Leslie Serrero (Lacoste) "L'e-commerce est la nouvelle brique de notre stratégie digitale"

Présente en ligne depuis 1996, la marque au crocodile lance un site e-commerce en France avant de l'étendre en Europe. La directrice du marketing stratégique de Lacoste détaille la façon dont la griffe aborde le Web.

JDN. Lacoste vient de lancer un site e-commerce en Europe. Est-ce votre première expérience dans la vente en ligne ? 

Leslie Serrero. Non. Nous avons lancé un site e-commerce aux Etats-Unis en 2007. Nous avons d'abord opté pour ce marché car bien que Lacoste soit une marque française, le marché américain est le plus important en termes de ventes. Historiquement, les consommateurs américains achètent en ligne depuis beaucoup plus longtemps que les européens. Nous avons donc choisi de commencer sur ce marché. Aujourd'hui les consommateurs européens sont prêts à acheter en ligne sur des sites de marques. 

"Nous visons 100 millions d'euros de chiffre d'affaires online d'ici quatre à cinq ans"

Le lancement de votre activité e-commerce en Europe va-t-il se faire progressivement ?

Ce site a nécessité plus de six mois de travail, notamment avec notre agence Nurun sur la création du design et de l'expérience utilisateur. Nous le lançons volontairement dans un premier temps en France, sur le vêtement, qui représente 60 % de nos ventes, et nos produits sports. Ce site est par exemple l'occasion de proposer à nos consommateurs l'intégralité de notre gamme de polos, qui n'est pas nécessairement disponible dans tous nos points de vente. Dès le mois d'août, nous allons ouvrir notre e-catalogue à l'ensemble de nos produits. Nous lancerons au même moment des déclinaisons de notre boutique en ligne au Royaume-Uni et en Allemagne. Ce site a vocation à être par la suite développé dans d'autres pays d'Europe dans les douze prochains mois, au fur et à mesure des opportunités de marché. Tout dépendra des enseignements que nous titrerons de nos premières expériences européennes. 

Pourquoi ne pas proposer d'emblée l'intégralité de vos produits ?

Nos consommateurs nous attendent d'abord sur le polo, qui est notre produit emblématique et sur nos produits sport, qui font partie des racines de la marque, notamment le tennis et le golf. Son fondateur, Réné Lacoste étant un champion de tennis et sa femme une championne de golf. A partir du mois d'août, la plupart de nos produits, comme les parfums, seront vendus en ligne. Notre objectif est de proposer la plus grande boutique Lacoste au monde. 

Ne craignez-vous pas une baisse de vos ventes dans votre réseau traditionnel ? 

Je ne pense pas que notre boutique en ligne cannibalise nos ventes physiques. Un consommateur sur deux se renseigne en ligne avant d'acheter dans un magasin traditionnel. Si nous n'avons pas de présence en ligne, nous prenons le risque de perdre des consommateurs qui ne penseront pas forcément à Lacoste si par exemple ils recherchent un polo. Nous concevons donc aussi ce site e-commerce comme une opportunité de créer du trafic dans notre réseau physique. Nous réfléchissons aussi à la mise en place de bornes en boutiques qui permettraient à nos consommateurs de commander sur Internet un produit en rupture de stock en magasin. Il y a donc de réelles opportunités de complémentarités entre la vente physique et la vente en ligne. D'autre part, nous estimons que jusqu'à 15 % de chiffre d'affaires réalisé en ligne, il n'y a pas de cannibalisation de l'offline par l'online. 

"Lacoste est présent en ligne depuis 1996"

15 % de chiffre d'affaires en ligne, c'est votre objectif ? 

Dans notre univers, la plupart des marques dépassent rarement ce cap. Nous avons l'ambition de réaliser un chiffre d'affaires global en ligne d'environ 100 millions d'euros à un horizon de quatre à cinq ans. Lacoste est une marque qui représente en valeur wholesale 1,4 milliard d'euros par an. 

Quelle cible vise cette e-boutique ? 

