Rappel à l'ordre de l'UE sur les contrats des noms de domaine
L'ICANN vient de valider deux nouveaux contrats clefs pour lui permettre de déployer les nouvelles extensions avant la fin de l'année. Problème, ces contrats pour les registrars et les opérateurs d'extensions ne semblent pas respecter les lois nationales européennes.
Ils portent des noms barbares. Il est donc plus facile de les appeler par leurs acronymes. RA pour "registry agreement". RAA pour "registrar accréditation agreement". Il s'agit, dans les deux cas, de contrats signés entre l'ICANN et les entités qui composent la chaîne de distribution des noms de domaine.
Le RA est pour
les opérateurs d'extensions, registres en français et "registry" en
anglais. Le second pour les bureaux d'enregistrement ("registrars" en
anglais), ces sociétés vers lesquelles nous nous tournons tous, que nous soyons
particuliers ou personnes morales, pour enregistrer nos noms de domaine.
Une opération qui
nécessite la fourniture de données personnelles. Afin à la fois de permettre
aux registres et aux registrars de connaître leur clients bien sûr, mais
également pour alimenter le WHOIS. Cette base de données dans laquelle sont
inscrites les informations relatives aux propriétaires et aux principaux
gestionnaires d'un nom de domaine.
Ce WHOIS (concaténation de l'Anglais "who" et "is" pour "qui est") est différent pour chaque extension. Celui du .FR n'a rien à voir, en format ou en données rendues publiquement disponibles, avec celui du .COM par exemple. Pour les extensions nationales, le WHOIS résulte généralement de l'application des lois nationales. Pour les extensions génériques que le .COM, il est d'un format plus harmonisé, même si des disparités persistent.
Avec les nouvelles extensions, l'ICANN a souhaité profiter des nouveaux contrats (approuvés en juin) pour les aplanir.
Vision américaine
Celui des
registrars, en particulier, a fait l'objet d'âpres négociations. Pendant près
de 2 ans, face à une approche souvent très américaine, les registrars européens
n'ont eu de cesse de rappeler à l'ICANN leurs obligations légales en matières
de collecte et de conservation des données personnelles. Des données collectées
au moment de l'enregistrement du nom et pouvant ensuite être utilisées dans le
WHOIS.
Or, si l'on en
croit le Groupe de Travail Article 29 de la Commission européenne, les
nouvelles dispositions contractuelles ne semblent pas en tenir compte. Ce
Groupe de Travail a été créé par la directive 95/46/CE du Parlement européen et
du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre
circulation de ces données. Il est donc parfaitement dans son rôle en informant
sur les éventuelles dérives en la matière d'un contrat que l'ICANN entend
imposer à tous les registrars accrédités, qu'ils soient américain ou
d'ailleurs.
Mais le contrat
prévoit une procédure de demande d'exemption en cas d'incompatibilité avec les
lois nationales.
"Nous
prenons note de cette procédure," écrit le Groupe de Travail dans un
courrier à l'ICANN daté du 6 juin 2013. "Afin d'éviter à 27 pays
d'avoir à effectuer la même démarche, par ce courrier le Groupe de Travail accorde
cette exemption à l'ensemble des registrars ciblant des particuliers détenteurs
de noms de domaine en Europe."
Enjeu important
Le message est
clair. Les dispositions relatives à la protection et à la conservation des
données à caractère personnel du contrat des registrars 2013 ne doivent pas
être appliquées, non seulement par les registrars basés en Europe, mais
également par tous les registrars qui ont comme clients des particuliers en
Europe !
De quoi remettre
en cause l'intégralité du nouveau contrat des registrars ? Pas certain, même si
cela promet de nouvelles discussions animées entre l'ICANN, les registrars et
les gouvernements lors de la prochaine réunion internationale de l'ICANN qui se
déroulera à partir du 15 juillet prochain à Durban, en Afrique du Sud.
Car l'enjeu est
de taille. Le PDG de l'ICANN, Fadi Chehadé, a récemment promis de lancer les
nouvelles extensions à la rentrée 2013. Or sans contrats finalisés pour le
réseau de vente de ces extensions, tenir ce délai sera impossible.