La pub arrive sur Instagram : vers la fin du règne des blogueurs ?

Avec leur smartphone comme unique outil de travail, les instagramers professionnels transformant leurs flashs en cash. Leurs atouts : un sens aiguisé du filtre et du hashtag et surtout une fanbase de plusieurs centaines de milliers d’internautes. Des ambassadeurs 2.0 qui séduisent les marques.

Racheté en 2012 par son sérieux concurrent, Facebook, la firme au Polaroïd, a maintenant de l’avenir dans la pub, avec sa toute nouvelle formule « Sponsored » (liens sponsorisés). Une première mutation annonciatrice, qui va changer la donne sur ce social network devenu market network.


Chaque jour, plus de 70 millions de photos et de vidéos sont postées sur Instagram, par plus de 300 millions d’utilisateurs. Vecteur d’image et donc de séduction par excellence, Instagram a permis de développer une communication de proximité inédite. Cette vitrine moderne a rapidement séduit les marques souhaitant gagner en visibilité et accroitre leur notoriété. De Nike à Etam (voir : le meilleur job d’été) en passant par Veuve Clicquot, Air France ou l’office de tourisme de Val-Thorens, ces dernières se tournent donc vers les utilisateurs les plus populaires du réseau, espérant séduire un public plus large et plus jeune. Et dans la démarche, elles déboursent des fortunes (parfois 4.000 $ pour une seule image!) pour ces services marketing d’un nouveau genre.


C’est ce qui explique l’envolée du nombre de professionnels d’Instagram : ces utilisateurs qui avaient commencé à se servir de l’application pour le plaisir gagnent maintenant des salaires à 6 chiffres et voyagent à travers le monde pour prendre des photos et les partager avec leurs abonnés. Les annonceurs s'intéressent aux Instagramers avec une forte audience (nombre d'abonnés) et une signature visuelle ou un style identifiables. Ils cherchent également sur Instagram une expérience sociale, en tirant parti du fort lien créé entre l'influenceur et sa communauté (tres bien), très active sur le réseau social. Une opération gagnante, à condition d'en respecter les règles: de la transparence, et une liberté de contenu assurée pour les photographes amateurs.


Cette tendance a fait naitre quelques stars du micro-blogging, qui en l’absence d’autres outils de publicité sur ce réseau social, règnent sans partage. On retiendra à titre d’exemple les prouesses aux Etats-Unis de Liz Eswein, 25 ans (@NewYorkCity - 1,2 millions de followers), payée 1$ le like; ou en France de @vutheara (1 million de followers), @oliviathebaut (317.000 de followers), @saaggo (264.000 de followers) ou @qorz (215.000 de followers), qui voyagent tous frais payés, et reçoivent le plus souvent des cadeaux en nature des marques dont ils assurent la promotion.


Pour Nicholas Thompson, reporter au New Yorker, si l’on ne compte pas ces quelques chanceux, pour le moment sur Insta : « personne ne fait de l’argent. Les éditeurs ne reçoivent pas des liens vers leurs articles, les annonceurs ne reçoivent rien. Instagram ne reçoit rien ».

Un petit coin de paradis tranquille, qui depuis 2010, date de sa création, offrait à ses utilisateurs un contenu (presque) débarrassé de la publicité agressive et intempestive du web. Jusqu’à maintenant…


Ce mois-ci, dans un article partagé sur le blog Business d’Instagram, on apprend que la boite compte prolonger son plan pub d’un an et demi. Un programme dont les grandes lignes annoncent sans détour la mue de l’application de social network et market network. En effet, l’article explique qu’Instagram est « en pleine expansion de ses offres publicitaires » et va inclure des « formats orientés vers l'action », comme par exemple des boutons « acheter maintenant », « installer maintenant » et « s’abonner ». Il y aura aussi « plus de capacités de ciblage », et il sera « plus facile pour les petites et grandes entreprises d’acheter de la publicité sur Instagram », peut-on aussi lire. Instagram doit commencer le test de ces « boutons d’action » dans les prochains jours et pourrait sortir cette nouvelle fonctionnalité probablement cette année. Une formule taillée sur mesure pour des achats “sans frictions”, garantissant un taux de conversion record aux marques!


Et, la machine est déjà bien en marche. A l’heure qu’il est, vous avez sans doute déjà rencontré quelques liens « Sponsored » (sponsorisés) au hasard de vos visites sur Instagram. Fondus dans la masse de photos qui défilent sur votre newsfeed, ces clichés de promotion sont reconnaissables à leur configuration en carousel. Une série de points accompagnent les photos, vous permettant de faire défiler le contenu d’un simple swipe (comme sur Tinder). Les parutions sont souvent accompagnées de liens vers le site de la marque. Le format est encore en rodage, explique Instagram, bien décidé – depuis son rachat 1 milliard de dollars en 2012 -  à devenir un acteur majeur de la pub sur Internet.


De fait, sur le site de la boite, les case studies se font de plus en plus nombreux. McDonalds, Ben & Jerry’s, Levi’s, L’Oréal… ont déjà fait confiance à ce réseau social star pour organiser leurs opérations ciblées.

Pour Ben & Jerry’s, par exemple, l’opération consistait à: « Utiliser Instagram pour propager dans le monde la joie que procure une glace ». Résultat : « Ben & Jerry’s a touché 9,8 million d’utilisateurs et a vu un bon de 33 points dans son ‘ad recall’ » rapporte le site. Et d’ajouter « Sur les utilisateurs qui ont vu la publicité (…) 17% ont non seulement appris qu’il y avait un nouveau goût, mais ils l’ont aussi associé à Ben & Jerry’s ».

Selon les représentants d’Instagram, cette nouvelle fonctionnalité ne s’adresse cependant qu’aux marques, dans un premier temps. « Une fois que nous aurons vu comment les gens réagissent à ce contenu, [nous] pourrons explorer la possibilité de l’offrir à d'autres types d'utilisateurs sur Instagram », a récemment expliqué un représentant.

Les Instagramers, quant à eux, n’auront peut-être pas tout perdu, et garderont sans doute une place de choix dans les campagnes web, ne serait-ce que par souci d’authenticité. 

Problème : les utilisateurs, qui sont de plus en plus nombreux à migrer vers Snapchat, pour fuir la pub, seront-ils encore dupes ?