Comment Xavier Niel tisse sa toile dans les télécoms hors de France

Comment Xavier Niel tisse sa toile dans les télécoms hors de France Israël, Monaco, la Suisse, l’Italie mais aussi l’Océan Indien ou Singapour, Xavier Niel s’est créé un joli tissu de participations dans des opérateurs étrangers.

On ne présente plus Xavier Niel, le fondateur et principal actionnaire de Free. On connaît son intérêt pour les start-up, que ce soit à travers son fonds personnel, Kima Ventures (Plyce, Leetchi...), la presse écrite (Le Monde, L'Obs), les medias en ligne (Mediapart, Causeur, Électron libre, Atlantico), l'audiovisuel (Nextradio TV, Numéro 23), l'enseignement (Ecole 42), l'incubation de start-up (Halle Freyssinet), l'immobilier (NJJ Immobilier), etc. On connaît moins, en revanche, son appétit pour des opérateurs télécoms à l'étranger, opérateurs au profil extrêmement variés pour des opérations de nature très diverses.

Une stratégie dont le coup d'envoi a été donné en 2011 lorsque Xavier Niel prend, à titre personnel, 30% de l'opérateur israélien Golan Telecom que vient de lancer Michaël Boukobza, l'ancien directeur général de Free. Un investissement audacieux dans un pays avec cinq opérateurs (dont Hot Mobile, propriété de Patrick Drahi, le principal actionnaire de SFR) pour 8 millions d'habitants. Conséquence de la guerre des prix, Golan Telecom (850.000 abonnés et 118 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2015) cherche aujourd'hui à s'adosser à un partenaire (un rachat par son concurrent Cellcom pour 277 millions d'euros avait été conclu en novembre dernier avant d'être bloqué par le gouvernement). 

2014, l'année de l'accélération

Monaco Telecom, le premier rachat de Xavier Niel en Europe

Autre investissement, les 55% de Monaco Telecom rachetés par NJJ Capital, l'une de ses nombreuses holdings personnelles, à Cable & Wireless en avril 2014 pour 322 millions d'euros. Un investissement inattendu dans un opérateur atypique, en situation de quasi-monopole et qui pratique des tarifs élevés. Avec dans l'idée de faire de Monaco Telecom une sorte de plateforme de l'innovation dans un environnement très concentré (2 km²) auprès de résidents disposant d'un pouvoir d'achat conséquent même si son arrivée s'est d'abord traduite par un récent plan de départs volontaires d'une cinquantaine de collaborateurs sur 270. Autre volet significatif de l'activité de Monaco Telecom, ses partenariats techniques (installation, exploitation, maintenance) pour le compte d'opérateurs étrangers (Planor au Mali, PTK au Kosovo, Azur Telecom en Centrafrique, au Congo et au Gabon). Seule participation directe, l'afghan Roshan (de l'ordre de six millions d'abonnés) dont Monaco Telecom détient 36,7%. L'opérateur est également le prestataire technique d'OnAir, un système d'accès à Internet à bord des avions. Une présence internationale qui représente 40% du chiffre d'affaires de Monaco Telecom (160,7 millions d'euros pour un résultat net de 29,9 millions d'euros en 2014) mais dont Xavier Niel ne semble pas faire une priorité. "Avec ses diverses holding personnelles, il a déjà les structures nécessaires pour ce type d'opérations" relève un familier du groupe. 

T-Mobile USA : la fin du rêve américain ?

Après Monaco Telecom, tout s'accélère dans la torpeur de l'été 2014, lorsqu'Iliad, la maison-mère de Free, effectue une offre surprise de 15 milliards de dollars sur T-Mobile USA, la filiale américaine de Deutsche Telekom. Quatrième opérateur mobile américain, ce dernier est culturellement proche de Free. D'abord incrédules (T-Mobile USA est cinq fois plus gros qu'Iliad), les observateurs prennent finalement l'affaire au sérieux même si l'offre – malgré une amélioration de sa proposition initiale – n'aboutit pas. Un échec qui n'a pas entamé son déploiement à l'étranger.

Salt, l'un des opérateurs les plus rentables d'Europe

Fin 2014, Xavier Niel - à travers NJJ Holding - s'offre Orange Suisse (1,2 milliard d'euros de chiffre d'affaires en 2014 et 2,1 millions de clients), rebaptisé Salt depuis, le numéro trois local, racheté à Apax Partners pour 2,3 milliards d'euros. Une belle opportunité ainsi qu'un risque mesuré sur un marché considéré comme le plus rentable d'Europe ! Avec quelques turbulences toutefois avec le départ, six mois après cette prise de contrôle, de la moitié des membres du comité exécutif. Fin 2015, près de 70 collaborateurs (sur un total de 900) quittent également le groupe. A noter enfin la démission surprise, début décembre, de Johan Andsjö, directeur général de l'opérateur depuis octobre 2012. L'intérim est assuré par Pierre-Alain Allemand, un ex-SFR.           

Autre zone d'influence, l'Océan indien où Iliad s'est associé à 50/50 à Telma, un opérateur malgache, pour reprendre les activités d'Outremer Telecom (ex-Altice) à Mayotte et à la Réunion en octobre 2015, les deux partenaires décrochant simultanément - via NJJ Capital cette fois - une licence de téléphonie mobile aux Comores.  

Des investissements "opportunistes"

En Asie, Xavier Niel dispose depuis 2014 d'un petit ticket (8 millions de dollars) dans My Republic, un FAI singapourien spécialisé dans la fibre optique. Également présent en Nouvelle-Zélande et en Indonésie, ce dernier a aussi des projets en Australie et en Malaisie.

Reste Telecom Italia dont NJJ Holding détient potentiellement plus de 15% du capital depuis l'automne 2015 à travers divers instruments financiers, sans droit de vote. Une manière d'anticiper une éventuelle concentration en Europe, dont Telecom Italia (détenu à 20,5% par Vincent Bolloré) pourrait faire partie. Un contexte dans lequel Xavier Niel n'a jamais dissimulé son intérêt pour un opérateur comme le belge Mobistar (majoritairement détenu par Orange), par exemple.

Une stratégie d'acquisitions souvent difficile à décrypter compte tenu du caractère disparate (profils des cibles, montages financiers) de ces diverses opérations, généralement aux antipodes du positionnement de Free dans l'Hexagone. " Xavier Niel est très opportuniste et le risque toujours mesuré. Il agit d'abord en fonction du potentiel de développement et d'amélioration de la performance économique des opérateurs concernés " estime un bon connaisseur du groupe.