Web3 : de l'importance d'arriver tôt pour les marques

Web3 : de l'importance d'arriver tôt pour les marques Adidas, Hermès, L'Oréal, Nike… Les grandes marques seront nombreuses à NFT Paris, l'événement Web3 organisé au Grand Palais les 24 et 25 février.

L'intérêt des marques pour le Web3 n'est plus une nouveauté et le succès commercial des collections NFT de Nike, Tiffany's, Gucci, Adidas ou Dolce & Gabbana (environ 230 millions de dollars cumulés estimés en 2022 par un analyste sur Dune Analytics, dont 185 millions pour la seule marque à la virgule) a largement été documenté. Il se confirme aujourd'hui par les entrées des marques automobile (Renault et Alpine en France, Porsche, demain Bugatti), viticole (Château Pape Clément, Château des Laurets, Dom Perignon…), de groupes comme Starbucks ou, en France, Casino (Monoprix, Club Leader Price) et Carrefour.

Hoodie RTFKT x Nike en réalité augmentée sur un avatar Clone. © RTFKT

Avec la présence de L'Oréal, Adidas, Hermès, Nike ou Puma, l'événement NFT Paris, qui se tient ces 24 et 25 février au Grand Palais, et les événements associés reflèteront cette tendance de fond, observée de très près depuis sa genèse par Benoit Pagotto. "Il y a eu l'an passé une sorte de FOMO (de l'acronyme fear of missing out, en français peur de louper le coche, ndlr) de la part des marques en raison de l'engouement autour des NFT, de la presse que cela générait. Elles s'y sont pour beaucoup mises pour faire de la relation publique. En revanche, des marques qui ont réussi leur projet, il n'y en a pas eu tant que ça," nous dit-il, de son salon, tout en profitant des rares rayons de soleil hivernaux.

"Avec RTFKT, Nike dispose d'un navire amiral qui lui permet d'avancer très vite"

Benoit Pagotto est bien placé pour discuter du sujet. L'entrepreneur français est le cofondateur de RFTKT, studio de création Web3 et AR, à l'origine de certaines des collections NFT les plus prisées, comme les CloneX, et acquis par Nike en décembre 2021 après avoir levé huit millions de dollars la même année. Aujourd'hui, RTFKT est au cœur de la stratégie Web3 de la marque née dans l'Oregon, qui a encore suscité l'effervescence avec la mise en ligne de sa plateforme .Swoosh, lancée pour permettre au public de créer et échanger des produits virtuels. Pour de nombreux observateurs, ce nouveau développement confirme une volonté pérenne de Nike de s'inscrire dans les codes du Web3, tout en conservant son identité historique. "Ce que fait Nike avec RTFKT, c'est très intelligent. Avec RTFKT, ils ont un navire amiral qui leur permet d'avancer très vite", nous confirme Jürgen Alker, co-fondateur du studio NFT fondé par le média US HighSnobiety et speaker à la NFT Paris. "Avec .Swoosh, la technologie est passée en arrière-plan, il suffit de se connecter avec une adresse mail et c'est très simple à utiliser. Les gens n'ont pas à être déjà des habitués de la crypto."

Le NFT, un moyen, plus qu'une finalité

D'après Benoit Pagotto, également speaker à la NFT Paris, l'intérêt des supports NFT ou blockchain ne constituent d'ailleurs pas une fin en soi : il nous souligne à ce titre que "RTFKT a été créé car il y avait un besoin de renouveau dans la mode et en termes d'esthétique", un nouveau souffle rendu possible par une technologie au service d'une vision, et non le cœur de métier de l'entreprise. "De nombreuses entreprises se sont lancées dans les NFT pour les effets d'annonce", renchérit le directeur des partenariats de Nike, "La véritable question est comment faire en sorte que 30% des revenus de mon business proviennent des ventes d'objets numériques, quelle est la réponse par rapport au gaming et l'envie d'interactivité, de propriété numérique, des gens ?"

