Olivier Midière (Medef) "Le modèle français d'innovation pourrait tourner autour du bien commun et du développement humain"
Auteur du "Guide des écosystèmes numériques mondiaux", Olivier Midière, ambassadeur du numérique au Medef, évoque la possibilité de créer un nouveau modèle d'innovation en France, mais aussi en Europe.
JDN. Qu'est ce qu'un écosystème numérique d'innovations ?
Olivier Midière (Medef). C'est la réunion d'acteurs qui contribuent à la production numérique dans un pays. Cela intègre les agences d'innovations publiques, les collectivités locales, les incubateurs et accélérateurs, les financeurs (banques, VCs…), les universités, les instituts ou laboratoires de recherche, les entrepreneurs... L'idée du rapport était d'étudier comment fonctionnent tous ces acteurs ensemble.
Ces écosystèmes sont par nature tous très différents…
Oui mais on observe tout de même deux grand modèles dominants. Le premier est le modèle technologique des Gafa qui ne partagent pas la valeur créée et qui veulent imposer la puissance technologique et financière en mettant la main sur un maximum de data. L'autre modèle, c'est celui des puissances technologique comme la Chine, la Russie ou le Japon où les entreprises leaders servent l'ambition de l'Etat. Entre ces deux modèles un autre pourrait se développer autour du bien commun et du développement humain. Il y a là une place à prendre que tous les pays du sud (Asie du Sud-Est, Amérique du sud, Afrique) attendent, car ils ne sont pas satisfaits des deux modèles qui leur sont proposés.
Quels sont les écosystèmes les plus performants parmi ceux que vous avez visités ?
C'est un peu compliqué de parler de performance car il faudrait trouver une unité pour la mesurer. Et à part dans quatre pays où on peut mesurer l'apport de ces écosystèmes au PIB local, et qui donnent des résultats concrets en termes de création de valeur, il n'y a pas d'indicateur. Pour les autres pays, on peut évoquer le nombre de start-up créées, le montant de leurs financements, le nombre d'articles scientifiques publiés, le nombre de licornes engendrées… Mais c'est beaucoup moins concret. Les Etats-Unis mettent en avant leur nombre de licornes, mais combien gagnent de l'argent ? Combien d'emploi créent-elles ? Il faut donc trouver de nouveaux indicateurs pour mesurer par exemple le chiffre d'affaires réalisé sur la vente de datas, le dynamisme de systèmes d'open innovation… Et la France pourrait être un leader dans cette démarche au niveau européen.
Justement, comment jugez-vous l'écosystème français ?
"La French tech c'est important, mais ça ne suffira pas !"
Il est très bon. Les composantes sont toutes en place. Mais il faudrait que tous ces acteurs agissent autour d'une vision commune. Comment faire pour que ces start-up soient associées à une politique macroéconomique qui les intègre dans des solutions globales avec de véritables potentiels économiques ? C'est très bien de monter un pôle de compétitivité sur l'IoT, mais que deviennent ces start-up ? En quoi contribuent-elles à créer de l'emploi et à servir l'ambition économique du pays ? C'est bien de créer de nombreuses start-up, mas ce n'est pas une finalité. A quoi servent-elles ?
Le rôle de l'Etat c'est d'afficher une vision qui doit être portée par le président. Ensuite il faut avoir une stratégie commune mise en place par le gouvernement : avec le trésor, les acteurs de l'export… Il faut créer une offre française, redesigner les écosystèmes régionaux, transformer les PME pour qu'elles se digitalisent, et créer un environnement social et fiscal propice à leur développement, puis créer des alliances avec d'autres pays pour partir à la conquête de nouveaux marchés. La French tech c'est important, mais ça ne suffira pas ! Il faut ensuite réunir les fédérations professionnelles qui s'organisent en task force pour se développer ensemble. La France est très bien placée. Mais il ne faut pas rater ce virage de créer une troisième voie, avec l'Europe.