Installation des antennes 5G

Le déploiement de la 5G suscite de nombreux débats en France. Récemment, le Conseil d'État a pu rappeler que celui-ci respectait le principe de précaution (CE, 31 décembre 2020, Syndicat CFE CGC Orange et autres, n°438240). Parallèlement, via le Plan de relance, le Gouvernement favorise son développement. Mais quelles sont les règles relatives à l'implantation des antennes 5G ? Un maire (ou un riverain) peut-il s'y opposer ?

Rappel de la règlementation encadrant l’implantation d’une antenne relais

Pour implanter une antenne relais, l’opérateur de télécommunication devra tout d’abord fournir un dossier d’information puis solliciter l’obtention d'une autorisation d’urbanisme et, éventuellement, des autorisations d’occupation du domaine public.

Le dossier d’information concernant l’implantation d’une antenne relais devra être communiqué au maire de la commune concernée au moins un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme. Le maire de la commune pourra, s’il le souhaite, accepter un délai plus court.

De manière exceptionnelle, jusqu’au 31 décembre 2022, la modification d’une antenne relai existante afin de lui permettre de diffuser le réseau 4G, ne nécessitera pas le dépôt d’un dossier d’information. Cette mesure ne concerne toutefois pas les travaux ayant pour objet d’étendre ou de rehausser de manière substantielle le support de l’antenne relais.

La composition du dossier est prévue par un arrêté du 12 octobre 2016[1], il inclut notamment une synthèse en langage non-technique, une description des phases de déploiement, un calendrier indicatif, un document récapitulant l’état des connaissances scientifiques et des régulations concernant les radiofréquences.

En complément, le dossier d’information pourra inclure une simulation de l’exposition aux champs électromagnétiques générée par l’installation, si le maire en a fait la demande dans les huit jours suivant la réception du dossier.

Suite à la réception du dossier d’information par la mairie, le dossier devra être mis à disposition des administrés dans les dix jours[2]. Si le maire le souhaite, il pourra recueillir les observations du public dans les trois semaines suivant la mise à disposition du dossier.

  • Deuxième étape : Obtenir une autorisation d'urbanisme

La construction d’une antenne relais sera conditionnée à l’obtention d’un permis de construire ou d’une déclaration préalable. 

L’antenne relais devra faire l’objet d’une déclaration préalable dès lors que son emprise au sol et sa surface de plancher, incluant les locaux ou installations techniques, dépasse 5m² et est inférieure ou égale à 20m² (Article R.421-9 du code de l’urbanisme). 

La hauteur de l’antenne relais n’aura donc pas d’influence sur le régime de l’autorisation d’urbanisme s’appliquant.

Le permis de construire sera obligatoire, uniquement dans l’un des cas suivants :

-       L’emprise au sol ou la surface de plancher de l’antenne relais dépasse 20m²

-       L’antenne relais est implantée dans le périmètre de sites patrimoniaux remarquables ou aux abords des monuments historiques et des sites classés ou en instance de classement.

De plus, dans certains cas, les décisions attribuant une autorisation d’urbanisme pour l’implantation d’une antenne relais ne peuvent pas être retirées par l’administration. Cette disposition concerne uniquement les autorisations accordées entre le 23 novembre 2018 et le 31 décembre 2022 (Article 222 loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique). 

Enfin, les implantations d’antennes relais sont exclues de l’obligation de respecter le principe de continuité de l’urbanisation en montagne (article L.122-3 du code de l’urbanisme), ainsi que de l’obligation d’obtenir un avis conforme de l’Architecte des bâtiments de France (article L.632-2-1 du code du patrimoine).

  • Troisième étape : Obtenir une autorisation d'occupation du domaine public ou un droit de passage

Les autorisations d’occupation du domaine public accordées afin de permettre l’implantation d’une antenne relais dérogent aux obligations de publicités et de mise en concurrence préalables (Article L2122-1-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques).

