PIFA, un ID publicitaire qui redonne la main à l'internaute

PIFA, un ID publicitaire qui redonne la main à l'internaute Ou comment trouver le moyen de remplacer les cookies tiers tout en respectant la vie privée des utilisateurs. Brillant sur le papier, plus compliqué dans la réalité.

Et si l'on donnait à chaque internaute un identifiant publicitaire qu'il pourrait partager à sa guise, avec le degré d'informations qu'il a choisi ? C'est la théorie développée par le site américain Adtech Explained dans le cadre d'une proposition qui permettrait à l'adtech de faire d'une pierre deux coups : trouver un successeur au cookie tiers tout en répondant aux exigences croissantes des internautes en matière de vie privée. Le PIFA, pour private identifier for advertisers, est associé à une clé publique, une suite alphanumérique en clair, que l'internaute communiquera au site choisi. Ce site transmettra la clé à ses partenaires de monétisation, qu'il s'agisse d'adtech ou d'annonceurs en direct, pour leur permettre d'accéder aux données renseignées par l'internaute. On y retrouvera des informations comme l'âge, le genre, le niveau de revenu ou le code postal. Libre, ensuite, à chaque marque d'intégrer chaque profil ainsi renseigné à sa base de données CRM.

"Les valeurs véhiculées par un tel projet, qu'il s'agisse de s'appuyer sur le consentement de l'internaute, de le partager au cas par cas et de ne traiter que des données non personnelles, sont les bonnes"

Pourquoi ça a du sens ? Parce que contrairement à d'autres méthodes de tracking, comme le device ID ou le cookie, c'est l'utilisateur qui partage son PIFA quand il le décide. Avec ce système de clé publique, l'utilisateur n'a pas besoin, non plus, de communiquer en dur, avec le risque que certaines données soient fuitées ou utilisées de façon malveillantes, comme l'email ou le nom. Celles-ci ne sont en effet pas nécessaires au bon fonctionnement du ciblage publicitaire. C'est, à ce titre, une bonne alternative pour tous ceux qui refusent de communiquer leur email aux sites auprès desquels ils veulent accéder. L'autre point positif, c'est que l'utilisateur pourra également voir l'identité de toutes les entreprises qui ont accédé à son profil et bloquer, si nécessaire, celles dont il ne veut plus à l'avenir. "Les valeurs véhiculées par un tel projet, qu'il s'agisse de s'appuyer sur le consentement de l'internaute, de le partager au cas par cas et de ne traiter que des données non personnelles, sont les bonnes", estime Mathieu Roche, fondateur de la solution d'identification d'ID5.

"La notion de vie privée n'existe pas dans l'absolu, elle n'existe que quand on est sur Le Monde ou Le Figaro"

On se rapproche d'un concept en vogue depuis quelques années, le VRM, pour vendor relationship management, qui consiste à prendre le contrepied du CRM traditionnel en laissant au consommateur l'initiative de la prise de contact. C'est, par exemple, un intentionniste auto qui accepte de communiquer des données personnelles à des marques susceptibles de lui proposer des offres intéressantes.

Ceci étant dit, les zones d'ombres sont encore nombreuses. Qui pour héberger une telle base de données ? Et qui pour l'opérer et notamment gérer les droits d'accès des uns et des autres ? Adtech Explained ne le dit pas mais deux pistes apparaissent comme les plus crédibles. Il pourrait d'abord s'agir d'une organisation indépendante, type IAB Tech Lab, avec toutes les limites qu'une telle gouvernance comporte : notamment du côté des ressources disponibles. "Pour évangéliser le marché à un tel projet, il faut communiquer massivement dessus, ce que peut difficilement faire une association comme le Tech Lab", estime Mathieu Roche. L'autre alternative, c'est de confier les clés du camion à un acteur comme Google ou Apple. Evidemment impensable au regard des enjeux qui pèsent en matière de privacy.

Si les intentions sont louables, Mathieu Roche n'est pas convaincu de la pérennité d'un projet qui repose essentiellement sur les épaules des internautes. "Il y a déjà des sociétés comme Kili ou Lockr qui proposent de rémunérer l'internaute pour ses données personnelles mais ça ne prend pas." La raison ? Une paresse évidente quand il s'agit de prendre des initiatives. "L'internaute lambda n'est pas préoccupé par sa vie privée au point de passer du temps à donner ses données aux quelques élus qu'il a choisis", ajoute Mathieu Roche. Le fondateur d'ID 5 estime qu'un tel trade-off, des données contre un service, ne peut fonctionner que s'il est géré au niveau de l'éditeur. "La notion de vie privée n'existe pas dans l'absolu, elle n'existe que quand on est sur Le Monde ou Le Figaro", estime le dirigeant.

Cet article est également publié dans Adtech News, supplément papier du magazine CB News réalisé par le JDN, dédié à l'adtech et au martech. Dans l'édition d'octobre, un dossier sur Apple, Google et l'email marketing, une interview de Hyundai sur l'internalisation de l'achat média, un focus sur Implcit et le baromètre du programmatique