Native advertising : buzzword mort-né ou nouveau concept révolutionnaire ?

Native advertising : buzzword mort-né ou nouveau concept révolutionnaire ? Buzzfeed, Forbes ou encore Yahoo... Tous ne jurent que par cette pratique qui veut remettre le contenu publicitaire au coeur de l'expérience utilisateur. Mais de quoi parle-t-on vraiment ?

Le 29 avril, Yahoo dévoilait un tout nouveau format publicitaire baptisé "Yahoo Stream Ads" prenant la forme de posts sponsorisés intégrés dans la homepage de ses versions ordinateur, tablette et mobile. "L'emplacement comme l'ergonomie de la publicité seront harmonisés au contenu", expliquait Mike Kerns, le vice-président de Yahoo en charge des produits. En parallèle, sa présidente, Marissa Mayer, se réjouissait dans une note de ce que "la publicité peut, et doit, améliorer la découverte de contenu d'une manière efficace et homogène".

Tous deux reprennent des termes à la mode depuis quelques mois et l'arrivée d'une nouvelle tendance : le native advertising. Une pratique qui vise à intégrer la publicité aux contenus, avec des messages ciblés et liés au contexte, voire même complémentaires, pour le bénéfice de l'expérience utilisateur. Du moins officiellement. Ses détracteurs n'y voient qu'un terme politiquement correct pour évoquer le bon vieux publireportage. Les autres y voient plutôt un mode de communication qui privilégie le contenu éditorial, pour un résultat plus qualitatif. "Les revenus sont créés à partir d'outils qui sont uniques au site et qui s'inscrivent de manière organique dans l'expérience utilisateur", résume Jon Steinberg, le président de Buzzfeed, l'un des pionniers du genre, dans une note de blog. Ce dernier a récemment déployé un réseau de native advertising auquel il a intégré les sites The Awl et Cracked.com et travaille pour des annonceurs tels que Virgin, Disney ou Campbell's qui y voient un bon moyen de remédier à l'indifférence croissance des internautes à l'encontre des standards IAB.

native ads framework
L'écosystème du native advertising. © Sharethrough

Pour certains, ce nouveau concept est LE modèle à suivre. Ses formats phares : Facebook et ses sponsored stories, Twitter et ses tweets sponsorisés, Youtube et ses formats vidéos toujours plus innovants. Les premières agences spécialisées dans le native advertising, Outbrain et Sharethrough, ont déjà vu le jour. Il faut dire que les enjeux sont importants : mettre un terme aux pages Web dont les multiples bannières pubs les font ressembler à des arbres de Noël et réussir à se différencier pour séduire les annonceurs dans un contexte de morosité publicitaire. En gros, "réenchanter la relation à l'internaute", pour reprendre une expression plébiscitée par le milieu, sans pour autant le tromper en lui affichant une publicité qui ne dit pas son nom. Les contenus sponsorisés doivent clairement être affichés comme tels.

Entre 50 et 100 000 dollars par mois pour un annonceur sur Forbes

Toujours à la recherche du bon business model publicitaire (lire l'article, Le Web ne sauvera pas la presse de la chute des ventes papiers, du 20/03/2013), les groupes médias ont naturellement testé le native advertising. Buzzfeed donc, mais également le Washington Post, ont rejoint Forbes dans la démarche. Dans un billet sur le Guardian, le directeur des activités digitales des Echos, Frédéric Filloux passe en revue l'initiative lancée par Forbes il y a deux ans de cela, nommée BrandVoice, qui permet aux annonceurs d'utiliser son CMS (outil de publication) pour faire apparaître leur contenu directement sur le site. La fourchette tarifaire se situe entre 50 et 100 000 dollars par mois, selon les termes du contrat avec un package qui peut comprendre des bannières plus traditionnelles permettant de renvoyer du trafic vers la page BrandVoice.  Et ça marche. En 2012, le média a réalisé un chiffre d'affaires publicitaire online en hausse de 19% par rapport à l'exercice précédente. 10% de ce montant provenant de l'intégration de BrandVoice. Un ratio qui selon les estimations est susceptible de monter jusqu'à 25% d'ici la fin de l'année.

Du côté de Buzzfeed, son président Jon Steinberg a mis en place un business model relativement complexe qui mêle du CPM, aux alentours de 9 dollars et des frais fixes qui s'établissent à 10 000 dollars par jour en 2013, pour la présence d'un appel sur la home. En France, quelques médias tels que le Monde ou les Echos s'essayent à l'exercice, sans pour autant industrialiser le processus aux Etats-Unis. La peur du mélange des genres reste encore fortement ancrée dans l'Hexagone.

La disruption se fait quand même encore attendre

Les pratiques citées plus haut sont pourtant loin d'être aussi disruptives qu'espérées. Et la frontière est plus que ténue entre le simple contenu sponsorisé, le native advertising et l'opération de brand content. Et si la véritable problématique était plus dans le fond que dans la forme ? "Nous pensons que le véritable enjeu reste, pour les annonceurs, de réussir à initier et développer un dialogue avec leurs lecteurs et que ce qui n'est, en effet, qu'une publicité n'est pas suffisant, tempère Paul Rossi, managing director chez The Economist. C'est d'un programme qui encourage le débat et la discussion à travers tous les canaux, depuis les évènements jusqu'aux réseaux sociaux, dont nous avons besoin." On se dit que de ce côté-là, les réseaux sociaux qui sont également à la recherche du Graal publicitaire ont une véritable carte à jouer. A condition, toutefois, de ne pas transformer la possible vache à lait en veau d'or galvaudé.