En effet, une convention d’occupation du domaine public n’est pas un contrat soumis au code de la commande publique, comme par exemple les marchés publics. Notons en revanche que si la commune construit pour son compte une antenne relais, elle pourrait être dans l’obligation de conclure un marché public pour la réalisation des travaux d’établissement et de construction.

Sur le domaine public routier et les réseaux publics relevant du domaine public routier et non-routier, les opérateurs de télécommunication disposent d’un droit de passage. En conséquence, le maire de la commune sur le territoire de laquelle est située l’antenne, aura l’obligation de leur attribuer les autorisations d’occupation du domaine public (article L.45-9 du code des postes et communications électroniques) et des autorisations de passage.

En revanche, sur le domaine public non-routier, le maire à la faculté de leur attribuer une autorisation d’occupation, mais il n’en a pas l’obligation (CE, 27 mai 2020, n°430972).

Pour mémoire, le domaine public routier correspond à l’ensemble des biens du domaine public de l’État, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées (Article L.111-1 du code de la voirie routière).

Qui peut s'opposer à l'implantation d'une antenne relais et comment ?

D’une part, le maire de la commune pourrait s’opposer à l’implantation d’une antenne relais en refusant d’accorder l’autorisation d’urbanisme demandée par l’opérateur de télécommunication. D’autre part, des tiers à la construction de l’antenne relais, tels que des voisins, ou une association pourraient contester son implantation, c’est-à-dire l’autorisation d’urbanisme.

  • Premier cas de figure : l'opposition du maire

Le maire pourrait refuser d’accorder une autorisation d’urbanisme (permis de construire notamment) en justifiant sa décision de rejet sur les éléments suivants.

-       L’opérateur n’a pas respecté l’obligation de mutualisation, alors que cette dernière était faisable techniquement (article D.98-6-1 du code des postes et communications électroniques).

-       L’opérateur n’a pas assuré l’exposition aux champs électromagnétiques émis par l’antenne la plus faible possible tout en assurant la qualité de la réception, alors qu’un établissement scolaire, une crèche ou un établissement de soin se trouve dans les 100 mètres entourant le lieu d’implantation prévu de l’antenne relais (article 5 du décret n°2002-775 du 3 mai 2002).

Concernant ce fondement, le maire devra toutefois apporter des éléments scientifiques démontrant l’existence d’un risque pour les usagers du bâtiment (CE, 30 janvier 2012, Société Orange France, n°344992).

-       L’opérateur a effectué une déclaration préalable de travaux alors que l’emprise au sol et la surface de plancher de l’antenne relais, et de ses locaux et installations techniques, dépassent les 20m2. Dans ce cas, le maire a l’obligation de s’opposer aux travaux et d’inviter l’opérateur à déposer une demande de permis de construire (CE, 9 juillet 2014, Commune de Chelles, n°373295).

-       L’opérateur a prévu d’installer une antenne relais sur un immeuble qui n’est pas conforme aux dispositions du plan local d’urbanisme (PLU), et son installation ne participe pas à mettre l’immeuble en conformité (CE, 27 mai 1989, Sekler, n°51172 ; Pour un exemple d’application aux antennes relais : TA Versailles, 2 juin 2020).

-       L’opérateur ne respecte pas les dispositions du plan local d’urbanisme qui ont pour objet la préservation des sites et des paysages urbains et qui font l’objet d’une motivation dans le rapport de présentation (CE, 17 juillet 2013, SFR, n°350380).

-       Le projet est de nature à porter atteinte à :

o   La salubrité ou la sécurité publique (Article R.111-2 du code de l’urbanisme),

o   L’environnement (Article R.111-15 du code de l’urbanisme),

o   Le caractère ou l’intérêt des lieux avoisinants ou des sites et paysages (Article R.111-21 du code de l’urbanisme),

o   La protection des monuments historiques (article L.621 et suivants du code du patrimoine) et des sites classés ou inscrits (article L.341-1 et suivants du code de l’environnement).

