées (l’exemple de la canne pour aveugle permettant de détecter les obstacles) - mais également en matière d’énergie avec les Smart Grid ou réseaux de distribution d'électricité « intelligents » qui, en ayant recours à des solutions informatiques complexes, optimiseront  les interactions entre l’offre et la demande d’électricité afin d’économiser de l’énergie et réduire ainsi les productions les plus polluantes.

Cette nouvelle ère de l’interconnexion des objets fait naître naturellement de nouvelles problématiques juridiques, difficilement énumérables dans leur ensemble. Elles concernent bien sûr la protection des données à caractère personnel, mais également l’appréhension de l’objet en tant qu’acteur juridique à part entière, sa sécurisation, et le renforcement du régime de responsabilité des différents acteurs de l’internet.

Les nouvelles problématiques de sécurité et de confidentialité

L’internet des objets permettra théoriquement de pister l’ensemble des objets composant notre vie quotidienne : voiture, vêtements, carte de transport…
Les nouvelles problématiques de sécurité et de confidentialité vont donc inéluctablement se poser – d’autant plus lorsque l’information commencera à circuler et se généraliser à l’extérieur de chaque foyer.
Face à cette « hyper-connection », les droits fondamentaux devront se voir accorder une protection efficace. Il est aisé d’imaginer les risques et dérives que seraient susceptibles de causer l’exploitation et le traitement de données personnelles à des fins officieuses et détournées de leur usage d’origine. Ces objets seront vraisemblablement amener à communiquer entre eux au moyen du réseau sans fil public. Or, aujourd’hui, ce réseau est particulièrement vulnérable aux intrusions malveillantes.

Le Droit va être ainsi amené à évoluer en profondeur. Certains praticiens évoquent même la naissance d’un droit nouveau, tels que le droit à la désactivation des puces ou celui de leur gestion.
En tout état de cause, le législateur sera dans l’obligation, ces prochaines années d’aménager pénalement l’accès illicite aux données nominatives, en criminalisant par exemple le fait de placer des puces et capteurs sans information préalable et capacité de déconnection.
Enfin, face à un monde où l’information jouera un rôle considérablement plus important qu’à l’heure actuelle, la question du droit à l’effacement des traces se posera inéluctablement.

Appréhender l’objet en tant qu’acteur juridique

Cette troisième révolution de l’internet dotera les objets d’une certaine « intelligence ». Agissant sous notre contrôle, leur rôle ne sera plus simplement informatif. Ils deviendront de véritables acteurs, des partenaires, mais surtout des décideurs, des organisateurs, voir des agents économiques.£
L’objet n’a, pour l’heure, aucun statut juridique. Le droit va devoir s’interroger sur l’appréhension de l’objet en tant qu’acteur juridique à part entière. Cela conduira à réfléchir sur l’identité du ou des responsables en matière d’aide à la décision. Serons-nous pleinement responsable pour des actions qui auront été totalement planifiées, conseillées voir dictées par des objets actifs?

Sécuriser l’objet afin de prévenir les risques d’usurpation d’identité

Lorsque le Web 3.0 sera ancré dans notre quotidien, les risques d’usurpation d’identité ne concerneront plus exclusivement les individus connectés, mais les objets eux-mêmes. Le Droit devra prévenir le risque que les machines se trompent entre elles – ce qui pourrait conduire à une défaillance du système dans son ensemble, particulièrement préjudiciables pour les entreprises.

Renforcer la responsabilité des acteurs de l’Internet

Face au nombre exponentiel de flux, difficilement maîtrisable sur le Web 2.0, les acteurs de l’internet tels que les infrastructures, les fournisseurs d’accès ou les hébergeurs ont vu leur régime de responsabilité aménagé, notamment en matière de contrefaçon et de retraits de contenus illicites.
Cependant, avec les nombreux défis issus de l’internet des objets, nul doute que ce régime devra être repensé en profondeur- afin que ces acteurs puissent pleinement remplir leur rôle de garants de cette troisième révolution.