Olivier Ezratty "Les start-up ont besoin de l'afflux de compétences des entrepreneurs-investisseurs"

Fonds d'entrepreneurs, sites de crowd-funding, changements juridiques... A l'occasion de la publication de son traditionnel Guide de l'accompagnement des start­-up , Olivier Ezratty donne son point de vue sur quelques tendances actuelles du capital-risque.

JDN. Le cadre juridique du financement des start-up a évolué depuis quelques mois. Quelles en sont les conséquences pour les start-up françaises ?

Olivier Ezratty. Plusieurs changements ont eu lieu. Une société n'aura plus le droit de recevoir en un an plus de 1,5 million d'euros d'investissements "aidés" par des mesures fiscales – dont les FCPI, conformément à la législation européenne. Cela va limiter la capacité des entreprises à lever des fonds pour croître au-delà de la start-up, pour s'attaquer par exemple à l'international.

Par ailleurs, des mesures de "rabotage fiscal" ont été prises. La réforme du statut des jeunes entreprises innovantes (JEI) va baisser les exonérations de charges. On peut donc prévoir une hausse des charges de 30 à 40 % pour ces start-up, qui vont devoir trouver de l'argent pour compenser. Il leur faudra lever des fonds plus tôt, dans un marché du capital-risque déjà tendu.

Autre rabotage, la limitation des exonérations aux entreprises composées d'une seule personne. Une mesure qui exclue les start-up créées par des chômeurs, qui n'ont pas le droit d'embaucher. Enfin, on empêche les business angels de se regrouper pour investir ensemble. Au final, cette instabilité réglementaire pénalise les start-up.

Comment percevez-vous le développement du phénomène de "business angels" en France depuis quelques années, et notamment celui plus récent de grands entrepreneurs du Web ?

La loi TEPA en 2007 a permis cet essor, qui a notamment favorisé l'accès au capital d'amorçage pour les jeunes sociétés dans le secteur numérique. Même si, en parallèle, les conditions de financement par Oseo se sont durcies.
L'arrivée des trois fonds d'entrepreneurs, Kima, Jaïna et Isai, est aussi une bonne chose, à plusieurs niveaux. Sur le plan symbolique, l'investissement de personnalités du Web constitue un très bon signe. Par ailleurs, ces trois fonds comblent un manque sur le plan monétaire, en couvrant plusieurs besoins de financement d'amorçage des start-up. Du petit investissement (Kima) au plus gros (Isai), en passant par des opérations intermédiaires (Jaïna). Et au-delà de l'argent, ces entrepreneurs expérimentés apportent du "smart money", c'est-à-dire leurs conseils et leurs réseaux. Un afflux de compétences dont les start-up ont particulièrement besoin.

Que pensez-vous des sites de financement communautaires (crowd-funding), une autre tendance récente ?

Ces nouveaux acteurs présentent un intérêt, mais pas particulièrement pour le secteur numérique. Je doute qu'ils soient capables d'apporter suffisamment d'argent aux start-up de ce secteur, qui ont des besoins relativement importants. Je vois plutôt un potentiel pour des petits projets, notamment dans l'économie solidaire, à la manière de PlaNet Finance. Dans le numérique, ces acteurs peuvent être cependant une source alternative de financement en "love money", c'est-à-dire l'aide financière de la famille et d'amis.

Olivier Ezratty a débuté sa carière en 1985 chez Sogitec, une filiale de Dassault. Il entre chez Microsoft en 1990, où il dirige notamment la division marketing et communication et la division développeurs et plate-forme d'entreprise. Depuis 2005, il travaille à son compte dans l'accompagnement de l'innovation avec une orientation grand public et médias numériques. Olivier Ezratty est ingénieur de l'Ecole Centrale de Paris.