Échanges numériques : comment la France tire son épingle du jeu

Avec l'épidémie de Covid-19, près de la moitié de l'humanité s'est retrouvée confinée à domicile. Les réseaux de communication ont permis d'offrir au plus grand nombre l'accès aux outils collaboratifs leur permettant de télétravailler, d'apprendre ou de rester en contact avec leurs proches. Les échanges numériques ont pu se faire grâce aux câbles sous-marins et aux hubs d'interconnexion. La France, qui en compte deux sur son territoire, dispose d'un atout stratégique de tout premier ordre.

Avec la crise sanitaire due à l’épidémie de Covid-19, près de la moitié de l’humanité s’est retrouvée confinée à domicile. En France, malgré un timide déconfinement, la vie ne reprendra pas son cours normal avant plusieurs mois. Partout, les êtres humains ont dû s’adapter pour continuer à travailler - souvent à distance - pour poursuivre l’éducation et l’apprentissage des plus jeunes, pour continuer à vivre tout simplement.

Au cours de cette période, l’interconnexion des réseaux de communication a permis d’offrir  au plus grand nombre l’accès aux outils collaboratifs leur permettant de télétravailler, d’apprendre à distance ou de rester en contact avec ses proches. L’essentiel des échanges numériques ont pu se faire grâce aux câbles sous-marins, véritables héros de l'Internet. D'une épaisseur de quelques centimètres, ces éléments d'infrastructure de communication composés de quelques fibres optiques ont une capacité totale allant jusqu'à 200 téraoctets par seconde. Une fois déployés, ces câbles, qui se fondent discrètement dans les profondeurs de l'océan, transmettent plus de 95 % du trafic Internet mondial.

La France dispose d’un atout stratégique de tout premier ordre avec deux nœuds d’interconnexion parmi les 10 plus importants de la planète. D’une part, Paris, qui profite d’un emplacement central en Europe, et Marseille, le plus récent et le plus prometteur, qui bénéficie de la position unique choisie par les phocéens de l’Antiquité pour faire de leur ville un carrefour central des échanges en Méditerranée. L’importance de la cité phocéenne dans les échanges mondiaux de biens et de marchandises d’abord, va encore se renforcer au cours des années à venir en tant que place forte de l’Internet mondial, en partie grâce à la densité de câbles sous-marins arrivant sur ses côtes.

La clé de la réussite de ces câbles sous-marins, existants ou en projet, réside dans la qualité et le positionnement stratégique de leurs emplacements d’atterrage sur notre globe : choisir les bons data centers de colocation ou stations d’atterrage de câble au bon endroit. Là où les câbles sous-marins atterrissent, les équipements de terminaison des lignes sous-marines (SLTE) s’interconnectent avec les réseaux terrestres.

Marseille, 9ème hub Internet mondial

Marseille est aujourd’hui reconnu par Telegeography, un organisme d’études reconnu dans les Télécommunications, comme le 9ème hub Internet mondial, situé juste après New York et devant Hong Kong. C’est également le centre d'interconnexion qui connaît la plus forte croissance en Europe. Son emplacement stratégique au cœur de la Méditerranée fait de la ville une véritable porte d’accès numérique entre l'Europe, l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Asie. 14 câbles sous-marins y atterrissent, 160 opérateurs de télécommunications internationaux et nationaux, 6 points d’échange Internet et 14 plates-formes et réseaux de distribution de contenu y sont hébergés. Des milliers d’interconnexions physiques sont abritées dans certains data centers clés de la cité phocéenne pour permettre d’alimenter les quelques 4,5 milliards d’utilisateurs mobiles accessibles depuis Marseille grâce aux câbles de télécommunication.

Aujourd'hui, avec l'évolution des technologies et des modèles commerciaux des consortiums d’opérateurs de câbles sous-marins, la création de nouveaux hubs côtiers d'interconnexion, tels que Marseille, s’avère de plus en plus difficile.

Marseille, le dernier hub côtier d’interconnexion à avoir émergé ?

Les routes d’échanges numériques d’aujourd’hui portées par les câbles sous-marins sont les héritières des grandes routes commerciales d’hier : il est heureux de constater que celles-ci empruntent exactement les mêmes tracés. Aux carrefours commerciaux qu’étaient Constantinople, Samarkand ou Alexandrie se sont substitués des nœuds d’échanges numériques tels que Francfort, Paris ou Marseille. Les ports sous l’antiquité ou au Moyen-Âge, et les sites d’atterrage des câbles sous-marins, sont les portes d’entrée des marchandises et données échangées. Leurs infrastructures se prolongent vers les communautés de consommateurs : voies romaines ou fluviales, forums et marchés hier ; réseaux Télécom terrestre ou sous-marin et data centers aujourd’hui.

Pour autant, tous les points d’atterrage côtiers n’ont pas pour vocation de devenir des hubs côtiers d’interconnexion.

Ainsi, lorsqu'un câble sous-marin atterrit, ses équipements de terminaison (SLTE) devaient, à l’origine, se situer à proximité de la côte. Aujourd’hui, les innovations technologiques permettent de placer les SLTE à plusieurs centaines de kilomètres du littoral. Si l’on devait faire atterrir un système de câble sous-marin sur la côte atlantique, au Portugal ou en Espagne, il serait désormais possible de positionner son SLTE dans un campus de data center à Madrid. Cette rupture technologique est clé puisqu’elle fournit un accès direct à un hub stratégique hébergeant déjà une communauté dense et mature d’acteurs du numérique auxquels se connecter pour échanger de la donnée, des services et applications. Les opérateurs de câbles sous-marins peuvent donc étendre leurs réseaux jusqu’aux grands centres urbains et les connecter au plus près de centaines de millions de consommateurs. Ces perspectives ouvrent des possibilités d’une croissance considérable pour les hubs d’interconnexion majeurs existants.

Dans ce contexte, les hubs côtiers d’interconnexion existants tirent particulièrement leur épingle du jeu. En effet, ils permettent aux consortiums de câbles sous-marins de trouver en un seul lieu une présence massive de tiers auxquels se connecter, à proximité des utilisateurs, et ce à moindre coût puisqu’ils évitent les dépenses associées aux réseaux terrestres nécessaires pour rejoindre d’autres hubs. 

Il semble donc que Marseille ait émergé au bon moment dans la carte des échanges numériques mondiaux. Avec un écosystème mature d’acteurs du numérique présents en masse et un chiffre en perpétuelle progression du nombre de câbles sous-marins arrivant sur ses côtes, l’avenir de la cité phocéenne est assuré… Il s’agit là très probablement du dernier véritable hub d'interconnexion établi à proximité de la mer en Europe.