En revanche, le maire ne peut s’opposer au déploiement d’antennes relais sur sa commune au titre de son pouvoir de police générale, puisqu’il empièterait sur le pouvoir de police spécial des communications électroniques qui est accordé au ministre des communications électroniques, à l’Arcep et à l’ANFR (CE, assemblée, 26 octobre 2011, Commune de Saint-Denis, n°326492). 

En conséquence, le maire ne pourra pas inscrire au plan local d’urbanisme, ni par un arrêté, une interdiction totale des antennes relais sur le territoire de la commune. 

Le maire ne pourra pas non plus invoquer le principe de précaution, puisque le Conseil d’État considère qu’il n’y a pas d’éléments démontrant l’existence d’un risque pour la santé humaine (CE, 30 janvier 2012, Société Orange France, n°344992 ; CE, 31 décembre 2020, Syndicat CFE CGC Orange et autres, n°438240).

Notons qu'en cas de refus du maire, l'opérateur pourra contester la décision du maire, dans un délai de deux mois suivant cette décision, soit auprès du maire, soit en saisissant le Tribunal administratif.

Ce recours au fond pourra également être accompagné d’un référé en suspension de la décision litigieuse. Ce référé suspension sera accordé par le juge si le requérant démontre une situation d’urgence, ainsi qu’un doute sérieux quant à la légalité de la décision (article L.521-1 du Code de justice administrative).

Or, il existe, pour le cas des opérateurs ayant souscrit à des obligations de déploiement et de couverture du territoire, une présomption d’urgence. L’urgence sera constituée quand bien même le territoire en question serait déjà couvert par l’opérateur (CE, 26 octobre 2011, SFR, n°341767).

  • Second cas de figure : le recours d'un riverain ou d'une association

Dans l'hypothèse où le maire accorde une autorisation d'urbanisme à l'opérateur, un riverain à l'opération d'implantation de l'antenne relais (ou de sa modification), pourrait contester cette autorisation et plus particulièrement faire un recours contre le permis de construire. 

Pour ce faire ils disposeront d’un délai de 2 mois à compter de l’affichage régulier sur le terrain de l’autorisation d’urbanisme (article R.600-2 du code de l’urbanisme) pour contester le permis.

Ce recours devra être effectué soit auprès du maire, soit directement auprès du Tribunal administratif.

Ils devront également démontrer un intérêt à agir contre la décision d’attribution. Celui-ci sera par exemple acquis pour l’administré riverain du lieu d’implantation de l’antenne relais.

Il pourra également être admis pour les associations justifiant des critères suivants (article L.600-1-1 du code de l’urbanisme) :

-       L’association a été déclaré en mairie un an avant l’affichage de l’autorisation d’urbanisme.

-       L’association a prévu dans ses statuts un objet social pertinent et suffisamment précis et localisé.

-       L’association a prévu dans ses statuts la possibilité d’effectuer des recours en matière d’urbanisme et a donné qualité à l’un de ses membres pour la représenter en justice.

Le recours pourra se fonder sur les mêmes éléments que nous avons développé précédemment dans le cadre d’une décision de rejet du maire : méconnaissance de la procédure de délivrance de l'autorisation, non-respect des règles du PLU, hauteur non-conforme aux règles d'urbanisme, etc...

Les opérateurs télécoms doivent donc être tout à la fois vigilant aux respects régissant l'implantation des antennes relais, notamment les règles locales d'urbanisme (PLU, carte communale), mais également à la légalité des  motifs qui pourraient leur être opposés en cas de refus de leur demande d'implantation d'une antenne relais.

[1] Arrêté du 12 octobre 2016 pris en application des A et B du II de l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques et relatif au contenu et aux modalités de transmission des dossiers d'information et des dossiers établissant l'état des lieux des installations radioélectriques soumises à avis ou à accord de l'Agence nationale des fréquences.

[2] Décret no 2016-1211 du 9 septembre 2016 relatif à l’information locale en matière d’exposition du public aux champs électromagnétiques et au comité national de dialogue de l’Agence nationale des fréquences