Mathieu Lacombe (Danone) "Une marque comme Danone a intérêt à se rapprocher des distributeurs pour mesurer l'impact du média sur les ventes"

Le responsable de digital et média des marques de produits laitiers du groupe Danone explique comment ce dernier a réinventé ses prises de parole ces deux dernières années en y instillant de la data.

JDN. Le groupe Danone a procédé, au cours de ces deux dernières années, à une refonte de sa stratégie en matière de communication. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Mathieu Lacombe est responsable digital et media chez Danone. © S. de P. Danone

Mathieu Lacombe. Nous ne sommes pas là uniquement pour vendre des yaourts, nos marques doivent avoir un sens pour les personnes. C'est pourquoi nous avons commencé par écouter davantage les consommateurs, leurs attentes et leurs besoins. Chacune de nos marques dispose désormais d'un véritable manifeste, un discours qui se traduit ensuite par des actions et des engagements pertinents. Si dans le passé, nous adoptions une stratégie de communication descendante et générique, nous privilégions désormais une prise de parole personnalisée, adaptée à des groupements d'individus que nous appelons les tribus.

Combien de tribus avez-vous identifiées et sur la base de quels critères ?

Ces tribus se réunissent autour de centres d'intérêt ou de raisons d'acheter. Chacune d'entre elles reçoit un message différent, cohérent avec ses attentes. Leur nombre varie en fonction de la marque et du pays (elles sont une cinquantaine en France). Une marque comme Activia répondra aux attentes de différentes tribus : celles en recherche de naturalité, d'autres en quête d'équilibre nutritionnel, de bénéfices fonctionnels ou à l'affût de super aliments. D'autres marques du groupe s'adresseront à des audiences spécifiques, comme HiPro, une gamme de boissons et yaourts hyperprotéinés lancée pour répondre à l'essor de la pratique du crossfit. Quand les marques du groupe réfléchissent à la manière de s'adresser aux individus, elles se servent désormais des tribus. Pour arriver à ce mode d'action, il nous a fallu réorganiser l'ensemble des départements - études, marketing jusqu'aux directions générales - afin d'y insuffler un état d'esprit customer et data centric.

Comment la technologie vous aide-t-elle à mettre en œuvre cette nouvelle manière de communiquer ?

Nous nous servons d'un outil de gestion de notre base CRM et des solutions opérées par nos partenaires retailers et éditeurs. Grâce à l'onboarding, ces acteurs nous permettent de chercher nos audiences partout sur le Web avec une grande finesse de segmentation. Demain, quand la télévision sera adressable, nous pourrons y appliquer cette même communication personnalisée. En étant plus pertinents, nos investissements média généreront plus d'impact sur notre business.

Pouvez-vous nous donner un exemple de campagne qui démontre la pertinence de ce nouveau modèle ?

"Nous avons constaté une hausse de 25% des ventes générées par rapport à une campagne classique"

La campagne digitale pour la gamme céréales d'Activia, que nous avons diffusée pendant deux mois en fin d'année dernière avec notre partenaire Carrefour (15 millions d'encartés) et le spécialiste du CRM onboarding Liveramp, symbolise fortement ce changement. C'était, pour un groupe comme le nôtre, la première fois qu'une campagne française de cette envergure se basait sur des KPI business et non média. Nous recevions chaque semaines les données de ventes générées par Carrefour auprès de nos tribus sur tous les canaux (magasins et online). Ces données nous permettaient d'optimiser l'achat média en conséquence. Pour réaliser cette opération, nous nous sommes appuyés sur la data des encartés de Carrefour pour y reconstituer nos propres tribus et en créer des nouvelles. Cela nous a permis de les activer aussi bien chez Carrefour qu'en dehors, sur Facebook, Google et ailleurs. Ce type de campagne représente un vrai aboutissement.

Nous avons constaté une hausse de 25% des ventes générées par rapport à une campagne classique. Les groupes tels que le nôtre, tributaires des données fournies par les enseignes, ont tout intérêt à mesurer directement l'impact de leurs investissements médias sur les ventes, au même titre qu'un pure player. Nous souhaitons d'ailleurs pouvoir le faire avec d'autres enseignes que Carrefour, du moins celles qui sont suffisamment matures sur la data.

Cet article a également été publié dans Adtech News, supplément papier du magazine CB News, dédié à l'adtech et au martech. Dans l'édition de mai, un dossier sur le marché de l'advertising video on demand, une interview du groupe Seb, le baromètre du programmatique, un focus sur la pub dans les push notifs et  un sujet sur Kawarizmi.