Elle s'adresse à l'ensemble des consommateurs de notre marque, mais elle permettra également à de nouveaux clients de découvrir Lacoste. Nous pensons qu'elle est l'occasion de séduire une clientèle plus féminine et plus jeune que notre clientèle en magasin. Les jeunes consomment plus d'information en ligne et y achètent également davantage. 

Au-delà de la vente en ligne, comment une marque comme Lacoste aborde le Web ? 

Nous sommes présents en ligne depuis 1996 avec un site de marque, Lacoste.com. Notre objectif est d'avoir une stratégie digitale complète, à la fois pour informer nos consommateurs, mais également pour échanger avec eux. Le lancement de notre site e-commerce s'intègre totalement dans notre stratégie, comme une dernière brique qui vient consolider cet ensemble cohérent. 

Quelles sont les autres briques ?

Le premier volet de notre stratégie digitale est notre site corporate, Lacoste.com, dont le rôle est de présenter notre marque et d'informer les internautes de nos actualités et de nos nouveautés. Ce site est présent dans 36 pays et 11 langues. Le second volet repose sur une galaxie de sites événementiels que nous créons autour d'événements propres à la marque. 

"25 % de nos investissements publicitaires vont au Web"

Lesquels ?

Nous venons par exemple de lancer un site pour notre produit L.12.12, qui est le nom de code de notre produit fondateur, le polo. L'objectif de site est d'iconiser le polo, qui est un produit historique et reste le plus vendu, tout en montrant comment il répond aujourd'hui à de multiples consommateurs. Rien que pour homme, nous proposons sept styles de polos différents, qui sont bien sûrs disponibles à la vente en ligne.

La marque prend-elle aussi la parole sur le Web social ? 

Oui, c'est le troisième volet de notre stratégie digitale. Nous souhaitons créer un véritable lien avec le consommateur. Nous disposons d'une page Facebook, qui propose notamment des vidéos exclusives de la marque et qui rassemble 1,4 million de fans. Nous sommes d'ailleurs la première marque française en nombre de fans, loin devant de nombreuses marques internationales, y compris dans notre secteur d'activité, et dont le chiffre d'affaires est largement supérieur au nôtre. Cela montre bien l'affinité particulière qu'on les consommateurs avec Lacoste. 

Comment abordez-vous la publicité en ligne ? 

Environ 25 % de nos investissements publicitaires sont dédiés au Web. C'est une part qui a progressé au fil des années en fonction de notre présence sur le Web. Pour Lacoste, la publicité en ligne est l'occasion de prendre la parole vis-à-vis d'une cible beaucoup plus fine que sur des médias traditionnels. Nous avons par exemple engagé une stratégie de rajeunissement de la marque avec le lancement en 2009 d'une nouvelle ligne de produits baptisée "Lacoste Red". Les jeunes consomment davantage en ligne, nous avons donc axé une grande partie de notre communication sur Internet. Mais nous n'utilisons pas uniquement Internet pour communiquer auprès des jeunes. Lors de certains événements, comme le tournoi de tennis de Roland Garros, nous adressons un public beaucoup plus large. 

Vous disposez également d'une présence sur le mobile ?

Oui, nous avons des sites mobiles et des applications iPhone, qui s'inscrivent dans la logique de sites événementiels. En fonction des événements spécifiques de la marque, nous lançons des applications mobiles. L'an dernier, nous avons par exemple réalisé une application pour le lancement de Lacoste Red. Aux Etats-Unis, nous disposons également d'une application m-commerce. Il est encore un peu tôt pour en tirer les premiers résultats et nous ne nous posons pas encore la question de son lancement en Europe.
 

Diplômée de l'Essec et d'un MBA de la Harvard Business School, Leslie Serrero intègre la direction financière européenne de General Electric Global Exchange Services en 1998, puis l'équipe de consulting Six Sigma de GE en 1999, avant de rejoindre le Boston Consulting Group en 2002 à New York où elle est spécialisée sur les stratégies de croissance dans les produits de consommation, la mode et le retail. Elle est nommée directrice du marketing stratégique et membre du comité exécutif chez Lacoste en 2009.