Illustration de la DAO Gorjs, issue de la marque Nyx. © L'Oréal

C'est justement cette approche que le groupe L'Oréal a adopté pour s'initier au Web3. Dans le sillage de sa directrice générale métaverse et Web3 Camille Kroely, le groupe a déjà édité des milliers de NFT pour ses marques Yves Saint Laurent Beauté et Mugler, et même lancé une DAO avec la marque NYX. Pour le groupe, il s'agissait de vivre avec son époque. "Nous avons vu l'émergence de nouvelles communautés dans les plateformes de gaming, autour du Web3, de la propriété et de la décentralisation. Pour les marques, cela signifie de nouvelles possibilités pour lier des relations avec les créateurs et les communautés, pour créer un nouveau modèle et il fallait que l'on explore et apprenne cette culture", nous relate Camille Kroely.

Le groupe français, fondé au début du XXe siècle, vante donc les mérites du test-and-learn et "la volonté de comprendre l'écosystème, de nouer des relations et concrétiser des collaborations". Elle a notamment travaillé avec l'entreprise tech Arianee, la plateforme spécialisée en avatars Ready Player Me, le laboratoire blockchain People of Crypto ou encore la plateforme métaverse Web3 The Sandbox. "Cela correspond à l'ADN du groupe : pour comprendre ce que cette technologie signifie pour la beauté et notre industrie, il faut s'immerger dans l'écosystème. C'est la particularité du Web3 : au-delà de tout ce que l'on peut lire, ce secteur offre la capacité d'apprendre par soi-même. Il y a l'aspect de l'évolution technologique mais aussi des mouvements culturels,  portés par des communautés et créateurs. Il nous fallait partir sans idée préconçue et au contraire, être prêt à déconstruire des idées, renchérit Camille Kroely. "C'est effectivement maintenant que l'on peut encore apprendre à moindre effort, à moindre coût par des approches expérimentales et collaboratives avant que l'écosystème puisse potentiellement devenir trop complexe à appréhender."

Un test-and-learn toujours positif

De son bureau à Hambourg, Jürgen Alker estime en effet que les marques ont tout à gagner à s'essayer maintenant au secteur, au risque de perdre un temps précieux pour se structurer. "Si une marque arrive tôt, elle peut apprendre rapidement, beaucoup, et ce, sans avoir besoin de trop investir. Je pense que dans cinq ou dix ans, il faudra investir beaucoup plus pour rattraper son retard. Aujourd'hui, il est encore possible d'occuper une position de leader. La bulle du Web3 est encore très petite, il y a deux ou trois millions de portefeuilles Metamask et on ignore s'il s'agit de personnes ou simplement d'adresses." Un constat que Benoit Pagotto partage. "Même pour les marques qui ne rencontrent pas de succès dans le Web3, les équipes apprennent toujours des éléments qu'ils peuvent redistribuer dans le reste de leur département, marque ou groupe. Il y a toujours du positif. Le milieu dans lequel on est reste encore extrêmement petit, on expérimente et apprend encore : il vaut donc mieux essayer quelque chose, même mal exécuté, plutôt que de ne rien faire si les marques veulent comprendre."

Au sein de L'Oréal, Camille Kroely concède d'ailleurs volontiers que toutes les marques ne sont pas "Web3 ou métaverse compatibles" mais ces incursions dans l'écosystème pour certaines d'entre elles contribuent à l'émulation au sein du groupe. "C'est l'intérêt d'avoir une direction dédiée à ces technologiques plutôt que d'avoir une approche par marque : nous pouvons capitaliser sur nos expériences, qu'il s'agisse du fonctionnement d'un drop NFT, de la war room à mettre en place, des éléments de communication destinées à la communauté. Nous nous appuyons constamment sur cet historique et nous constatons beaucoup de synergie entre nos équipes, qui ont soif d'échanger entre elles."