Téléphones intelligents ou enfants intelligents?

À l'heure où une appli comme TenTen affole les médias et les enseignants, quel est l'impact réel de l'interdiction des smartphones dans les enceintes scolaires?

Le ministère de l'éducation chinois a interdit les applications nocives dans les écoles et la France a interdit l'utilisation des smartphones dans les écoles. Les téléphones mobiles sont actuellement interdits dans toutes les écoles publiques australiennes. 77% des écoles américaines déclarent interdire les téléphones portables à l'école pour un usage non académique. Cela inclut l'interdiction des téléphones sur les lieux de l'école, la remise des téléphones à l'arrivée à l'école, le rangement des téléphones ou le blocage de l'accès aux médias sociaux sur le Wi-Fi.

Les preuves de l'efficacité d'une interdiction des téléphones portables à l'école restent faibles et peu concluantes sur trois indicateurs principaux : les différences de réussite scolaire, les effets sur la santé mentale des élèves et la réduction du harcèlement à l'école. Selon les chercheurs, une interdiction ne fait pas vraiment de différence. Les téléphones mobiles sont utilisés de toute façon. Les élèves voient les interdictions de téléphone comme punitives, ce qui rend le climat scolaire moins égalitaire et moins positif. Cela ne signifie pas non plus que les écoles appliquent les interdictions. Plusieurs districts scolaires au Canada ont mis en œuvre des interdictions absolues puis les ont annulées car elles étaient trop difficiles à maintenir.

Mais que se passerait-il si l'on pouvait faire confiance aux politiques ? Devrions-nous considérer avec eux que l'utilisation des applications et des smartphones doit être interdite ou restreinte pour le bien de l'apprentissage et des apprenants ?

Une étude de 2015 de la London School of Economics a révélé que "dans les écoles où les mobiles étaient interdits, les scores des tests des élèves de 16 ans s'amélioraient de 6,4%". Les principales variables de cette étude étaient d'une part la "distraction" et son impact sur l'attention des étudiants "impressionnables" et d'autre part le "danger" représenté par des contenus potentiellement nocifs. Un rapport de 2023 d'une étude de 14 pays menée par l'UNESCO recommande une interdiction des smartphones à l'école pour les élèves de tous âges, et affirme que les données sont sans équivoque, montrant que les pays qui imposent des restrictions voient une amélioration des performances scolaires et moins de harcèlement.

En France, une expérimentation menée dans un collège a abouti à une conclusion plus radicale : "on ne pouvait pas vivre sans, maintenant on se parle". Se parler est dans ce cas l'indicateur choisi pour évaluer la qualité de l'apprentissage des élèves (et la qualité de vie).

Se parler ou améliorer les résultats des tests sont deux indicateurs (très différents) de réalisations d'apprentissage. Il serait simpliste d'attribuer de meilleurs résultats d'apprentissage à l'interdiction ou à la limitation des smartphones. Mais nous sommes tous d'accord pour dire que la concentration sur les tâches, la qualité du dialogue entre les élèves et les enseignants, la santé mentale des élèves, sont des indicateurs essentiels pour concevoir des parcours d'apprentissage réussis (et agréables).

C'est ce que j'appelle l'« Art de l'interaction », c'est-à-dire la capacité des enseignants et des étudiants à s'engager dans une conversation continue et granulaire pendant le processus d'apprentissage.

Cela remet-il en question le rôle de l'innovation numérique dans la salle de classe ? La Suède a récemment annoncé que les écoles du pays retireront la technologie numérique des salles de classe en raison de la mauvaise performance des élèves.

Nous disposons d'un ensemble croissant de données (et d'indicateurs) pour évaluer l'impact de la technologie dans l'éducation. John Hattie a fourni un cadre d'analyse complet de ce qui fonctionne dans l'éducation et l'impact des technologies spécifiques semble être nettement moins important que les modes d'apprentissage collaboratif, par exemple.

Le rôle de la technologie pourrait être redéfini et non annulé avec des outils numériques spécialement conçus pour une véritable interaction et une participation authentique entre les étudiants et avec l'enseignant.

Au lieu de se demander si une "désescalade numérique" est possible, nous pourrions nous demander comment l'interaction en classe peut être améliorée (avec ou sans smartphone) ?