Le M2M, nouvelle « niche » des opérateurs virtuels ?

Le marché des MVNO est très concurrentiels. Pourtant tous les MVNO ne sont pas des acteurs low cost grand public. Le tiers des MVNO dans le monde (sur 800) sont du domaine B2B et notamment le M2M.

Avec la fin des offres avec engagement, la démocratisation des offres d’abondance, la baisse des prix en itinérance et les consolidations enclenchées sur les différents marchés télécoms, le business des Opérateurs Virtuels (MVNO) sur le marché grand public s’essouffle et ces petits acteurs au positionnement autrefois très différenciant n’animent plus la concurrence.
Mais certains n’ont pas attendu de voir leurs revenus B2C s’éroder pour chercher de nouveaux relais de croissance. Certains segments de marché B2B - où la conjoncture est meilleure et sur lequel les approches orientées services plutôt que réseau sont en train de s’imposer - constituent une alternative intéressante pour les MVNO désireux de développer de nouvelles offres. En se spécialisant d’emblée ou en se positionnant très tôt sur le marché du Machine-to-Machine (M2M) par exemple, quelques MVNO - tels qu’Aeris, Kore Telematics ou récemment Transatel - ont pris une longueur d’avance sur leurs concurrents opérateurs de réseaux (MNO) qui se sont désintéressés de ce marché à ses prémices.

Jusqu’à présent un peu en deçà des prévisions, le marché du M2M commence à décoller grâce la montée en puissance de ses principaux domaines d’applications
qui sont l’automobile, l’électronique grand public et les utilities, atteignant un chiffre d’affaires de 24.2 milliards d’euros en 2013.
Et grâce à la diffusion rapide à d’autres secteurs d’activité, l’Idate prévoit en Europe une croissance annuelle du M2M en volume de 20% à 30% sur les 5 prochaines années. En parallèle, les analystes anticipent une décroissance rapide de la part de la connectivité dans les revenus M2M poussant ainsi les MNO à entamer une montée sur la chaine de valeur M2M afin de proposer des offres plus complètes et « bout-en-bout ».
Depuis quelques années une rationalisation de la concurrence sur les différents segments de cette chaine de valeur M2M s’observe avec de nombreux rapprochements via des acquisitions ou création et renforcement d’Alliances. Certains MVNO ont su, quant à eux, amorcer ce changement en passant rapidement du statut de simples revendeurs de connectivité low-cost au statut de fournisseurs de solutions M2M horizontales innovantes, agiles et flexibles se différenciant ainsi de leurs concurrents MNOs en privilégiant souvent des approches verticales très standardisées.
Avec ces différents mouvements en train de s’opérer le long de la chaine de valeur du M2M, on peut facilement imaginer que les acteurs des segments de l’équipement (constructeurs d’objets connectés tels que wearable devices, tablettes ou automobiles) et de l’applicatif vont chercher des partenaires leur permettant de compléter leur offre de base avec une solution de connectivité managée.
Des collaborations qui devront par ailleurs pouvoir se faire à une échelle internationale en tenant compte des contraintes rencontrées par ces acteurs qui nécessitent une gestion dynamique de leur IMSI afin de s’adapter au mieux aux besoins de leurs clients finaux. En effet, dans le cas de certains constructeurs, les cartes SIM sont insérées au début du processus de fabrication. L’équipement peut ensuite être envoyé et utilisé dans un pays différent de celui de sa fabrication ce qui complexifie la gestion de sa connectivité et nécessite la mise à jour à distance de la carte SIM.
Une équation difficilement solvable par un seul et unique opérateur de réseau, en témoigne le récent rachat de Cobra Automotive par Vodafone pour 145 millions d’euros afin d’étendre sa couverture de services télématiques. Et contrairement aux MNO, les MVNE (enabler) et MVNO – du fait de leur approche et leur infrastructure - disposent quant à eux de l’expertise et l’agilité suffisantes pour délivrer rapidement des services M2M innovants à ces opérateurs tiers.
Certains opérateurs alternatifs ont en effet déjà en place des solutions multi-opérateurs et multi-IMSI permettant de contourner les lacunes des solutions de connectivité proposées par les grands acteurs télécoms.
Par ailleurs, leur plateforme de services permet d’offrir à leurs clients des solutions flexibles répondant à leur besoin de provisioning, de facturation, de gestion et traitement des données (via des portail web, API et outils de BI) et de création d’offres sur mesure, tant prepaid, postpaid que wholesale pour le cas d’offres B2B2C.
Enfin, leur organisation et leur structure de coûts light leur permettent de s’adapter et proposer des solutions sur-mesure qu’un opérateur de réseau aux processus très standardisés aura du mal à proposer. Une agilité qui leur offre également la possibilité d’adresser des segments de niche et des tailles de deals plus modestes – mais en nombre sur ce marché du M2M en cours de consolidation.
Un tout qui en fait des partenaires idéaux pour tout acteur souhaitant entrer sur le marché du M2M. Mais également des cibles parfaites pour des acteurs M2M à la recherche d’acquisitions dans le but d’étendre leur couverture, leur expertise ou leur part de marché.
A mesure que la concurrence va s’intensifier de la part des MNO et pure players, la segmentation des deals M2M va se poursuivre. Les MVNO devront continuer à tirer leur épingle du jeu afin de sécuriser leur croissance : en nouant des alliances pertinentes leur permettant de répondre à des deals plus important; ou en redoublant d’innovation afin de rester positionnés sur des offres difficilement adressables par les gros acteurs du marché.
 
Jean-Michel HUET, Partner, BearingPoint et Estelle HUYNH, Senior Consultante, BearingPoint