Flavien Taquet (Renault) "Nous discutons avec Google de l'ouverture d'un siège au sein de son DSP"

Rencontre avec le responsable média et digital de Renault en France pour discuter algorithmes personnalisés, dépendance à Google et internalisation de l'achat programmatique.

JDN. Beaucoup d'annonceurs ont fait un premier pas vers l'internalisation de l'achat média online, avec l'ouverture de sièges DSP à leur nom. Renault n'est pas de ceux-là, pourquoi ?

Flavien Taquet est responsable du média et du digital pour Renault France. © Renault

Flavien Taquet. Nous n'avons pas encore de siège à notre nom mais nous en discutons avec Display & Video 360 et d'autres DSP. C'est indispensable pour avoir la pleine maîtrise des outils et des données qui transitent par eux. Nous opterons toutefois probablement pour un modèle hybride car, avec l'achat de dizaines de milliards de publicités par an, il est peu évident de tout gérer in-house. Environ 75% de nos achats online devraient être programmatiques d'ici fin 2019.

Vous êtes le premier constructeur automobile français à recourir aux algorithmes d'achat média personnalisés. Qu'est-ce qui vous à poussé à tester cette logique de BYOA (Bring your own algorithm) ?

Dans un secteur aussi concurrentiel que l'automobile, tout outil qui permet de se différencier est bon à prendre. Le BYOA, qui nous affranchit des algorithmes standards et de l'aspect blackbox de la majorité des DSP, en fait évidemment partie. En recourant à cet outil sur-mesure, on adapte la diffusion d'une campagne média au brief marketing qui la précède. On est notamment capable d'enchérir plus justement sur les contextes et les cibles pour lesquelles on a peu de volume, car l'algorithme va prendre en compte cette rareté au moment de décider quels inventaires performent le mieux. Il faut rappeler qu'un algorithme est auto-apprenant et qu'il se nourrit des événements provoqués par la diffusion d'impressions publicitaires. Il a donc besoin d'être testé et éprouvé jusqu'à trouver la bonne formule.

Le recours au BYOA nous a également permis d'optimiser notre stratégie d'enchères en fonction de micro-conversions qui ne remontent pas forcément dans certains outils de décision des DSP. Des signaux qui ne sont pas des conversions en tant que telles comme l'est une demande d'essai de voiture, mais qui peuvent y participer. Un téléchargement d'e-brochure ou une configuration de voiture inachevée peuvent présager d'une conversion future et doivent donc être pris en compte.

Les résultats ont-ils été à la hauteur de vos attentes ?

"Notre coût par acquisition a quasiment été divisé par deux lors du premier test"

C'est encore un peu tôt pour le dire car nous n'avons mené que deux tests en 2018. Dans le premier, qui concerne nos campagnes business après-vente, les performances ont été très intéressantes avec un coût par acquisition pas loin d'être divisé par deux. Le deuxième test, mené dans le cadre d'une campagne de génération de leads pour le modèle VN Dacia Duster, a lui été un peu moins concluant, même si les résultats sont globalement positifs. Ce test a été écourté (diffusion d'environ 10 jours) ce qui n'a pas permis aux algorithmes d'optimiser pleinement la campagne.

Mais nous allons intégrer la surcouche d'achat du BYOA de manière tactique en 2019. Ce serait une gageure de le faire pour les 200 campagnes digitales que nous pilotons chaque année. Nous nous concentrerons donc d'abord sur les campagnes aux problématiques les plus complexes.

Les acteurs du BYOA disent se rémunérer via une commission sur le chiffre d'affaires supplémentaire généré. L'annonceur ne prend donc aucun risque...

Il n'y a pas d'autofinancement contrairement à ce que leurs annonces commerciales laissent penser. Leur business model repose pour le moment sur une base de frais techniques au pourcentage du média investi. Il n'y a donc aucune garantie de financer ces frais. Nous payons le même prix, quels que soient les résultats de la campagne.

C'est OMD qui gère vos investissements médias online. Quelle a été la réaction de votre partenaire lorsque vous lui avez confié vouloir vous lancer sur le sujet du BYOA ?

Ils ont été un peu sceptique au début. Beaucoup des traders de l'agence travaillent avec Display & Video 360, le DSP de Google, où tout est gratuit en matière d'activation média, y compris la data de Google. C'était donc contre-intuitif pour certains de devoir payer un peu plus pour mieux acheter et de bénéficier d'une aide à la décision pour trader. Mais c'était loin d'être superflu. Notamment parce qu'à cette époque, nous avions souhaité challenger les performances de notre agence en allant jusqu'à intégrer d'autres trading-desks. Je pense qu'aujourd'hui tout le monde est d'accord pour dire que le BYOA a une réelle valeur ajoutée. A commencer par notre agence qui, grâce à la génération automatique de line items en gros volumes, peut enchérir beaucoup mieux, et beaucoup plus vite, sur toutes les micro-niches.

Vous mentionnez le DSP de Google, Display & Video 360. Etes-vous comme beaucoup d'annonceurs du CAC 40 équipé du fullstack ?

"Le DBM Gate du 25 mai a bien montré l'importance de ne pas dépendre d'un seul acteur"

Oui, nous utilisons leur DSP, leur adserver et Google Analytics, notamment. Nous sommes même en phase de test avec la version premium de ce dernier, Google Analytics 360. Nous ne sommes pas pour autant exclusifs à Google. Au vu de l'importance de nos investissements digitaux, il nous est indispensable de bénéficier de la diversité des solutions d'Adtech et de bidding du marché. Le DBM Gate du 25 mai a bien montré l'importance de ne pas dépendre d'un seul acteur car la chute de l'inventaire disponible sur DBM a drastiquement réduit notre capacité à opérer les campagnes médias. Nous avons heureusement pu rapidement basculer sur The Trade Desk. Nous sommes partisans des POC à outrance, pour peu qu'ils soient bien sélectionnés et réfléchis, et ce, afin d'être le plus agile possible. Nous travaillons avec d'autres technologies comme Mediamath, Oath, S4M sur mobile ou encore Amazon pour sa data transactionnelle.

Cet article est extrait du dernier numéro d'Adtech News, le supplément mensuel du JDN et de CB News consacré à l'adtech et au martech. Au programme :  une enquête sur le plan de Google pour garder la main sur le maché SEA, un sujet sur le DOOH qui se met au programmatique, un focus sur Adloop, la start-up qui veut mettre fin au gaspillage publicitaire...