Numérique & zones rurales : et si la mutualisation était la solution pour contrer une France à deux vitesses ?

Alors que le numérique transforme notre quotidien, toutes les entreprises et surtout les collectivités ne sont pas logées à la même enseigne.

Cela est souvent dû à un manque de ressources financières et de compétences humaines. Or, les collectivités territoriales où qu’elles soient, font de plus en plus appel au numérique pour les services qu’elles proposent à leurs administrés et pour la gestion quotidienne de l’espace public. Face à ces enjeux essentiels d’égalité des territoires, la question des solutions se pose afin d’éviter une France à deux vitesses, avec d’un côté les villes qui développent de nouveaux services et d’un autre, les collectivités rurales qui peinent à réunir les conditions d’une même trajectoire.

Infrastructures numériques rurales : problématique réglée par la mutualisation 

Entre 2017 et 2022, plus de 6 millions de locaux en zone rurale sont devenus éligibles à la fibre optique (FTTH). C’est l’un des constats les plus forts de l’apport du Plan France Très Haut Débit à l’égalité d’accès des français aux services numériques de nouvelle génération. Ce succès est notamment dû à la mobilisation collective des collectivités, souvent organisées autour d’une entité fédératrice d’envergure départementale ou régionale, de l’Etat et des acteurs privés à partir d’un cadre stable et prévisible. Cette organisation a permis un passage à l’échelle, embarquant les collectivités rurales vers l’objectif inaccessible avant 2013 d’une couverture FTTH généralisée, désormais prévisible à court terme.

Entraînées dans un même mouvement et un même projet, ces collectivités, de quelques dizaines d’habitants à plusieurs milliers, ont pu bénéficier, en quelques années seulement et dans une équation financière optimale, d’un équipement en infrastructures numériques, essentiel pour affronter les défis actuels et futurs, tout particulièrement lorsque le réseau téléphonique cessera définitivement de fonctionner.

Probablement, également que l’un des grands acquis de cette période repose sur l’existence de ces nouveaux syndicats numériques, entités publiques de confiance réunissant ingénierie financière et technique et porteuse de projets pour le territoire. A l’aube du passage vers les usages, voilà bien des « chefs de projets » qui semblent naturels pour mettre le numérique au service des transitions que nous vivons, économique, sociétale et écologique !

Car avec le déploiement de ces nouvelles infrastructures numériques, tout un pan de réflexions est dédié à leur rôle et aux usages qu’elles peuvent porter. Les services publics se numérisent toujours plus (en faveur de la performance énergétique, de la mobilité, etc.) afin de proposer des services innovants en lien étroit avec les politiques publiques. Cela se traduit par une mise en œuvre de solutions un peu plus complexes pour renouveler leur façon de gérer leurs services auprès des entreprises du territoire, de leurs administrés, etc.

C’est le cas de la vidéoprotection (ou vidéosurveillance), aujourd’hui devenu un enjeu majeur pour de nombreuses collectivités, répondant à plusieurs besoins utiles : gestion de la circulation, dépôt sauvage d’ordures, identification du début d’un incendie ou encore comme moyen de dissuasion contre la violence, etc.

Les premiers usages des dispositifs très bas débit permettent de contrôler la qualité de l’air dans les bâtiments ou l’éclairage public en l’automatisant, d'améliorer la prévention et la gestion de crise, etc. Les métropoles ou les grandes villes en sont souvent déjà équipées.

C’est une toute autre histoire pour les zones rurales et les petites villes, qui, seules, par manque de ressources budgétaires ou de compétences humaines, ne peuvent satisfaire les mêmes usages alors que les besoins sont souvent les mêmes. En effet, ces technologies nécessitent des spécialistes, qui ne sont pas assez nombreux dans les zones rurales. Ces villes font alors avec « les moyens du bord » et mettent souvent en place des solutions peu qualitatives ou n’agissent pas. C’est le cas avec la vidéoprotection par exemple. Les collectivités stockent les images récoltées sur des serveurs non sécurisés et rangés dans des lieux inadéquats, qu’elles n’exploitent souvent pas, par manque de disponibilité. 

En 2023, la logique de territoires connectés et durables doit pouvoir apporter à ces collectivités rurales des plateformes techniques et technologiques satisfaisantes pour leur faire bénéficier des mêmes services avec un niveau de qualité optimisé et durable. 

Territoires connectés et mutualisation des services : la clé pour la fin d’une France à deux vitesses !

Après avoir réussi les infrastructures, évitons une “France aux usages numériques à deux vitesses”. Car le constat est sans appel : le numérique durable et responsable permet de faire beaucoup de choses et doit être déployé partout et pour tous. Les communes rurales ont les mêmes besoins que les zones urbaines en services numériques. Les services innovants, le plus utilisés par les grandes villes, révolutionnent également la façon dont les collectivités territoriales gèrent leur territoire, accompagnent les entreprises et facilitent la vie de la cité. 

Ce sujet d’aménagement des territoires connectés pour tous pourrait être solutionné par un nouveau cycle de programmation, s’inspirant grandement des ingrédients du Plan France THD, grâce à la mutualisation des services entre communes avec l’objectif de créer, organiser et exploiter un réseau dédié et partagé à l’ensemble des collectivités et acteurs publics du territoire. 

Au-delà de l’économie d’échelle réalisée, il s’agirait d’un réseau complet et autonome qui produirait en totale indépendance les services numériques des collectivités en y incluant l’ensemble de la chaîne technique : infrastructure de transport, plateformes de services, centre de données, centre de supervision et de commande. L’idée est d’avoir une maîtrise publique totale, de garantir sa résilience, sa disponibilité mais également d’assurer en pleine souveraineté, le stockage, la sécurité et le contrôle des données générées. L’entité fédératrice porteuse devient ainsi l’opérateur public des services numériques pour l’ensemble du territoire en proposant à la carte un panel illimité d’offres : services télécoms, vidéoprotection, usages innovants sur base d’IoT, etc.

Dans ce type de projet, la mutualisation garantit une cohérence économique, des coûts abordables pour chaque partie prenante ainsi qu’un meilleur niveau de service, alors inaccessible pour chaque commune unitairement. Ces travaux du “tout numérique” doivent s’appuyer sur les Réseaux d’Initiative Publique (RIP) existants comme socle aux nouveaux enjeux des territoires connectés. Les infrastructures déployées dans les zones rurales doivent faciliter et accélérer la mise en œuvre des usages utiles pour les territoires. Une nouvelle phase RIP de 3ème génération (après les réseaux de collecte entre les villes – RIP1 et la fibre jusqu’au logement – RIP2) est en train de voir le jour et les collectivités peuvent capitaliser sur les projets existants en les faisant évoluer pour y intégrer plus de services.

Au-delà de réduire les inégalités d’accès à Internet et d’accroître les usages du numérique appliqués aux territoires, il est primordial de se poser la question des bases de données territoriales. Elles existent. Posséder, analyser, traiter et revendre des statistiques sur les communes peuvent devenir des accélérateurs de la croissance économique locale. 

Si tant est que cette donnée ait été sécurisée ce qui, là encore, ne pourra se faire que si les départements mutualisent leurs efforts et leurs investissements !